Samedi de Ian McEwan

Samedi de Ian McEwanSamedi

Ecrit par Ian McEwan

Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon

Gallimard

Paru en 2006

2008 en poche

Un de ses meilleurs romans, assurément !

L’histoire se situe au moment où l’occident se demande s’il faut déclarer la guerre à l’Irak sous prétexte que ce pays détiendrait des armes de destruction massive. Vous souvenez-vous de cette époque pas si lointaine ? Nos vies confortables d’Occidentaux insouciants commençaient déjà à être fragilisées par la montée du fanatisme musulman, par la montée des révoltes sourdes de l’Orient.

Imaginez le tour de force : en presque 400 pages, décrire la journée d’un neurochirurgien, Henry Perowne, sans perdre le lecteur et en créant un léger suspense (mais l’intérêt du roman ne réside pas là) et une tension palpable.

Ian McEwan mêle l’art du détail d’une histoire ordinaire à l’actualité brûlante, avec une virtuosité sans égale. Les subtiles entrecroisements de l’une et de l’autre créent une ambitieuse tapisserie de notre société contemporaine. Les dialogues intergénérationnels sont savoureux. Ils  permettent à l’auteur de livrer les arguments des uns et des autres sans qu’à aucun moment il ne prenne  partie.

Ses réflexions sont profondes et multiples et trouvent un écho en nous : les pouvoirs de l’art, de la poésie et de la science sur notre modeste vie, le vieillissement et ses conséquences, notre goût pour l’élucubration, notre soif d’informations morbides, nos certitudes et nos fragilités.

Ian McEwan est fort, très fort et il écrit bien, très bien. Je suis sous le charme, c’est incontestable.

 Il se demande s’il ne serait pas en train de devenir un pigeon, un consommateur toujours plus avide d’informations, d’opinions, de spéculations, de la moindre miette lancée par les autorités. Il est un citoyen docile qui regarde le Léviathan accroître son pouvoir tout en se réfugiant dans son ombre.

Evidemment, c’est le passage où il rend visite à sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, qui m’a le plus touchée…

« Elle vous attend », dit Jenny. Tous les deux savent que d’un point de vue neurologique, c’est impossible. Sa mère ne connaît même plus l’ennui.

Les moments avec elle ne sont pas les plus difficiles. Le pire est celui du départ, avant que la visite ne se mêle à toutes les autres dans ses souvenirs, lorsque debout à la porte, hanté par l’image de la femme qu’elle a été, il se penche pour l’embrasser. C’est là qu’il a le sentiment de la trahir, de l’abandonner à sa vie étriquée, de s’éclipser en douce pour rejoindre les richesses, les trésors cachés de sa propre existence. Malgré le remords, il ne peut ignorer son soulagement soudain, son pas plus léger dès qu’il tourne les talons, s’éloigne de la maison de retraite et cherche ses clés dans sa poche, embrassant une liberté qu’elle ne connaîtra plus jamais.