C'est LE roman de l'été, celui dont parlent les blogueurs et la presse depuis des semaines, exposant son auteur à une médiatisation subite et sans doute envahissante. Je me suis à mon tour laissé tenter par le roman à la couverture jaune.
Libres pensées...
La tresse raconte l'histoire de trois femmes : Smita, Intouchable en Inde, qui décide de s'enfuir et de se battre pour que sa fille bénéficie d'une éducation, apprenne à lire et à écrire; Giulia, sicilienne, qui se retrouve du jour au lendemain à la tête de l'entreprise de son père et doit lui éviter la faillite, et Sarah, business woman canadienne carriériste qui apprend un beau jour qu'elle est gravement malade.
Les chapitres sur chacune de ces trois femmes s'alternent, et progressent en parallèle, jusqu'à nous révéler, comme l'on peut s'y attendre, ce qui les lient entre elles.
Il y a de très jolies choses dans ce premier roman de Laetitia Colombani : tout d'abord, un sens du récit qui semble naturel et qui appâte immédiatement l'intérêt du lecteur, grâce à des effets d'annonce et de projection, la création de suspense, et le fait que l'auteur se concentre sur des faits et des pensées abordables, retranscrits avec simplicité.
A cela s'ajoute la question sociale qui sous-tend les trois parcours, à savoir, le sort des Intouchables en Inde, et en particulier des femmes de cette caste, les enjeux financiers et d'innovation pour faire vivre une entreprise familiale grâce à laquelle survivent plusieurs ouvrières, et la pression qui s'exerce sur les femmes dans certains milieux professionnels où la compétition fait rage.
Les sujets choisis sont habilement reliés, actuels, et le rythme équilibré, si bien que la lecture de la tresse est rapide et agréable, elle conviendra sans surprise à un très large public.
Deux petits bémols cependant, dont le premier m'a été inspiré par nul autre que Yann Moix, qui s'est fait un plaisir de tacler un peu l'auteur lors de son passage dans l'émission ONPC : indubitablement, le roman aborde des sujets dont on imagine difficilement qu'ils pourraient susciter des réactions diverses parmi le lectorat. La situation de Smita, comme celle de Sarah, est révoltante, pour des motifs différents mais néanmoins évidents. A cet égard, l'auteur ne prend guère de risques, si bien que certains lecteurs ou critiques pourraient lui en faire le reproche. Néanmoins, il faut garder en tête qu'il s'agit d'un premier roman, et non l'oeuvre d'un écrivain chevronné.
Par ailleurs, la fin m'a laissée sur ma faim, et m'a paru à la fois attendue et rapide, expédiée. J'aurais apprécié davantage une version plus élaborée.
La tresse est donc un premier roman très réussi, qui présente des faiblesses relatives, mais mérite résolument d'être lu, ne serait-ce que pour le message - certes déjà vu, mais qu'il est toujours bon de rappeler - qu'il véhicule sur la condition des femmes dans certaines régions du monde.
Pour vous si...
Morceaux choisis
"Mais pour l'instant, ce n'est pas le moment. Sarah quitte l'hôpital, contre l'avis de l'interne.
Pour l'instant, tout va bien.
Tant qu'on n'en parle pas ça n'existe pas." (une stratégie que nous avons tous expérimentée, et qui est toujours complètement foireuse. Même François Fillon a du mal à s'en sortir.)
"Cette histoire, Smita la connaît. Pas besoin de la lui rappeler. Elle sait qu'ici, dans son pays, les victimes de viol sont considérées comme les coupables. Il n'y a pas de respect pour les femmes, encore moins si elles sont Intouchables. Ces êtres qu'on ne doit pas toucher, pas même regarder, on les viole pourtant sans vergogne. On punit l'homme qui a des dettes en violant sa femme. On punit celui qui fraye avec une femme mariée en violant ses sœurs. Le viol est une arme puissante, une arme de destruction massive. Certains parlent d'épidémie."
"Inès est fine, elle est politique, selon l'expression consacrée, un mot élégant pour dire : fourbe, pour dire : qui va dans le sens des puissants. Un mot qui signifie : qui n'a pas peur des coups bas."
Note finale3/5(cool)
Libres pensées...
La tresse raconte l'histoire de trois femmes : Smita, Intouchable en Inde, qui décide de s'enfuir et de se battre pour que sa fille bénéficie d'une éducation, apprenne à lire et à écrire; Giulia, sicilienne, qui se retrouve du jour au lendemain à la tête de l'entreprise de son père et doit lui éviter la faillite, et Sarah, business woman canadienne carriériste qui apprend un beau jour qu'elle est gravement malade.
Les chapitres sur chacune de ces trois femmes s'alternent, et progressent en parallèle, jusqu'à nous révéler, comme l'on peut s'y attendre, ce qui les lient entre elles.
Il y a de très jolies choses dans ce premier roman de Laetitia Colombani : tout d'abord, un sens du récit qui semble naturel et qui appâte immédiatement l'intérêt du lecteur, grâce à des effets d'annonce et de projection, la création de suspense, et le fait que l'auteur se concentre sur des faits et des pensées abordables, retranscrits avec simplicité.
A cela s'ajoute la question sociale qui sous-tend les trois parcours, à savoir, le sort des Intouchables en Inde, et en particulier des femmes de cette caste, les enjeux financiers et d'innovation pour faire vivre une entreprise familiale grâce à laquelle survivent plusieurs ouvrières, et la pression qui s'exerce sur les femmes dans certains milieux professionnels où la compétition fait rage.
Les sujets choisis sont habilement reliés, actuels, et le rythme équilibré, si bien que la lecture de la tresse est rapide et agréable, elle conviendra sans surprise à un très large public.
Deux petits bémols cependant, dont le premier m'a été inspiré par nul autre que Yann Moix, qui s'est fait un plaisir de tacler un peu l'auteur lors de son passage dans l'émission ONPC : indubitablement, le roman aborde des sujets dont on imagine difficilement qu'ils pourraient susciter des réactions diverses parmi le lectorat. La situation de Smita, comme celle de Sarah, est révoltante, pour des motifs différents mais néanmoins évidents. A cet égard, l'auteur ne prend guère de risques, si bien que certains lecteurs ou critiques pourraient lui en faire le reproche. Néanmoins, il faut garder en tête qu'il s'agit d'un premier roman, et non l'oeuvre d'un écrivain chevronné.
Par ailleurs, la fin m'a laissée sur ma faim, et m'a paru à la fois attendue et rapide, expédiée. J'aurais apprécié davantage une version plus élaborée.
La tresse est donc un premier roman très réussi, qui présente des faiblesses relatives, mais mérite résolument d'être lu, ne serait-ce que pour le message - certes déjà vu, mais qu'il est toujours bon de rappeler - qu'il véhicule sur la condition des femmes dans certaines régions du monde.
Pour vous si...
- Vous n'êtes pas réfractaire aux romans qui s'attaquent à des sujets fédérateurs
- Vous ne lisez que des livres qui passent avec succès le test de Bechdel
Morceaux choisis
"Mais pour l'instant, ce n'est pas le moment. Sarah quitte l'hôpital, contre l'avis de l'interne.
Pour l'instant, tout va bien.
Tant qu'on n'en parle pas ça n'existe pas." (une stratégie que nous avons tous expérimentée, et qui est toujours complètement foireuse. Même François Fillon a du mal à s'en sortir.)
"Cette histoire, Smita la connaît. Pas besoin de la lui rappeler. Elle sait qu'ici, dans son pays, les victimes de viol sont considérées comme les coupables. Il n'y a pas de respect pour les femmes, encore moins si elles sont Intouchables. Ces êtres qu'on ne doit pas toucher, pas même regarder, on les viole pourtant sans vergogne. On punit l'homme qui a des dettes en violant sa femme. On punit celui qui fraye avec une femme mariée en violant ses sœurs. Le viol est une arme puissante, une arme de destruction massive. Certains parlent d'épidémie."
"Inès est fine, elle est politique, selon l'expression consacrée, un mot élégant pour dire : fourbe, pour dire : qui va dans le sens des puissants. Un mot qui signifie : qui n'a pas peur des coups bas."
Note finale3/5(cool)