« Mes vrais enfants » de Jo Walton

Mon précieux…

Moi (sans réaction devant une étagère pleine de livres, puis murmurant): Oui…
Liam (s’arrêtant à ma hauteur et me regarde perplexe): Mais qu’est ce que…
Moi (l’interrompant): Chut ! J’ai une illumination.
Liam (complètement perdu): Devant une étagère…
Nadia (passant derrière nous): Laisse tomber Liam. Kloliane nous fait le coup du livre qui lui parle
Moi (hochant la tête sans quitter le livre des yeux): Oui, je vais te lire…
Liam (frissonnant): Effrayant…

« Mes vrais enfants » de Jo Walton

AUTEUR: Jo Walton
TITRE: MES VRAIS ENFANTS
ÉDITEUR, ANNÉE: Denoël, 2017
NOMBRE DE PAGES: 352 pages

Il m’arrive parfois que mon attention se fige sur un roman et que mon intuition me souffle… Non… me dit avec vivacité que je vais aimer sa lecture, qu’elle va me marquer, que je me replongerai avec autant de plaisir des mois plus tard. Et je l’ai ressenti cette année pour  « Mes vrais enfants » de Jo Walton.

Résumé: 
Née en 1926, Patricia Cowan finit ses jours dans une maison de retraite. Très âgée, très confuse, elle se souvient de ses deux vies. Dans l’une de ces existences, elle a épousé Mark, avec qui elle avait partagé une liaison épistolaire et platonique, un homme qui n’a pas tardé à montrer son véritable visage. Dans son autre vie, elle a enchaîné les succès professionnels, a rencontré Béatrice et a vécu heureuse avec cette dernière pendant plusieurs décennies. Dans chacune de ces vies, elle a eu des enfants. Elle les aime tous… Mais lesquels sont ses vrais enfants : ceux de l’âge nucléaire ou ceux de l’âge du progrès ? Car Patricia ne se souvient pas seulement de ses vies distinctes, elle se souvient de deux mondes où l’Histoire a bifurqué en même temps que son histoire personnelle.

Alors qu’il répète une seconde fois sa question, Patricia, serrant le combiné près de son oreille, sait que tout son avenir se joue sur sa réponse. Oui, ou non ?
Cet instant, accompagné par un  sentiment de doute, va devenir le point de divergence qui conduira la jeune femme à avoir les souvenirs de deux destins différents. Laquelle de ces deux vies fut la sienne:
– Celle où on la surnomme Tricia et vivant avec Mark ou bien celle où on la surnomme Pat et vivant auprès de Béa ?
C’est l’une des questions que se posera Patricia, bien des années plus tard, dans la maison de retraite où elle vit désormais.

Si je devais définir la lecture de ce roman, je le présenterais comme un arbre auquel j’aurais suivi son évolution au fil des pages.
Tout débute par les « racines » de l’héroïne, où l’autrice nous dévoile son enfance, le cadre familial dans lequel elle a grandi et la relation qu’elle partage avec sa mère et son père. Autour de ses « racines », nous avons l’Histoire de l’humanité qui continue son évolution telle que nous la connaissons. Puis nous avons le tronc qui grandit et représente l’adolescence de Patricia, en pleine Seconde Guerre Mondiale, mais aussi ses études à l’Université dont elle y fera la rencontre de Mark. Puis viendra la fameuse question…
Le tronc se sépare en deux:
deux univers différents puisant dans les mêmes racines.

J’ai alterné avec aisance entre les souvenirs selon qu’elle est Tricia ou Pat. Pourtant, j’avais quelques questions en tête:
– La frontière qui séparait ces « deux vies », est-elle devenue si tangible au point de mélanger les souvenirs de chacune d’entre elles dans l’esprit de Patricia? Et puis, laquelle est réelle et non un écho de ce qu’elle aurait pu vivre ?

Puis, peu à peu, mes questions se sont tues et je suis devenue témoin:
Dans le vécu de Tricia, je voyais l’évolution du statut de la femme au sein de la société, dans son couple, dans l’éducation des enfants et dans sa propre intimité. Puis, il y’a ce monde qui semble si proche de la nôtre, bien que certains événements historiques aient pris un tout autre chemin et que l’évolution technologie soit plus avancée.
– Puis, dans celui de Pat qui en couple avec sa chère Béa, j’ai surtout vus les difficultés que peuvent rencontrer les couples homosexuels dans une société où leurs unions ne sont pas reconnues: dans l’administration, l’adoption, la reconnaissance parentale etc… Quant à leur monde, je ne dirais qu’une chose, la Guerre Froide a pris une nouvelle tournure.

« L’effet papillon » Cette expression se matérialise parfaitement à travers le personnage Patricia dont sa réponse à la question de Mark, va définir son avenir, ainsi que celle du monde. On peut se demander comment cette simple femme a pu changer tout l’Histoire de l’humanité. Je dirai qu’une chose: visualiser une ligne de dominos, placés les uns derrières les autres. Il suffit d’un simple geste pour avoir une réaction en chaîne.

Mais ce qui restera pour moi, la grande richesse de ce roman, c’est sa galerie de personnages. A commencer par Patricia, qui, quel que soit le monde, est toujours cette femme forte, engagée, proche des siens, solaire, qui aime ses enfants de façon inconditionnelle… Bref ! Elle est tout simplement marquante. Les autres personnages ne sont pas en reste. Ils sont tout bien définis, laissant chacun une empreinte importante dans les souvenirs de ces deux vies. D’ailleurs, en arrivant dans la dernière partie du roman, il se peut  que vous vous perdiez entre tous les petits enfants. Pourtant, en tournant la dernière page du roman, je n’oublierai aucun d’entre eux.

Conclusion:

Alors que j’arrive à ma conclusion, je me rends compte que j’ai à peine effleuré toute la richesse de ce roman. Il y’a de nombreuses réflexions concernant la société: l’éducation, la vision du couple, l’accessibilité pour les handicaps que soient au sein de la maison, dans les transports ou autres, les soins apportés aux personnages âgés, l’écologie, le développement du nucléaire etc…

Et si ce n’était que cela ! Fantastique, SF, contemporain… C’est un mélange de genres fort bien manié par Jo Walton qui nous offre ainsi une histoire belle et triste à la fois. Comme j’aime le dire parfois, c’est comme un sourire au goût salé de larmes.

J’ai lu ce roman, à peu près la même période que « Dans l’intimité de Marie » que j’ai chroniqué il y’a quelques semaines. Tout comme cette série, « Mes vrais enfants » fut un coup de cœur. Ce roman a touché plusieurs facettes qui me composent: en tant que femme dans la société, fille de ma mère, mère de mon fils, compagne de mon conjoint, en tant qu’amie, sœur… Bref ! En tant que moi, tout simplement.

J’ai un sourire en tournant la dernière page, mais celui-ci est plein de douceur et de contentement. Une nouvelle autrice vient de faire une très belle entrée dans les œuvres qui m’auront marqué.

(Image à la une de Erica Del Maso )