Certes il s'agit du quatrième tome de la série Androïdes, publié chez Soleil. Néanmoins il n'est absolument pas nécessaire d'avoir lu les trois autres pour comprendre ce qui se passe dans cet album. Androïdes propose en effet des histoires qui se lisent indépendamment les unes des autres, avec à chaque fois une équipe d'auteurs différente. Ici c'est Jean-Charles Godin et Vincenzo Federici qui sont aux commandes. Forcément, vous l'aurez deviné, Kileko est un androïde; sa fonction primaire est d'assister une riche famille qui l'emploie à Los Angeles, en 2037. Entre les temps de pause qu'il met à profit pour se recharger, et les tranches de vie durant lesquelles il déchiffre l'intimité d'un couple de riche galeristes d'art, tout en assistant leur enfant dans les devoirs ou les tracas journaliers, Kielko comprend peu à peu ce qui fait la spécificité des êtres humains. Aucune construction mécanique ne pourra jamais atteindre le désir, le sexe, les fluides corporels, l'animalité de l'homme qui dicte ses choix, brouille sa perception et l'entraîne sur une pente qui s'avère toujours plus glissante, au fur et à mesure qu'on la parcourt. Lorsque l'on est habitué à se fier uniquement à la raison, lorsque chacune de nos réactions est dictée par un ensemble de circuits préprogrammés et de logiciels complexes, on ne peut pleinement appréhender l'irrationalité insondable du cœur et de l'esprit humain, et ses méandres périlleux, menant à la tourmente de la luxure et des pulsions primaires. D'ailleurs les constructeurs ne s'y sont pas trompés, certains documents, certaines lectures ou des films en particuliers, sont interdits aux androïdes, qui ne sont pas censés en savoir beaucoup sur le sang, les larmes, le sperme, bref sur la nature sauvage de l'homme dit "civilisé". Kielko regarde "Blow Out" de De Palma en cachette, il épie son "maître" quand il couche avec une cliente, et reste fascinée par l'épouse, qui use envers lui d'une froideur évidente. Qui a dit que les machines n'ont pas de sentiments?
Au dessin Vincenzo Federici (ou Viska si vous préférez), qui avait déjà terminé cet album il y a plus de 2 ans (sa parution a été régulièrement repoussée) démontre qu'il a atteint une maturité impressionnante, fort utile pour réaliser une telle performance. Car il fallait un dessinateur capable de fortement érotiser les personnages et de nombreuses scènes, tout en gardant une distanciation et une froideur clinique, pouvant se marier avec le regard d'un androïde. Souffler le chaud et le froid dans les mêmes planches, exalter les corps et les courbes, tout en suivant une rigueur formelle et plastique. Viska opère une synthèse saisissante, qui contribue grandement à la réussite de ce 4e tome. Le scénario de Gaudin prend bien le temps de nous faire pénétrer dans l'intimité de la famille employant Kielko, et même si on devine assez vite (voire d'entrée), que l'union parfaite n'est qu'une façade, la lente décomposition du cadre idyllique, qui vole en éclat sous les désirs et les besoins primaires liés au sexe, à la luxure qui emprisonne et mène au désastre, n'en est que plus saisissante. La fin semble un peu brutale, comme s'il fallait achever en quelques pages ce que l'auteur aurait pris au moins le double du temps à dire, en début d'album. Mais n'entache pas le niveau de l'ensemble. Nous recommandons bien entendu ce Kielko sans retenue; c'est une excellente porte d'entrée sur cet univers d'Androïdes, et c'est une publication particulièrement intelligente que nous propose Soleil.
Nous remercions la maison d'édition Soleil pour avoir mis à notre disposition, en avant-première, les copies de ce tome 4 durant le Printemps des Comics, les 5 et 6 mai dernier, à Nice. Et Vincenzo Federici pour nous avoir fait l'honneur et le plaisir de les dédicacer.
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A lire aussi : The Kabuki Fight, de Vincenzo Federici
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