Comme j'ai le sens de l'actualité, je vous emmène cette semaine en Corée, mais non pas du côté de la bruyante et vivante Séoul, non non, plutôt dans un coin un peu paumé du nord-est de la Corée du Sud. C'est trop facile de ne faire que dans les paillettes, moi Monsieur, je m'intéresse à la vérité vraie des autochtones, comme toute touriste qui se respecte.
Libres pensées...
A Sokcho, une jeune fille travaille dans une pension en rêvant d'ailleurs. Elle fait un jour la rencontre de Yann Kerrand, auteur de bandes dessinées originaire de Normandie, de passage en Corée. Délicatement, de leur rencontre naît une connivence inattendue.
Hiver à Sokcho est à lire absolument.
Tout d'abord, parce qu'il me semble malaisé de retranscrire précisément l'émotion qu'il véhicule, qui le distingue des romans tablant sur des recettes éprouvées. En plein cœur de l'hiver, à Sokcho, on découvre un tout petit bout de culture coréenne, sa confrontation avec la culture française incarnée par Kerrand, le poids de l'immobilité, d'une certaine solitude, de rêves qui semblent hors de portée, parce que le monde est loin.
L'auteur excelle à décrire les rituels quotidiens, ce qui la rapproche des auteurs coréens mais aussi japonais, à mon sens (n'ayant lu que trois auteurs coréens, il est un peu léger de ma part de me prononcer sur la littérature coréenne dans son ensemble, mais comme je me dis que les trois personnes qui liront cet article n'en auront peut-être pas lu davantage, je tente le tout pour le tout).
Ainsi, sans jamais que ne se déroule une action excentrique ou sortant simplement de l'ordinaire (bien que le passage du normand joue le rôle d'élément perturbateur et vienne bousculer la routine de la protagoniste), ces petites choses de tous les jours donnent bientôt forme à une sensualité exacerbée. Par ces détails se dessine une conscience aiguë des corps, qui s'accompagne d'un sentiment étrange, à mi-chemin entre l'étouffement, nourri par ces mille possibilités qui existent soudain en dehors de Sokcho mais paraissent inaccessibles, et l'ataraxie, car ce calme qui règne imprègne, berce, fait verser dans la contemplation, dans une attente dont le but est mal défini.
La lecture de ce premier roman est donc une aventure en elle-même, qui mérite que l'on s'y attarde.
Pour vous si...
Morceaux choisis
"_Alors vous êtes français.
_De Normandie.
J'ai baissé le menton en signe d'entendement.
_Vous connaissez? a-t-il demandé.
_J'ai lu Maupassant...
Il s'est tourné vers moi.
_Vous la voyez comment?
J'ai réfléchi.
_Belle...Un peu triste.
_Ma Normandie n'est plus celle de Maupassant.
_Peut-être. Mais c'est comme Sokcho.
Kerrand n'a pas répondu. Il ne connaîtrait jamais Sokcho comme moi. On ne pouvait pas prétendre la connaître sans y être né, sans y vivre l'hiver, les odeurs, le poulpe. La solitude."
Note finale4/5(très bon)
Libres pensées...
A Sokcho, une jeune fille travaille dans une pension en rêvant d'ailleurs. Elle fait un jour la rencontre de Yann Kerrand, auteur de bandes dessinées originaire de Normandie, de passage en Corée. Délicatement, de leur rencontre naît une connivence inattendue.
Hiver à Sokcho est à lire absolument.
Tout d'abord, parce qu'il me semble malaisé de retranscrire précisément l'émotion qu'il véhicule, qui le distingue des romans tablant sur des recettes éprouvées. En plein cœur de l'hiver, à Sokcho, on découvre un tout petit bout de culture coréenne, sa confrontation avec la culture française incarnée par Kerrand, le poids de l'immobilité, d'une certaine solitude, de rêves qui semblent hors de portée, parce que le monde est loin.
L'auteur excelle à décrire les rituels quotidiens, ce qui la rapproche des auteurs coréens mais aussi japonais, à mon sens (n'ayant lu que trois auteurs coréens, il est un peu léger de ma part de me prononcer sur la littérature coréenne dans son ensemble, mais comme je me dis que les trois personnes qui liront cet article n'en auront peut-être pas lu davantage, je tente le tout pour le tout).
Ainsi, sans jamais que ne se déroule une action excentrique ou sortant simplement de l'ordinaire (bien que le passage du normand joue le rôle d'élément perturbateur et vienne bousculer la routine de la protagoniste), ces petites choses de tous les jours donnent bientôt forme à une sensualité exacerbée. Par ces détails se dessine une conscience aiguë des corps, qui s'accompagne d'un sentiment étrange, à mi-chemin entre l'étouffement, nourri par ces mille possibilités qui existent soudain en dehors de Sokcho mais paraissent inaccessibles, et l'ataraxie, car ce calme qui règne imprègne, berce, fait verser dans la contemplation, dans une attente dont le but est mal défini.
La lecture de ce premier roman est donc une aventure en elle-même, qui mérite que l'on s'y attarde.
Pour vous si...
- Vous cherchez la destination de vos prochaines vacances (spoiler alert : ce ne sera sans doute pas Sokcho)
- Vous êtes un amoureux de la littérature asiatique, notamment japonaise, et raffolez de ses phrases succinctes et descriptives, propices à laisser se déchaîner votre imagination effrénée.
Morceaux choisis
"_Alors vous êtes français.
_De Normandie.
J'ai baissé le menton en signe d'entendement.
_Vous connaissez? a-t-il demandé.
_J'ai lu Maupassant...
Il s'est tourné vers moi.
_Vous la voyez comment?
J'ai réfléchi.
_Belle...Un peu triste.
_Ma Normandie n'est plus celle de Maupassant.
_Peut-être. Mais c'est comme Sokcho.
Kerrand n'a pas répondu. Il ne connaîtrait jamais Sokcho comme moi. On ne pouvait pas prétendre la connaître sans y être né, sans y vivre l'hiver, les odeurs, le poulpe. La solitude."
Note finale4/5(très bon)