Chronique « Hibakushka »
Scénario de Thilde Barboni, dessin et couleurs de Olivier Cinna,
Public conseillé : Adultes / grands adolescents (à partir de 16 ans),
Style : Récit historique,
Paru aux éditions Dupuis, le 5 mai 2017, 64 pages, collection Aire Libre, 16.50 euros,
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L’Histoire
1944, aux alentour de Berlin, Ludwig Mueller prend une autostoppeuse dans la nuit. Il s’imagine lui faire sauvagement l’amour… Le lendemain, il accompagne sa femme et son jeune fils, puis se rend à la kommandantur. Sous la bannière Nazie, il est reçu par le général, qui l’expédie sur le champs en mission au japon. Il devra traduire des documents confidentiels…
Ludwig a vécu pendant son enfance au pays du soleil levant. Son père y était consul allemand. A son retour, il retrouve son ami d’enfance Okito. Celui-ci est la personne à l’origine de son handicap..
Début 1945, il prend son poste au Genbaku Dome, à Hiroshima. Lors d’une alerte aérienne, lui et Okito se mettent à l’abri dans l’enclave d’un bâtiment. Troublé, il se retrouve contre une jeune japonaise, tandis qu’elle ne regarde que sa jambe inerte…
Ce qu’on en pense
par Nathalie « Hibakusha » signifie “Survivant de la bombe atomique”. Un mot qui sonne avec tant de douceur… et qui décrit une image si sombre… Cette bande dessinée regroupe deux thèmes qui me passionnent. Le Japon et la seconde guerre mondiale. Que demander de plus ? En plus, tout est raconté et mis en valeur par le très beau trait d’Olivier Cinna.Thilde Barboni, je l’ai découverte avec son scénario pour la très belle bande dessinée « Monika » en deux tomes, aux éditions Dupuis. Série illustrée par le talentueux Guillem March… Olivier Cinna, m’avait habitué à son beau trait en noir et blanc. Je l’ai remarqué avec ses deux bandes dessinées aux éditions Futuropolis : “Fête des mort” et “Ordures”. Elles racontent l’histoire de plusieurs jeunes qui vivent, ou plutôt survivent, en banlieue, dans un noir et blanc, qui s’y prête parfaitement.
Pour “Hibakusha”, le dessin est un mélange de plume et de pinceau, les couleurs sont ajoutées à l’ordinateur et c’est une réussite. Si l’histoire est tragique, il y a beaucoup d’amour et de douceur dans cette histoire. La couleur y ajoute un très bel éclat ! Tous deux ont su me faire vibrer par cette histoire d’amour magnifique entre ce soldat allemand et cette jeune japonaise. Ils m’ont fait trembler lors de ce jour abominable… Hiroshima, 6 août 1945, 8h15.
A la fin de l’album, Thilde Barboni nous raconte d’où lui est venue l’idée de cette histoire. J’ai eu beaucoup de plaisir à lire ses mots. C’est un vrai plus pour apprécier le récit. J’apprécie ces petits suppléments qui me permettent de comprendre mieux d’où viennent les fondements d’un récit.
par Jacques “Hibakusha”, c’est exactement le genre de titres que j’aime dans la Collection Aire Libre. Une histoire simple, humaine, poétique… et même un peu fantastique. Ludwig Mueller est un allemand, qui en 1944, travaille pour le parti Nazi en tant que traducteur au Japon. C’est donc lui l’ennemis ! Mais avant tout, c’est un homme perdu dans la vie, qui fuit un mariage sans bonheur… Handicapé, suite à un accident d’enfance, c’est aussi un homme blessé, qui n’a comme seul ami, que Okito. Celui-là même qui fut responsable de son accident… et qu’il n’a pas dénoncé. C’est un homme complexe et pourtant très simple, qui tente juste d’éviter les ennuis. Et pour y parvenir, quoi de mieux que de suivre la voie hiérarchique, de faire ce que disent les chefs ? En 1944, à Hiroshima, Ludwig découvre l’amour ! Car c’est de ça que parle “Hibakusha”, le droit à une deuxième chance et l’amour fou entre deux êtres qui n’auraient pas dû se croiser…Thilde Berboni dynamite les clichés. Elle fait de Ludwig, ce “bourreau”, une victime de la folie des hommes. En le plaçant à Hiroshima, elle ne choisit pas la facilité. Bien entendu, ça ne finira pas bien pour Ludwig et son amante. Mais qu’importe, c’est toute la poésie et la beauté de ce récit que je garderais en tête.
Au dessin, Olivier Cinna magnifie ce récit d’amour et de compassion. Avec son trait hyper sobre, qui rappelle les sumi-yé (les peintures asiatiques légères au pinceau), il brosse en quelques traits légers situations et personnages. Peu de détails, mais un sens de l’épure qui apporte une vraie poésie. Ses portraits semblent aussi éphémères que le vent… Tout en grâce et en fragilité… Les couleurs, tantôt pastels, tantôt saturés, nous embarquent dans des ambiances japonaises, et poétiques elles aussi. Sous son pinceaux, l’amour est là, affleurant, tout en subtilité. Merci Thilde, Merci Olivier.