Photo : AL
Il se produit un curieux phénomène chez beaucoup d’immigrés, ces étrangers ici et étrangers là-bas : à peine franchissent-ils la frontière qui les mène à leur pays de sang, de chair, de vie, que quelque chose en eux se met à circuler plus vite, plus fluidement ; sous leur peau habituée à être ailleurs que là, une espèce de force vive, d’instinct, de sixième sens, se met à grouiller, à bondir, à réclamer sa liberté, ses origines. Un hurlement au fond de l’être, un cri de joie presque animal. Un instinct doublé d’une certitude que cette terre est la nôtre, profondément, malheureusement peut-être, fatalité stupide puisque le lieu de naissance nous choisit plus que l’inverse.
Cela passe par autre chose que la végétation qui change sensiblement. Par autre chose que le ciel dont les nuances se font plus vives. Par autre chose aussi que les parfums, fenêtres ouvertes, qui enlacent tous les sens. Par autre chose que les goûts des mets, pourtant basiques, qu’on bouffe à la va-vite sur une aire d’autoroute.
Cela passe par le sang. Ça trépigne. Ainsi, lors des premiers kilomètres roulés en Italie, le père comme la fille s’arrêtaient de parler : il n’y avait rien à dire et tout à retrouver.
Alphabêta
Alphabet : n. m. ; liste des lettres d’une langue dans un ordre précis, d’après l’alphabet grec dont les deux premières lettres étaient Alpha et Bêta. Un autre ordre cependant eût été plus amusant et exotique, rappelant vaguement une chanson de Carlos ou d’Annie Cordy : Bêtagamme, Thêtaiô, Êtathête, etc. Ex : « Cela peut sembler un peu bêta, mais l’alphabet est le b.a.-ba d’une langue. »
Arbitre : n. m. : homme payé une fortune pour surveiller des sportifs et se faire insulter. S’il est libre, c’est pire : il peut nous faire faire n’importe quoi. Ex : « Il pleut, c’est ce connard d’arbitre encore. »
Abruti, abrutie : nom con ; n’a rien à voir avec un film de Sergio Leone, bien que l’abruti puisse être bon ou truand — il arrive que l’abruti creuse sa propre tombe. Difficile à décrire, sachez que vous en croiserez beaucoup sur votre route (au travail, à la maison, en famille, à la piscine, au restaurant : l’abruti se répand avec la grâce d’une fiente de pigeon sur le macadam), sous différentes formes, mais toujours caractérisés par une sidérante stupidité. Il demeure une notion totalement subjective, en fonction du libre arbitre (cf. plus haut) de chacun. Ex : « Elle veut écrire un nouveau dictionnaire, c’est vraiment une abrutie. »
Abscons : adjectif ; se dit d’une chose, remarque, raisonnement, discours, qui vous donne un air absent et un peu con. Ex : « Quand tu parles, tout devient abscons. »
Absurde : adjectif ; peut résumer tout ce que vous venez de lire — vous comprendrez donc qu’un exemple serait superflu, mais bon : l’ordre de ce début d’alphabet est complètement absurde.