Un état palestinien aux côtés d'Israël? (c) Le Lombard.
Lancée il y a un peu plus d'un an, la Petite Bédéthèque des Savoirs (Le Lombard) affiche déjà 18 titres à son compteur! Son concept est simple: une collection de bd didactiques en petit format associant un dessinateur à un spécialiste d'un des sept domaines de savoirs qu'elle a établi: histoire, pensée, sciences, culture, technique, nature et société. Les livres sont de véritables documentaires, sérieux sur le fond, créatifs sur la forme. Les textes peuvent être drôles ou graves. Les illustrations constituent un vrai bonus pour les sujets abordés. La collection réunit d'excellentes premières approches de sujets variés. Le public visé est celui des grands ados et des adultes.
Ont ainsi déjà été expliqués l'intelligence artificielle, l'univers, les requins, le heavy metal, le droit d'auteur, le hasard, le nouvel Hollywood, le tatouage, l'artiste contemporain, la prostitution, le féminisme, le minimalisme, les situationnistes, la communication politique, le rugby, les droits de l'homme (lire ici), internet.
Un vrai cocktail vitaminé de dix-sept ingrédients que complète une audacieuse cerise sur un sujet qui fâche tout le monde ou presque, "Le conflit israélo-palestinien, deux peuples condamnés à cohabiter", par Vladimir Grigorieff aux textes et Abdel de Bruxelles aux dessins (Le Lombard, La Petite Bédéthèque des Savoirs, 104 pages), dix-huitième tome de la collection. Fallait oser s'y risquer. Les auteurs, et leur éditeur, l'ont fait et s'en sont drôlement bien tirés.
Pour ce faire, Vladimir Grigorieff et Abdel de Bruxelles ont choisi de présenter le contexte historique du conflit actuel, de plus en plus criant ces dernières années. Ils remontent jusqu'à l'empire ottoman (1516-1917), puis examinent le mandat britannique (1920-1948) et ensuite seulement l'Etat d'Israël et les Palestiniens depuis 1948. Cela permet de mieux comprendre l'enchaînement des conflits et des réactions au cours du temps. De resituer des noms qui ont fait la une des infos sans qu'on s'en rappelle toujours aujourd'hui. De voir l'évolution des idées de part et d'autre, et ailleurs dans le monde bien entendu. De distinguer l'identitaire du religieux et du politique. De réfléchir sur base de la foule d'infos savamment distillées à cette paix qui ne se trouve pas et aux solutions à envisager pour l'avenir. Tout en sachant que l'Histoire est souvent imprévisible.
La préparation 1.(c) Le Lombard.
L'album proprement dit commence avec la mise en situation des auteurs confrontés à leur projet d'écrire un texte court sur un conflit terriblement complexe, censé fournir au lecteur une information de base la plus impartiale possible. Constamment, les dessins apportent leur part d'éléments, saisissant des scènes d'actualités ici et là, présentant par exemple le mur de séparation sans que le texte en parle nécessairement à cette page-là. Les auteurs reviendront régulièrement dans les pages, en marge des situations décrites, posant une question, glissant une réflexion. C'est aussi amusant que dynamique.La préparation 2. (c) Le Lombard.
Le propos du livre est, on s'en doute, extrêmement riche, mais non indigeste. On suit avec intérêt le plan historique proposé, qui montre comment un peuple restaure son indépendance nationale en en chassant un autre de ses terres. Les auteurs démontrent intelligemment le pourquoi de ces événements cruciaux du XXe siècle. En ne cachant pas comment le religieux et le politique ont rejoint l'identitaire. Les idées ont aujourd'hui évolué et il est d'autant plus intéressant de savoir d'où elles viennent, en quoi elles s'ancrent. Cela contribue à dépasser l'immédiat, à dépassionner la question elle-même et à peut-être envisager des compromis.
Pays différents, chagrins identiques. (c) Le Lombard.
Outre l'aspect historique, les auteurs ont aussi une approche humaine du conflit, qui rend la vie quotidienne difficile. Ils montrent les difficultés à vivre et à se déplacer, les arrivées et les départs, les escarmouches et les combats. Ils témoignent des deuils dévastant les familles de chaque côté... Ils établissent une correspondance sémantique, pas une équivalence, entre les mots Shoah (catastrophe en hébreu) et Nabka (catastrophe en arabe). Abdel de Bruxelles prend sa part du travail grâce à ses dessins narratifs, ou pleins de sens et d'idées qui fouettent l'imagination et la compréhension. Une colombe de la paix ici, une omelette là, les réunions à l'ONU, l'horloge de l'Histoire...
"Le conflit israélo-palestinien" se déployant jusqu'au mois de décembre 2016, on aura fait en sa compagnie le grand tour de la question sans que rien n'y fâche. Un défi hautement relevé qui peut encore se poursuivre à travers les conseils de lectures complémentaires des deux auteurs.
Pour lire un bon début du livre, c'est ici.