C’est le 1er, je balance tout (#6, juillet 2017)

Par Lupiot

Sixième édition de ce nouveau rendez-vous mensuel, qui rime avec " C'est lundi, que lisez-vous ? ", et peut se voir comme un complément ou un petit frère dérangé, comme il vous plaira. Je vous invite à l'adopter, il ne mord pas.

Le principe ? Quatre trucs à balancer !

  1. Le Top & Flop de ce que j'ai lu le mois dernier
  2. Au moins 1 chronique d'ailleurs lue le mois dernier
  3. Au moins 1 lien qui m'a fait " Wahou " le mois dernier (hors chronique littéraire)
  4. Et enfin : ce que j'ai fait de mieux le mois dernier
1) TOP & FLOP

Alors ce mois-ci en tout j'ai lu... plein de choses différentes ! Des BD, des romans, mais aussi des recueils de nouvelles et de poèmes, et (même!) des essais.

Côté BD :

Côté nouvelles, poésie et essais :

... et enfin, côté romans :

Soit 26 livres ce mois-ci !

La raison de cette abondance (et cet éparpillement) ? Je suis partie à l'aventure avec Bloup (fidèle chroniqueuse) à Saint-Malo, lui faire découvrir le Festival Étonnants Voyageurs, qui comprend un salon du livre spécialisé en jeunesse mais aussi (et, historiquement, surtout) en littérature du voyage (on y trouve ainsi beaucoup de petites maisons de littérature étrangère et de poésie). Puis, comme je n'avais pas ma dose, je me suis rendue avec mon amoureux au Marché de la Poésie place Saint Sulpice à Paris la semaine suivante. Et comme chaque fois que je me rends en salon, la courbe de ma consommation littéraire a fait un bond de malade.

Le plus intéressant de mon point de vue : j'ai fait beaucoup de rencontres qui m'ont donné envie de découvrir des littératures hors de ma zone de confort (comme des polars), et j'ai lu pas mal de textes qui m'ont amenée à adopter une approche différente de la lecture et de l'écriture (notamment des poèmes).

Du coup, je me suis souvenue que c'est toujours sympa de changer d'air (et que je devrais sortir mes orteils du bain de la litté jeunesse plus régulièrement).

Remarque en passant : bon, j'ai quand même lu un certain nombre de romans jeunesse dont j'attends la parution avec impatience et trépidation car je crève d'envie de vous en PARLER. (Je me dis que rédiger des critiques avec trop d'avance sur la sortie des livres est un brin improductif dans le sens où ça vous crée de la frustration.) Bref, rendez-vous en août pour vous parler notamment de :
  1. La fourmi rouge, d'Émilie Chazerand (chez Sarbacane) : un ÉNORME coup de cœur (que j'ai lu six fois maintenant, et il continue de me faire autant rire, ce qui mérite clairement une médaille, médaille qu'on pourrait appeler le " prix Mission Cléopâtre ") ;
  2. L'aube sera grandiose, le nouveau Anne-Laure Bondoux (chez Gallimard Jeunesse) : qui, en termes de " suivi émotionnel " est une magnifique réponse à son roman précédent (même si narrativement, aucun rapport) ;
  3. Colorado Train, de Thibault Vermot (chez Sarbacane) : une sacrée claque presque cinématographique, un thriller à hauteur d'ados dans le Colorado des années 50, avec une ambiance collante, étouffante comme ces après-midis d'été à jouer dans la canicule tandis qu'un danger rôde ;
  4. Les cancres de Rousseau, d'Inca Sané (chez Sarbacane) : premier roman que je lis de cet auteur à la langue qui frappe et qui caresse ; découverte géniale de son univers.
Qui a dit " vendue ? "

C'est donc parti pour le...

#1. TOP & FLOP Top (6) Ça fait beaucoup de TOP ce mois-ci, mais d'un côté, heureusement, sur 26 livres lus ! Une sœur nous déroule les premiers émois fascinés d'un garçon de treize ans qui se retrouve à passer ses vacances d'été avec la belle Hélène, fille d'amis des parents, de deux ou trois ans plus âgée. La bande-dessinée saisit cette relation à la fois complice et complexe où, entre découvertes sociales et flirts interdits, un enfant devient un ado. Et surtout, Une sœur nous montre deux personnages d'adolescents authentiques comme rarement. Pas de faux rebelles, pas de dramas surjoués, pas de grand amour ni d'humiliation : tout est dans la sincérité de ces jeunes envers eux-mêmes, le non-dit subtil, dans le pli du t-shirt où l'on a aperçu un peu de cette peau qui nous tiendra éveillé toute la nuit. En refermant le livre, j'ai fait Waow, et je suis restée bloquée un moment. Paru tout récemment, c'est le dernier-né de cet auteur au style graphique épuré que j'ai découvert avec Polina. Avec Une sœur, on pousse le style Vivès au maximum sur l'échelle du minimalisme : ça n'a jamais été aussi fin et - ça n'a jamais été aussi touchant. C'est ma BD préférée de lui. C'est incroyable l'émotion qu'il parvient à transmettre en quelques traits, dans une posture, dans un rythme parfaitement calé entre les cases ; ça me tue. C'est d'une finesse, d'une délicatesse rares.
    #2. Elmer, de Gerry Alanguilan (VO Philippine 2006-2008, VF 2010 chez Ça et là)
Ça a l'air naïf et drôle ainsi, mais cette BD est tout sauf humoristique. Et, purée... Elle est vachement puissante. Bien dessinée, inattendue, fascinante, c'est une petite bombe en termes de découverte du genre, mais c'est aussi THE livre pour réfléchir sur le racisme.

C'est la BD what the fuck du mois. Le pitch ? Un jour, les poulets se sont mis à parler.
C'est tout : soudain, les poules et les coqs se sont trouvés doués de conscience. Il a fallu réfléchir à les accepter parmi les hommes, leur trouver un nouveau statut. Arrêter de les rôtir à la broche, leur donner des droits et leur offrir des jobs.

C'est mon premier Martine Pouchain, mais il m'a donné envie d'en lire d'autres : super style, maîtrise narrative au poil, un aspect épopée épique qui se mêle à une histoire intimiste, et d'excellents dialogues. (Mais ! criez-vous. Il n'était pas dans ta liste du mois, celui-ci ! Non, en effet : je ne compte presque jamais les albums, sinon ON NE S'EN SORT PAS.) Bref - Alerte album extrêmement craquant ! Björn, ce n'est rien d'une petite boule d'amour. Un nid en coton dans lequel on a envie de tortiller son derrière pour trouver la sensation du parfait écrin dans lequel s'endormir le sourire aux lèvres. Ex : Björn est bien content d'avoir gagné un canapé au tirage, et n'ose pas dire qu'il préférait sa tanière comme elle était avant, avec son petit coin pour dormir, juste là ; ça l'embête un peu, ce canapé, et Björn se tient devant, pataud, en regardant à gauche, à droite à répondre " Si si " à ses amis qui lui demandent s'il n'est pas content. Il a l'impression de ne plus être chez lui. Ce livre est comme la tanière de Björn : c'est un album douillet dans lequel on se sent bien, et on n'y changerait absolument rien. Björn nous raconte le quotidien d'un ours et de ses amis de la forêt au travers de six historiettes : rien de révolutionnaire, me direz-vous. Ah, mais c'est là que l'on met le doit sur le fond de la question : ce n'est pas en soi le sujet qui fera un bon livre, mais son traitement. Les ours, dans le monde des albums pour petits, il y en a des tas - et il y en a même beaucoup qui sont forts sympathiques. Ici, c'est le ton très doux et simple, le léger goût de l'absurde et, surtout, la personnalité si crackinoute de cet ursidé gentil, brave, poli, qui nous séduit. L'été, Tara part en camping avec ses parents - au même camping, tous les ans : le Momo's. Là, elle y retrouve son ami de toujours, Adam. Sauf que cette année, il y a quelque chose de déréglé dans la belle horlogerie de ses vacances : 1) Adam est devenu hot-hot-hot et Tara a la soudaine et bizarre envie de lui croquer les mollets, 2) une pétasse belge ultracanon, impolie et vicieuse, a planté sa tente a côté de la sienne, et s'incruste aussitôt dans leur duo complice. Sauf que trois, ce n'est pas un bon chiffre, que ce soit pour le ping-pong ou l'amour. Une rivalité bien toxique s'installe entre les deux filles, Adam joue les aveugles, et ça part rapidement en sucette. Ce n'est pas juste un roman d'été. Si l'ambiance de vacances, les tragédies absolues de nos désamours et rejets adolescents sont bien là, en termes d'écriture et d'incarnation des personnages, on est très éloigné d'un Quatre filles et un jean. C'est davantage qu'une comédie : tous les personnages ont plus d'une facette, et Tara comme le lecteur grandissent de ce temps passé avec eux. La moralité pourrait être quelque chose comme : la vie, c'est simple pour personne, ma petite crevette ; tout le monde se débat comme un chien pour tenter d'être heureux ; arrête deux minutes de te regarder le nombril et glisse tes orteils dans la rivière, là, voilà, on est bien ; pourquoi tu te vrilles l'estomac avec des angoisses montées en neige ? ❤ Meh (1) QUOI ? Quoi quoi quoi quoi ? J'ai mis Timothée de Fombelle dans la catégorie " Meh " ??? Prenez mon pouls : je suis toujours là ?? L'explication :
Timothée de Fombelle m'a trahie.
Jusqu'ici, j'ai adoré tous les De Fombelle que j'ai lus (3). Mais Vango (dont j'ai aimé certains aspects, (sinon, va te fader près de 800 pages d'un roman qui te porte sur les nerfs)), m'a déçue et surtout, par moments... agacée. J'y ai perçu des systématismes littéraires obvious et usants, et j'ai eu la sensation que le roman prenait un peu son lecteur pour un idiot. Bon, ce n'est pas un Flop, c'est un Meh. Et je procéderai par ordre (pourquoi c'est bien, pourquoi c'est Meh) - dans un article à paraître mercredi, car j'ai trop de choses à développer pour tout caler ici. Flop Parmi les nouvelles que j'ai lues, quelques-unes ont été de vraies déceptions, mais bon, aucun de ces textes n'est assez connu pour mériter que je le descende publiquement en développant mon ire, ce serait salement gratuit. #2. CHRONIQUES D'AILLEURS #3. AILLEURS SUR LE WEB Imprégnez-vous des couleurs estivales de la couverture, tirez sur la fermeture éclair de votre tente - ziiiiiip - et laissez-vous envahir par l'odeur de l'été. La rivière vous appelle avec son doux froufrou, les aiguilles de pins craquent sous vos pieds, et vous avez déjà un goût de glace à l'eau sur la langue.

Nous suivons la vie chaotique de Gloria, gamine amoureuse de son prof de théâtre qui se laisse convaincre qu'elle a un vrai talent d'actrice (alors que son prof ne dit ça que pour la séduire). Moralité : elle tombe enceinte trop jeune et abandonne son bébé pour partir vivre la carrière de ses rêves à - je vous le donne en mille - Hollywood. Mais, de pervers narcissiques en déconvenues professionnelles, elle se retrouve des années plus tard à regretter la seule chose qu'elle a (pense-t-elle) réussie : son fils.
Elle va donc kidnapper le petit garçon de huit ans et l'emmener en road-trip (correction : en fuite) à travers les USA.

    #5. Amour, vengeance et tentes Quechua, d'Estelle Billon-Spagnol (Sarbacane, 2017)

Je rebondis sur l'article de Pikobooks pour évoquer rapidement le phénomène Emma Watson et les livres : Emma Watson, actrice connue pour le rôle de Hermione Granger dans Harry Potter (je situe au cas où : viendra bien un jour où une nouvelle génération n'aura *pas* été biberonnée à Harry Potter *frisson glacé*), utilise sa renommée pour promouvoir la culture, la lecture et ouvrir les consciences au féminisme.

Elle a créé un Feminist Book Club sur Goodreads, dans lequel elle propose chaque mois un livre sur le thème du féminisme (souvent un essai, mais pas que). Cette lecture mène, lors de la dernière semaine du mois, à des discussions libres entre les membres du club. (Ce club est ouvert à tous ! Enfin, tous ceux qui parlent anglais.)

La liste du Emma Watson Reading Challenge évoquée plus haut par Pikobooks est très vaste et renvoie plutôt à ses livres favoris qu'à des livres strictement sur le féminisme (il y a de tout : jeunesse, polars, BD, essais, théâtre...), en revanche, si ça vous intéresse (moi ça m'intéresse), voici la liste des onze livres déjà recommandés, lus et partagés par les membres du Feminist Book Club sur Goodreads :

#4. HAPPY NOMBRIL
  1. My life on the road, de Gloria Steinem (non traduit)
  2. All about love: New Visions, de Bell Hooks (non traduit, mais je vous liste deux de ses ouvrages traduits en français)
    1. Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme
    2. De la marge au centre. Théorie féministe
  3. Hunger makes me a modern girl, de Carrie Brownstein (non traduit)
  4. La moitié du ciel: enquête sur les femmes extraordinaires qui combattent l'oppression, de Nicholas D. Kristof (Half the Sky: turning oppression into opportunity for women worldwide)
  5. Femmes qui courent avec les loups: histoires et mythes de l'archétype de la femme sauvage, de Clarissa Pinkola Estés (Women who run with wolves: myths and stories of the wild woman archetype)

Je vous ai mis le titre en VO, pour les lecteurs intéressés.

Je n'en ai lu que 2 de cette sélection (et je ne les lirai certainement pas tous), je vous les mets ici car ce genre de liste est souvent inspirant/épanouissant, et peut en l'occurrence s'avérer un bon guide pour entamer une réflexion sur le sujet.

La bonne nouvelle, c'est que LA GRENOUILLE EST DE RETOUR. Non, ce n'est pas un message codé annonçant une plaie biblique : le petit bouton bleu ci-dessous permet aux blogueurs ayant rédigé un " C'est le 1er " de répertorier leur lien.

Je suis assez contente des retours que j'ai eu sur mon diptyque " L'esprit critique en littérature : où s'en procurer" . Beaucoup de personnes m'ont fait part de leur simili illégitimité à la critique (bouh, caca !) et de leur envie de s'améliorer (owii !). Les échanges, ici et sur Facebook, ont été formidables (et adorables) (on est vraiment des Bisounours, en littérature jeunesse).

Répétons-le : à tous ceuzécelles qui se disent parfois " Oh la la, mais Jean-Guy il en sait tellement plus long que moi " : Jean-Guy se dit probablement la même chose à propos de Pierre-Henri. Venez voir par ici : " Je ne lis plus et ça me désole ", ou la cata culturelle du snobisme internalisé.

Si je vous ai oublié(e), n'ayez pas peur de me dire " Tu m'as oublié(e) ! 😀 " en me remettant votre lien.

*** Encore un article interminable de Lupiot, on l'applaudit bien fort ***

À bientôt pour un Meh constructif sur Vango... et plusieurs découvertes géniales en lutté ado ! D'ici là, bonnes lectures,

Et hop, je commence le rapatriement des liens de tous les formidables C'est le 1er de juillet :