Hélène était au Bataclan le 13 novembre 2015. Elle fait partie des victimes de l’attentat que tout le monde a sans doute gardé en mémoire.
Antoine, son mari, a écrit pendant les heures et les quelques heures qui ont suivi la tragédie. Il raconte avec des mots simples, choisis dans l’urgence mais extrêmement forts, sa découverte de l’événement, la recherche, l’angoisse, l’attente, l’annonce de la mort de sa femme, et puis sa vie ensuite.
Il ne s’attarde pas sur le crime en lui-même, pas de détails ni de mots, on en a suffisamment entendu, en boucle, dans les médias.
Son récit se concentre sur son ressenti, sa quête, ses espoirs, sa douleur anesthésiée, son fils qui le maintient en vie… L’auteur nous livre un texte pur et beau, d’une grande intensité, extrêmement émouvant, porté par des mots aussi forts que l’amour éprouvé pour Hélène.
C’est un livre à lire absolument, qui est un éloge de l’amour et de la tendresse, face à l’absurde et à l’atrocité de l’événement qui lui a donné naissance. C’est aussi un texte brillamment écrit, dont j’ai beaucoup apprécié le style.
Antoine Leiris est un journaliste français né en 1981.
Vous n’aurez pas ma haine est paru en mars 2016 chez Fayard (12,90€) puis au Livre de poche en janvier 2017 (3,90€).
Morceaux choisis :
« Quelques hommes ne colère ont fait entendre leur verdict à coups d’armes automatiques. Pour nous, ce sera la perpétuité. »
« Ces moments les plus insignifiants , où il n’y a rien à montrer, rien à raconter, sont les plus beaux. Ce sont eux qui peuplent ma mémoire. »
« Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a faits à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur. »
« J’ai envie de capituler, de ramper sous le lit pour me cacher. Je rêve de ces bras dans lesquels moi aussi je pourrais pleurer. De ces bras qui feront à ma place ce que je suis encore trop petit pour faire. Je ne suis pas à la hauteur. »
« Et tout à coupe, j’ai peur. Peur de ne pas être à la hauteur de ce que l’on attend de moi. Aurais-je encore le droit de ne pas être courageux ? Le droit d’être en colère. Le droit d’être débordé. Le droit d’être fatigué. Le droit de boire trop et de fumer encore. Le droit de voir une autre femme, de ne plus voir d’autres femmes. Le droit de ne plus aimer, jamais. De ne pas refaire ma vie et de ne pas en vouloir une autre. Le droit de ne pas avoir envie de jouer, d’aller au parc, de raconter une histoire. Le droit de faire des erreurs. Le droit de prendre des mauvaises décisions. Le droit de ne pas avoir le temps. Le droit de ne pas être présent. Le droit de ne pas être drôle. Le droit d’être cynique. Le droit d’avoir des mauvais jours. Le droit de me réveiller en retard. Le droit d’être en retard à la sortie de la crèche. Le droit de rater les petits plats « maison » que je tenterai de faire. Le droit de ne pas être de bonne humeur. Le droit de ne pas tout dire. Le droit de ne plus en parler. Le droit d’être banal. Le droit d’avoir peur. Le droit de ne pas savoir. Le droit de ne pas vouloir. Le droit de ne pas être capable. »
« Elle ne se souciant pas du monde. Elle était le point d’équilibre du nôtre. »
« Chaque fois que Melvil est à la crèche, je me mets sur mon ordinateur pour y expulser tous ces mots qui habitent dans ma tête. Comme des voisins du dessus qui écoutent la musique trop fort. C’est pour les faire taire que je les tape sur mon clavier, pour qu’ils cessent de se battre et me laissent dormir. »
« A gauche près de la place centrale, la tombe est là. Nous approchons. Nous y sommes. Toute ma vie est sous mes pieds. Elle tient dans quelques mètres carrés de pierre, de froid et de boue. C’est petit, une vie. »
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