La quatrième :
Il y a eu d'abord un léger tremblement.
Ce n'est rien se dit Isabell lorsqu'elle le remarque pour la première fois. En tout cas, pas de quoi s'alarmer. Après tout, ils formaient un couple heureux. Solide. Surtout depuis la naissance du petit Mathis.
Et pourtant, ce qui s'annonçait comme un signe d'insécurité passager menace soudain leur existence en profondeur. Incapable de récupérer le contrôle de sa main, Isabell perd son travail de violoncelliste.
Quant à Georg, à la place de la promotion tellement attendue, il se retrouve licencié.
Face à ce bouleversement, le couple commence à douter ; à se fissurer, à se déclasser.
La comparaison avec autrui, jadis si rassurante, provoque désormais le malaise : « Ce n'est plus pour vous ! » leur crient les enseignes bio et les cafés branchés. Devant l'effondrement de leurs repères et pris dans une lente descente sociale, Isabell et Georg perdent pied.
Jusqu'au jour où un nouvel événement chamboule leur vie devenue si fragile et les met face à la question ultime : comment réinventer son avenir quand tout semble perdu ?
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Lu un peu par hasard, sur les conseils de mon amie Céline, alors que plein d'autres attendaient dans ma PAL en meilleure place, j'ai beaucoup, beaucoup aimé ce roman !
Il ne s'y passe pourtant pas grand-chose, ce n'est pas une histoire trépidante, mais je me suis attachée à ce couple, à cette famille, je me suis retrouvée dans les réflexions sur la maternité d'Isabell, et, surtout, je me suis laissée bercer par l'écriture de Kristine Bilkau, dont c'est le premier roman.
C'est une écriture fluide et douce, qui vous prend par la main, qui possède une petite voix magique, et qui m'a fait sentir, dès les premières lignes, que j'allais adorer ce livre. Il me rappelle un peu mon coup de coeur pour "Murmures dans un mégaphone", c'est le même genre de roman où il ne se passe pas beaucoup de choses, mais où il règne une petite musique qui vous fait tourner les pages, encore et encore, et vous attacher aux personnages, à ce couple heureux qui se retrouve soudain au bord de la rupture, par l’accumulation de non-dits (le tremblement d'Isabell) et de soucis financiers.
Roman de la crise financière aussi, qui nous fait voir comme il est facile de tout perdre, comme on peut très vite se retrouver sans ressources. Roman qui interroge aussi cette mode du "bobo bio", qui devient presque une pression sociale : acheter ton bon panier de légumes bio de la ferme (bien cher) pour nourrir ton enfant au mieux, ou rêver d'un "retour à la terre", d'un déménagement à la campagne, comme Georg qui traîne des heures devant des annonces immobilières impayables de fermes à retaper ...
La fin est porteuse d'espoir néanmoins, et c'est ainsi que je comprends le titre : malgré les soucis et les coups durs, le noyau de la vie et du bonheur, c'est la famille ... Ils sont ensemble, ils sont "bienheureux", malgré tout.
Un premier roman sensible et délicat, doux et profond, à découvrir ! Soyez curieux !
"Les bienheureux", Kristine Bilkau, Fleuve éditions, 2017