Le Défi Lecture Commune Classique, késaco ?
C’est une idée qui est venue initialement aux esprits torturés de Nina (Le Rest’o Littéraire) et Nath (Lectures du Dimanche) qui avaient tout à la fois envie de partager des lectures tout en souhaitant revoir leurs classiques ! C’est vrai que souvent, même si nous avons envie de (re)lire de bonnes vieilles lignes qui font l’histoire de cette passion de la lecture qui est la nôtre, nombre d’excuses viennent à notre secours pour remettre cela à plus tard. Alors si plusieurs lecteurs s’associent, ça devient un défi ! On se dit qu’on lit pour nous mais aussi pour échanger, partager… De là à s’en faire un rendez-vous trimestriel, il n’y a qu’un pas que nous espérons franchir si ce premier galop d’essai s’avère convaincant ! Sachant que nous serions ravies d’accueillir d’autres bloggeurs, si le cœur vous en dit ! Précisons toutefois que nous n’avons pas la prétention de faire de l’analyse d’une œuvre classique, tout juste avons-nous l’envie d’en débattre avec nos avis de profanes…
L’avis de Nina
Que dire après cette magnifique approche de Nath ! Procédons par ordre, j’étais en flippe totale avant même de commencer ce livre, pour deux raisons :
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1/ J’ai horreur de la romance. Compliqué pour cette lecture n’est-ce pas ?! Je me disais donc un roman d’amour écrit à cette époque doit être tellement romantique que je vais avoir envie de le refermer à toutes les pages !
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2/ De plus, cette époque littéraire est marquée par une lenteur gargantuesque des actions… Donc les deux alliés… Lenteur et romantisme : je me voyais déjà (…en haut de l’affiche… Ah non pardon !) endormie les lunettes de travers et le livre mis de côté !!!
C’est donc avec ces horribles a priori que je me suis lancée dans les premières lignes, dubitative et peu coopérative comme vous avez pu le constater. Mais, je ne savais pas que c’était une magnifique rencontre littéraire qui m’attendait…
Bien que je rejoigne l’avis de Nath sur la description des personnages parfois un peu soporifique, j’ai en revanche été de suite happée par l’univers et la période qui m’ont replongée dans mon 1er semestre d’histoire. Du coup, j’ai pu vite me repérer sur ces fameux personnages qui font la Cour sous Henri II et j’ai adoré les voir en scène sous la plume de Madame de Lafayette. Oui, la rencontre commence comme ça, par « les brèves de Cour » (comme on dirait les brèves de comptoirs de nos jours) incroyablement bien menées et mises en relief, puis, elle se poursuit par la beauté du langage.
Pour m’expliquer un peu plus, ce que j’ai particulièrement aimé est le début du canevas sur réalité historique et l’ajout fin de l’héroïne fictionnelle – comme la cerise sur le gâteau – et de son Duc qui donne à l’histoire d’amour une portée authentique malgré la fiction. Ainsi que la description des comportements sociaux de l’époque et bien sûr, l’analyse de la passion. C’est d’ailleurs dans cette analyse que je me suis envolée avec les mots de Madame de Lafayette… Les phrases sont simples, puissantes et bourrées d’élégance, une élégance malheureusement perdue dans nos romans contemporains. En bref, sa plume m’a bouleversé, au point, que je relisais parfois certaines phrases plusieurs fois tellement j’étais submergée par leur beauté et leur poésie. Ivre de mots, je me suis régalée avec cette œuvre.
Enfin, on ne peut lire ce livre sans en souligner les notions de dignité, de vertu, de droiture et de sacrifice dont fait preuve Mme de Clèves en combat contre elle-même. Malgré son amour, ou « inclination » qu’elle ne peut contrôler, elle décide de s’éloigner de son prince pour ne pas salir la mémoire de sa mère et de son feu mari. Mais bien que ses intentions soient pures, on voit aussi apparaître la peur de l’abandon cachée sous ses excuses qu’elle met en avant. On assiste donc non seulement à l’analyse de l’amour mais aussi à celle – universelle – de la peur de la perte de l’autre, de l’attachement affectif et du pouvoir donné à un tiers par celui-ci. De la peur d’aimer et d’être aimé entrainant forcement par sa naissance celle d’être désaimer, de souffrir et d’être dupé. Quelle conclusion en tirer : pure altruisme que la décision de Mme de Clèves ou égoïsme dissimulé ?! Peut-être de l’altruisme égoïste ! Mais passons le débat philosophique
Pour conclure, je dirais que ce classique mérite d’être lu, relu et étudié. Que ce soit d’un point de vue littéraire, historique ou social, il répond à toutes les attentes. Et de mon côté, je pense que ma PAL va vite se retrouver peuplée d’écrits de Madame de Lafayette qui se verront dévorés en aussi peu de temps qu’il n’en faut pour dire « Sa Majesté » !
L’avis de Nath
Les vingt premières pages m’ont fait me dire : « Mais qu’est-ce qui m’a pris de m’embarquer dans cette galère ?? » L’auteur nous plante le décor, décor qui se place sous le règne d’Henri II. Afin de nous situer, l’auteur dresse le portrait des principales personnalités de la Cour des Valois, les décrivant à grand renforts de superlatifs qui sont, in fine, franchement lourds… Mais une fois finie cette partie (n’ayons pas peur des mots) « barbante », l’histoire commence enfin. Et cette histoire, c’est celle d’une jeune femme en âge de se marier, que sa mère présente à la cour afin de lui trouver un parti convenable, servant tout à la fois ses intérêts et ceux de sa famille. La particularité de cette jeune fille réside dans l’éducation que sa mère lui a donnée. En effet, dans un monde où les plaisirs, les distractions, la vanité, l’infidélité, les complots sont non seulement légion mais également la norme, sa mère l’a très tôt mise en garde contre les dangers de la passion. En lui dépeignant le pire, elle a su la persuader d’avoir une conduite exemplaire… Une fois mariée au Prince de Clèves qui en est éperdument amoureux, sa vie s’égrène à la Cour, rythmée par ses plaisirs tous plus futiles les uns que les autres. Lorsqu’un jour, son chemin croise le Duc de Nemours, elle en tombe passionnément amoureuse. Et cette passion est réciproque ! Mais, mise en garde par sa mère juste avant que celle-ci ne décède, la Princesse de Clèves décide de mettre tout en œuvre pour se sauver de son « inclination » pour le Duc, allant même jusqu’à avouer la vérité à son mari pour qu’il l’aide à s’en préserver !
Au final, cela pourrait n’être qu’un roman d’amour comme les autres, une histoire impossible avec trop d’obstacles… Mais ne cherchez pas la Happy End à l’américaine… Il l’aime, elle l’aime… Mais elle ne passera jamais au-dessus de sa vertu, même alors que plus rien ne s’oppose à leur union. Alors que l’auteur laisse soupçonner que, du côté du Duc, la passion s’émousse tandis que la Princesse consacre sa vie à l’éteindre, c’est l’impression qu’une femme blessée et désabusée a écrit ces lignes…
Dès les premières lignes d’ailleurs, on lit : « (..) elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; (…). Cependant, dans le livre, les femmes (sauf l’héroïne), ne semblent pas plus vertueuses que les hommes !
On lit plus loin (…) – Si vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci, répondit Mme de Chartres, vous serez souvent trompée ; ce qui paraît n’est presque jamais la vérité. (…)
C’est bien l’impression générale de l’ouvrage car, chaque anecdote connexe à l’histoire tend à dépeindre les plans retords destinés à servir les intérêts de chacun qui sont manigancés en permanence… Bon sang ! Gossip Girl n’a rien inventé !!! C’est un aspect de l’histoire intéressant et même amusant à lire !
Au final, je ne suis pas déçue de m’être replongée dans ce classique découvert une première fois il y a plus de vingt ans (Chrissouille, si tu me lis…) car ça fait du bien, finalement, de sortir de mes habitudes. Du très beau français, même s’il faut quelques pages pour se remettre dans le bain ! Et puis c’est une magnifique histoire d’amour qui, finalement, n’est pas tant celle de Mme de Clèves pour Mr de Nemours, mais plutôt ce magnifique respect qu’elle a conservé au Prince de Clèves qui l’a tellement aimée… Elle a peut-être raison, Mme de Clèves : une fois consumée, la passion peut passer… Tandis que la tendresse et le respect sont deux éléments qui peuvent faire les bases solides d’un mariage heureux …
Est-ce que l’histoire peut trouver sa place à notre époque ?
Nina :
Je rejoins l’avis de Nath, en effet, une histoire d’amour reste intemporelle ! Alors oui, il trouve tout à fait sa place, avec bien sûr les nuances d’évolution générationnelle Notamment, le langage comme l’a très très bien souligné Nath mais aussi dans les approches bien moins élégantes et plus brut de décoffrage !
Quant à la notion de dignité ou plutôt de peur des commérages pour sa dignité, je pense que malheureusement même si l’on est plus dans une Cour, les jugements n’ont que peu évolués. Les stupidités du genre « Oh regarde mon Dieu ! Elle a divorcé il y a à peine 6 mois et la voilà déjà avec un autre » ou encore « Quelle…BIP… celle-là ! On l’a voit avec un homme différent chaque semaine ! ». Bon, j’avoue que dans cette analyse sociologique le fait de travailler auprès d’ado y est pour beaucoup, mais il n’empêche que c’est triste de voir à quel point il se jauge mutuellement et comment une rumeur peut détruire une réputation (ainsi qu’une personne) à vitesse grand V. Pour les autres notions citées plus haut la peur de l’abandon et autres, je pense que l’on sera tous d’accord pour dire qu’elles sont comme l’amour : intemporelles et innées à l’Homme !
Nath :
Si ce n’est que la formulation serait sensiblement différente (« Mec, matte la Go qui zieute le Duc ! Putain, elle est in love, c’est clair ! »), l’histoire peut trouver écho à notre époque, parce qu’une histoire d’amour, c’est tout simplement intemporel ! Et même si l’on a depuis longtemps cessé les mariages de raison, l’infidélité reste (malheureusement !) une préoccupation contemporaine !
Par contre, la vie des différents protagonistes est totalement incompatible avec notre époque ! Entre métro-boulot-dodo, pas trop le temps pour une Princesse de se demander comment éviter un Duc ! Et même au pire, un bon avocat, un divorce, et l’affaire est dans le sac !
Pour le coup du « mourir d’amour » (autrement qu’en se suicidant, s’entend !), même si l’image est bien jolie, alors là ! A l’heure des psychanalystes et des réseaux sociaux, il aurait vite fait « Next ! » ! Mais d’un autre côté, je me pose quand même la question de savoir si, même à cette époque-là, la maladie d’amour aurait été plausible ?
Les petits « plus », les petits « moins » de cette lecture classique ?
L’avis de Nina :
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Le plus : une belle histoire d’amour tendre et respectueuse sur fond historique associée à une plume raffinée.
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Le moins : des personnages parfois nombreux et une possibilité de perte de repères dans certains passages du livre.
L’avis de Nath :
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Le plus : Une plume magnifique, un français riche qui fait plaisir à retrouver…
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Le moins : Contrairement à Nina, mon dernier cours d’histoire relatif à cette période remonte à… 20… voire 25 ans… Du coup, la plongée dans les descriptions des personnalités de la Cour m’a réellement paru très très lourde et j’ai eu du mal à ne pas m’y perdre dans cette foule de personnages…