Evie Boyd, adolescente rêveuse et solitaire, vit au nord de la Californie à la fin des années 1960. Au début de l’été, elle aperçoit dans un parc un groupe de filles. Interpellée par leur liberté, elle se laisse rapidement hypnotiser par Suzanne et entraîner dans le cercle d’une secte. Elle ne s’aperçoit pas qu’elle s’approche à grands pas d’une violence impensable.
L’avis de Nina :
Encore une belle LC avec toi, Nath ! Encore une belle aventure ! Merci pour ce partage !
Depuis le temps que je voulais me plonger dans la lecture de ce roman… Me voilà comblée grâce à cette LC avec Nath de Mes Lectures du Dimanche ! Oubliez tous les commentaires racoleurs que vous avez entendus sur lui : « C’est l’histoire du groupe de Charles Manson, truc de fou, une tuerie (au propre comme au figuré) ! ». Ce magnifique ouvrage n’a pas besoin de ça pour se faire sa place dans la littérature contemporaine et il vaut bien mieux que cette triste réduction, croyez-moi
L’auteur nous plonge dans la tête d’Evie Boyd à deux âges différents. Une Evie adulte, solitaire et écorchée vive, qui nous raconte l’histoire d’Evie adolescente. Paumée, mal dans sa peau, en quête d’amour et d’aventures. La plus jeune entraînera avec elle le devenir de l’autre, forcément. A quatorze ans, rejetée par sa meilleure amie et face à des parents qui la délaissent, elle va faire la rencontre de Suzanne. Une jeune brune énigmatique qui dégage un aura de liberté avec sa tignasse mal peignée, son air un tantinet provocateur et son groupe d’amies si soudés. Le destin les met plusieurs fois sur la même route, jusqu’à la rencontre décisive où Suzanne emmène Evie au ranch et lui présente le reste de l’équipe. Russel, le gourou aimé et adulé de tous, et les autres. Pour la plupart : des filles, « The girls ». Les filles capables de tout, les filles au centre du roman de l’auteure, ces filles en mal d’amour mais si puissantes, ensemble. Evie est électrisée et n’a de cesse de vouloir fusionner avec elle, faire partie de ce groupe. Ne faire qu’un avec « les filles » pour affronter la vie. Une plume puissante nous conte les ressentis et les actes, à grand coup de périphrases poétiques et hypnotisantes, nous entraînant au fur et à mesure dans la solitude, les joies du groupe, et la descente rapide dans la violence, jusqu’à la peur, l’abandon et l’irréparable.
Au-delà de la reprise modifiée du faits-divers de 1969, Emma Cline nous offre une analyse en profondeur des recoins du cœur adolescent sous la forme d’un récit didactique. Entre recherche de soi, solitude, peur de l’abandon, besoin d’amour et besoin d’appartenance à un groupe, Evie se retrouve face à sa propre noirceur sous couvert d’une forte envie de faire ses preuves, pour se faire aimer et garder au sein du ranch, auprès de Suzanne. Et elle oscille ainsi, sans cesse, sur le fil du bien et du mal sans se soucier de quel côté ses actions la mènent, tant que le groupe la reconnait. Tant que le groupe de l’abandonne pas !
Au final, on se retrouve tous un peu en Evie. Dans la recherche d’identité, le trouble adolescent et le besoin d’appartenance à un groupe, peut-être pas dans celui-ci, mais dans n’importe quel autre groupe qui a pu croiser notre route au lycée… Ce roman se place au rang d’un livre à faire lire à nos ados, dans la lignée de « L’herbe bleue » ou de « Christiane F » que nos parents nous collaient dans les mains à grands renforts de « Il faut que tu lises ce livre, je t’assure, c’est un classique ! » implorant l’univers qu’il nous écarte à tout jamais des drogues et des mauvaises fréquentations… Un roman universel et intemporel qui offre à la jeune auteure la place d’un « talent à suivre » !
L’avis de Nath :
Aujourd’hui, on va mettre des filles à l’honneur… D’abord une fille, l’adorable Nina, du Rest’o Littéraire, parce qu’elle est la provocatrice de cette nouvelle Lecture Commune. Décider d’une lecture commune, c’est assez facile ! Mais décider de LA lecture commune, ça l’est tout de suite beaucoup moins ! Ayant chacune des PAL à rallonge, il a fallu choisir, et le résumé de « The Girls », qui faisait envie à Nina, a trouvé écho dans mes goûts de lectrice. Ce qui m’a appâtée, c’est que l’histoire est une version romancée du terrible fait divers de 1969, à savoir les meurtres sanglants qu’ont commis les membres de la secte de Charles Manson. (Qui vient de chuchoter que c’est « sanglants » qui m’a appâtée ?? Ouais, ben t’as vu juste !)
C’est un avis à deux vitesses que je vais donner, pour une lecture qui s’achève en demi-teinte pour moi…
Il y a le fond, que j’ai beaucoup aimé : Evie Boyd a 14 ans. On le sait, à cet âge-là, une simple rencontre peut s’avérer catastrophique, tant on est vulnérable et influençable… C’est l’époque où une dispute avec sa meilleure amie peut prendre des proportions inattendues, c’est l’époque où l’on ressent tout puissance 1000… Et justement, Evie traverse une période agitée pour son moral : ses parents se sont séparés, dans un schéma somme toute très classique : papa s’est trouvé une petite jeune après avoir profité longtemps du pognon de maman qui, de son côté, laissée sur le carreau, tente de retrouver jeunesse et beauté en accumulant pathétiquement les relations nouvelles, amicales ou amoureuses, pour s’éloigner le plus possible de ce qu’elle a été avant. Papa et Maman sont donc très occupés à se regarder le nombril, en oubliant leur fille. Déjà démoralisée par sa rentrée toute proche dans un pensionnat, Evie s’embrouille avec sa meilleure amie. Elle se sent seule et incomprise, jusqu’au jour où sa route croise celle de Suzanne et de ses amies. Avec elles, Evie découvre « le ranch », dans lequel elles vivent en communauté, sous la « tutelle » d’un certain Russel, un pseudo-gourou dégoulinant d’amour de l’autre… mouais, je m’arrête là, car je vais devenir cynique… Revenons-en au fond… L’auteur décrit avec, je pense, beaucoup de justesse ce qui peut se passer dans la tête d’un jeune pour qu’il commette l’irréparable, poussé par de mauvaises influences dont il ne reconnaît pas la nocivité, aveuglé qu’il est par le simple fait que quelqu’un semble enfin lui porter de l’intérêt.
Paf ! Nous y voilà ! Je suis une indécrottable révolutionnaire, avec un caractère pourri mais bien trempé. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il m’est totalement impossible d’accepter pour seule excuse la faiblesse. Je ne comprends pas. J’ai beau tourner et retourner les faits, les ressentis qui sont décrits avec beaucoup de sensibilité par l’auteur qui a une très jolie plume, rien n’y fait. Je n’accepte pas, je ne peux pas comprendre qu’on puisse se laisser embarquer dans une secte, dans un vol, que sais-je, tout ce genre d’embrouilles dans lesquels Evie plonge la tête la première. Attention qu’il s’agit là simplement de MON avis, et que je reconnais humblement que je suis, pour cela, totalement intolérante. Le livre « Le faire ou mourir » (ma chronique ici) avait déjà déclenché mon agacement, alors que c’est un livre tellement encensé par la critique. Bien sûr, à cet âge-là, comme je le disais plus haut, on est forcément plus fragile et c’est la mère d’Evie qui aurait dû réagir, ressentir l’égarement de sa fille. Je ne dis pas que seuls les êtres mauvais se laissent embarquer. Mais j’ai tendance à croire que la faiblesse est souvent une excuse toute trouvée pour commettre l’irréparable. C’est d’ailleurs là que le bât blesse, car j’ai une histoire personnelle… Ce genre de blabla, j’y ai eu droit quand on m’a fait du mal et qu’on s’est caché, pour s’en excuser, derrière le fait d’avoir été « victime d’un manipulateur capable de retourner les esprits… » …
Bref, si je trouve que l’auteur plante savamment le décor, décrit avec minutie la chute libre qu’a vécue Evie et combien toute sa vie elle a dû en payer le prix, je reste de marbre. Ajoutons à cela une lecture qui s’écoule avec pas mal de langueur, dans un exact reflet de la situation vécue au ranch, vous avez là les ingrédients qui font la partie que je n’ai pas aimée.
Cependant, certaines choses m’ont touchée, comme quand l’Evie adulte fait ressortir à quel point le silence d’une jeune fille peut être assourdissant pour quelqu’un qui sait l’entendre… J’ai aimé que l’auteur souligne que si chacun de nous était plus attentif aux autres, nombre de drames seraient évités. Elle ne le dit pas comme cela, mais c’est le message qu’il me semble que nous devons comprendre. En cela, je la rejoins entièrement. Ce roman sonne comme une mise en garde, et cette partie-là m’a énormément plue. Parce que, toute révolutionnaire que je sois, j’ai un cœur gros comme ça et j’essaie de mon mieux d’être présente pour mon entourage, proche ou moins proche. Et cette constatation que je me fais moi-même tous les jours sur le nombrilisme de notre société me peine. « The Girls », au final, doit pouvoir toucher un large public et être lu comme un avertissement. Ce n’est pas parce que je n’ai pas réussi à comprendre Evie que je ne suis pas consciente des dangers pour nos jeunes, et, en tant que maman, cela me sensibilise d’autant plus à rester attentive…