- The Handmaid's Tale -

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Non, je n'ai pas fini de vous parler de The Handmaid's Tale. Que voulez-vous, une fois qu'on commence à s'intéresser au machin, impossible de faire machine arrière, d'oublier ce que vous avez lu et vu et de reprendre une activité normale. Du coup, juste une semaine après vous avoir parlé de mon expérience de lecture de La servante écarlate, soutenue par , je vous retrouve pour la série. Voilà. On est obsédé ou on ne l'est pas.

La série porte donc le nom english, le titre original, du roman de Margaret Atwood, publié en 1985. Elle ne comporte que 10 épisodes et vient tout juste de se terminer. Heureusement, afin de sauver l'état mental de ceux qui l'ont regardé, la production a décidé de la renouveler pour une deuxième saison. J'ai sauté partout lorsque j'ai appris ça, puis je me suis prostrée dans un placard, effrayée par l'ampleur du boulot des scénaristes, qui allaient poursuivre l'oeuvre originale, la continuer APRÈS les dernières pages écrites par l'autrice. La trouille qu'ils fassent du gros caca qui pue m'a prise à la gorge.

Mais je commence cet article par la fin, ce qui n'a absolument aucun sens. Essayons d'y aller par étapes :

- The Handmaid's Tale -

1 - Pourquoi il faut lire le livre AVANT de regarder la série

Si c'est le livre qui vous intéresse, vous pouvez aller checker ma chronique ou celle de Mimine. Je ne vais pas vous répéter ici à quel point il est important et nécessaire de lire le bouquin, j'ai tenté l'hypnose et ça a apparemment marché sur plusieurs d'entre vous, hihi. Non, là, on va se poser la question que nous autres lecteurs, nous nous posons souvent avant de se mettre à regarder une nouvelle série ou un nouveau film : faut-il lire le livre avant ou après ? Avant pour réserver au papier la primeur des révélations, après pour avoir des images déjà plein la tête. J'ai toujours tendance à dire que peu importe, finalement, chacun fait comme il l'entend. Dans le cas de Big little lies par exemple, l'ordre importe peu, mais je disais qu'il fallait lire le roman, Petits secrets, grands mensonges, pour saisir quelques éléments que la série avait passés sous silence. Pour La servante écarlate, je vous en conjure (oui, à ce point), lisez le livre AVANT.

L'immersion dans l'univers est plus lente, plus intime, vu uniquement par l'héroïne, sa découverte n'en est que meilleure. La série va développer de nombreux points que Defred (l'héroïne) ne peut connaitre, et donc vous apporter des réponses sur les actions des autres personnages, sur le passé de la République de Gilead, c'est que du bonus. Mais en lisant le livre après, j'ai peur qu'il vous paraisse plus fade, moins dense, par rapport à la série, alors que, obviously, ce n'est pas le cas ! Donc avant, c'est mieux.

2- Est-ce une adaptation fidèle ?

Oui, un grand OUI. Dès le premier épisode, j'ai retrouvé l'ambiance si particulière du roman. Immergés instantanément dans une atmosphère étouffante et angoissante, nous retrouvons Defred, l'héroïne, et grâce à une voix off savamment dosée, nous connaissons ses pensées et ses réflexions, tout à fait en raccord avec la narration du roman. Les décors, les costumes, les vêtements correspondent aux descriptions faites et le récit suit son cours, certes en ajoutant de nouveaux éléments, mais la trame principale est bien là et fidèlement retranscrite.

Quelques détails m'ont néanmoins étonné. Le couple Waterford, à qui appartient Defred pendant un temps, est bien plus jeune (et beau) que ce que j'avais imaginé. Interprétés par Joseph Fiennes et Yvonne Strahovski, les deux personnages sont absolument canon mais heureusement, restent inquiétants au possible (peut-être même plus en nuance que dans le roman).

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Ensuite, c'est une broutille mais qui m'a marqué : il y a une drôle de réflexion sur l'épilation des gambettes. Dans le roman, il est clairement dit que les Servantes, qui ne sont que des ventres ambulants, n'ont plus droit à rien qui les ferait paraître plus "séduisantes" aux yeux des Commandants. Dans la série, elles ont le droit de se raser de temps en temps, ce qui est profondément ridicule et montre bien le problème qu'a notre société avec les poils féminins...

Mais bon, dans l'ensemble, la série est vraiment très fidèle.

3- La distribution parfaite

Je viens de vous parler du couple Waterford, tous deux brillants. Joseph Fiennes, comme à son habitude, parvient à être attirant et révulsant dans la même scène. Le monsieur possède un gentil petit air de psychopathe, à la Ted Bundy, celui qui n'a aucun mal à attraper les jeunes femmes dans ses filets avec un petit sourire séducteur.

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Autour d'eux, nous retrouvons, bien entendu, Elisabeth Moss / Defred, connue pour son rôle dans Mad Men. Difficile de dire si, physiquement, elle est proche du personnage créé par Margaret Atwood puisque, dans mes humbles souvenirs, nous n'avons jamais eu l'esquisse de l'ombre de son visage. Néanmoins, j'ai beaucoup aimé son interprétation. Grâce à de subtils mouvements, des regards, des micro-expressions judicieusement placées, elle parvient sans difficulté à transmettre toute la gamme des émotions qui traverse son personnage.

Les seconds rôles ne sont pas du tout en reste, les fans d'Orange is the new black retrouveront avec bonheur Samira Wiley ( Poussey Washington, les vrais savent) dans le rôle de Moira, la meilleure amie de Defred et les adeptes de Gilmore Girl, Alexis Bledel, confondante de talent et de subtilité dans l'incarnation de Deglen.

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Tout le monde incarne son rôle à la perfection et est d' une justesse incroyable, c'est aussi simple que ça (vous commencez à la sentir, ma passion pour cette série, ou bien ?).

Si vous avez déjà fait des recherches sur la série en ligne, vous êtes sans doute déjà tombés sur quelques images, notamment celle-ci dessous :

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Elle ouvre quasiment toutes les chroniques que j'ai pu lire ou trouver surThe Handmaid's Tale et représente à elle seule la perfection et la beauté de la série. Tout y terne, sombre, froid, effacé. Seul le rouge des robes des servantes apporte une touche de couleur mais montre en même temps toute la violence qu'elles subissent.

L'ensemble du show est dans ce goût-là et j'aurais voulu, si je n'avais pas été si prise dans l'histoire, faire des captures de chaque image, de chaque moment, pour garder une trace de cette photographie si dure mais si bien présentée.

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Chaque instant, chaque image, semble avoir été pensé, recherché, pour montrer un monde qui ressemble à celui que l'on connait mais qui a, en même temps, totalement basculé vers le rouge, vers la brutalité.

J'ai senti tout de suite que nous allions avoir droit à beaucoup plus que ce que le livre nous avait donné. Dès le premier épisode, la série nous révèle le prénom de Defred (que je tairais ici parce que je suis un ange), élément secret et absent du roman. À ce moment-là, j'ai commencé à frétiller sévère dans mon canapé, voyant que les réalisateurs et producteurs ne s'étaient pas contentés de nous offrir une "simple" adaptation d'une oeuvre déjà connue, un classique du genre. Non, ils avaient choisi, et c'est tant mieux, de poursuivre la construction du travail de Margaret Atwood en développant la République de Gilead. Heureusement, le tout reste très fidèle et l'extension qu'ils nous offrent a le mérite d' éclaircir certaines zones d'ombre (mais pas toutes) du roman. Les prénoms, le destin de certains personnages, l'avant vu par les acteurs du changement, les Fils de Jacob, les fameux fanatiques, la formation des servantes, etc. Tout ce qui est apporté m'a fait l'impression d'un cadeau, à moi qui avais lu le livre et qui voulais en savoir plus, toujours plus.


6- La musique qui contrebalance tout

Dans The Handmaid's Tale, la musique se place complètement en décalage avec l'action, elle casse le rythme en ajoutant un vrai plus à l'ambiance. Moderne, plutôt rock, elle nous fait revisiter des classiques, tout en passant des messages plus ou moins subtils.

Si le bouquin m'avait déjà mis hyper mal à l'aise, tant la possibilité que cette dystopie puisse se réaliser et tant je m'étais mise à la place de l'héroïne, la série m'a totalement glacé. L'esthétique y fait beaucoup, en désérotisant les rapports hommes/femmes, en montrant des viols de façon clinique, sans violence, avec l'acceptation et la soumission de celles qui n'ont plus rien à perdre. La violence et la brutalité de cette nouvelle société y sont palpables, sans être gore, alors qu'elles restaient plus brumeuse dans le roman.

De plus, en nous montrant l'envers du décor, ce qu'il se passe lorsque Defred ne regarde pas, nous creusons la fameuse théorie du "Mais bon sang, comment un truc pareil a pu bien arriver !" et, une chose en entraînant une autre, Gilead, son conservatisme et son hypocrisie à outrance, n'en devient que plus crédible. À ma grande horreur, j'ai aussi commencé, à certains moments, à me sentir toute tristounette pour Serena Joy, la femme du Commandant Waterford qui, elle aussi, a vu ses droits et sa liberté disparaître. Heureusement, ça n'a pas duré longtemps, ouf.

Pour pallier cette avalanche de sentiments et d'émotions durs comme la pierre, j'ai senti dans la série beaucoup plus d' espoir que dans le roman. Ici, l'espoir est porté par la révolte que l'on sent grandir chez Defred et chez les autres servantes. Même brisées, elles continuent à croire, à rêver à leur vie d'avant et à espérant son retour. Et lorsqu'on ne se focalise plus sur Defred, nous en apprenons aussi sur la vie autour de ces nouveaux États-Unis, et tout semble pouvoir être combattu. La deuxième saison devrait sans doute insister sur ce point, même s'il serait étonnant de voir Defred devenir la réincarnation d'Ellen Ripley...

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The Handmaid's Tale se pose en pamphlet féministe et libertaire, mais pas que. Le sexe masculin, s'il ne fait pas partie de l'élite dirigeante de Gilead, n'est pas non plus franchement bien loti. Mais à l'heure où beaucoup s'amusent à discuter du corps des femmes comme si nous ne savions qu'en faire, il est toujours bon de se souvenir de cette phrase de Simone de Beauvoir :

"N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."

Rien, dans cette série ou dans ce roman, rien n'est finalement inventé. Tout ce que subissent ces femmes a déjà été perpétré dans l'histoire de l'humanité (le droit à l'avortement, le viol, le droit de vote, le droit à posséder son propre compte en banque, et j'en passe) et chaque réplique sonne comme un avertissement. C'est absolument terrifiant.

Un long article pour vous encourager à nouveau à la découverte. Cette série est sans conteste le chef d'oeuvre de l'année 2017 et mon coup de cœur à moi, bien au-dessus des autres séries que j'ai regardées et appréciées. Loin d'être une série pour se détendre, elle est psychologiquement difficile à regarder. Accrochez-vous à votre cœur, à vos bretelles et à votre oreiller parce que le voyage ne sera pas de tout repos. D'ailleurs, n'hésitez pas à partager votre ressenti avec quelqu'un, quitte à la regarder en groupe, ça aide vachement.


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