"Quand on séjourne trop longtemps dans l'ombre du Dragon, on n'en sort pas indemne".

Un vent de jeunesse souffle sur le blog ces jours-ci et l'on reste dans la fantasy à destination des lecteurs à partir de 13 ans. Et nous serons amenés à croiser à nouveau quelques monstres, à la fois très différents de Zalim, que nous évoquions dernièrement, mais tout aussi dangereux et maléfiques... Direction la cité de Selenae où il se passe des choses pas jolies jolies autour de l'Empereur-Mage. Et pour que ça change, ce souverain vieillissant a besoin d'aide. Voilà le point de départ de "l'Appel du Dragon", un cycle de Jean-Luc Bizien dont les éditions ActuSF rééditent la première moitié dans la collection Naos, des Indés de l'Imaginaire. Préparez-vous à suivre des aventures mouvementées dans un univers très sombre, en compagnie de trois personnages centraux, une jeune fille et deux jeunes garçons, dont on va découvrir les qualités, le courage, mais aussi les zones d'ombre... Et l'on verra grandir et évoluer les principaux protagonistes de ce cycle au fil des histoires...

L'Empereur-Mage est fatigué. Âgé, usé, il sait qu'il n'aura pas l'énergie nécessaire pour lutter contre les forces du mal qui menace l'empire et voudrait bien se trouver un successeur. Pour cela, il faut lancer une sorte d'appel à candidats à destination des plus courageux prêts à gagner Selenae, où se trouve le trône d'onyx de l'Empereur-Mage. Mais y parvenir est particulièrement dangereux.
Le chemin qui y mène est semé d'embûches, il faut traverser des souterrains particulièrement dangereux. Et si l'on y parvient, par force ou par ruse, c'est pour émerger dans les arènes de Selenae où une ultime épreuve attend les éventuels survivants. Et cela fait des lustres que personne n'a réussi à se sortir de ce parcours des combattants...
Comme le temps presse, l'Empereur-Mage décide de dépêcher le grand prêtre de la Lune sombre, Arh'En Dal, pour qu'il parte à la recherche de jeunes gens dont les aptitudes, le courage, le maniement des armes ou de la magie leur permettront de se lancer dans cette terrible aventure et de briguer le trône de l'Empereur-Mage.
Bien sûr, le grand prêtre le sait bien, ce recrutement fera apparaître des candidats au coeur pur mais d'autres, probablement plus nombreux, qui seront d'abord guidés par leur ambition et leur soif de pouvoir. Mais les difficultés qui les attendront seront suffisantes pour assurer une sélection drastique. Seuls les meilleurs arriveront jusqu'à Selenae.
Parmi les jeunes gens que Arh'En Dal va guider vers les épreuves menant à Selenae, on trouve Kaylan, un adolescent intrépide, impulsif, mais aussi naïf qu'il semble sûr de lui. Il est le fils d'un ancien soldat venu s'installer dans un village à l'écart de la capitale comme paysan. Cet homme voudrait que son fils unique l'aide et reprenne ses terres, mais l'adolescent n'a aucun goût pour cela.
Il rêve de bien d'autres choses, et particulièrement d'aventures. Alors, quand le grand prêtre se présente à la porte de leur maison, Kaylan se porte volontaire au grand dam de son père, qui se résigne pourtant à le laisser partir. Quant au grand prêtre, il craint que la trop grande assurance du garçon soit un lourd handicap dans sa quête...
Aux côtés de Kaylan, part une jeune fille, Sheelba. Apprentie magicienne, elle aussi s'ennuie et considère sa vie comme un simple train-train. Certes, elle est encore inexpérimentée, mais elle pense maîtriser suffisamment son don pour tenter l'aventure avec de bonnes chances de franchir tous les obstacles et de parvenir jusqu'au trône d'onyx.
Au total, ce sont plusieurs dizaines de jeunes gens qui partent à la suite d'Arh'En Dal, tous sûrs de leurs forces, de leurs talents, de leur ruse. Tous persuadés qu'ils seront le prochain Empereur-Mage. Le grand prêtre doute pourtant que le successeur attendu se trouve au milieu de ces garçons et filles qui n'ont aucune idée des dangers qu'ils vont encourir.
Bientôt, ils ne pourront plus revenir en arrière. Bientôt, ils seront livrés à eux-mêmes et devront faire le choix de compter sur les autres ou, au contraire, de mener leur quête en solitaire. Certains vont renoncer, peut-être les plus sages, ou les plus lâches. Les autres, eux, vont entreprendre un voyage dont ils ne reviendront sans doute pas...
Au dernier moment, la troupe va voir un ultime renfort se joindre à elle. Un personnage un peu particulier : c'est un voleur, pris la main dans le sac alors qu'il faisait les poches des clients d'une auberge. Plutôt que de le pendre haut et court, ses victimes ont eu une autre idée : confier son sort au grand prêtre, puisque les chances de survivre aux épreuves sur la route de Selenae sont minimes.
Voilà comment Shaar-Lun va se retrouver lui aussi en route pour Selenae. Il est séduisant, habile, rusé, mais peu digne de confiance, puisque tous les autres savent que c'est un voleur. Il possède pourtant de nombreuses qualités qui pourraient s'avérer utiles au cours de la quête, s'il accepte de jouer le jeu.
Désormais, ils sont prêts à se lancer dans la plus difficile des épreuves, dont le nom seul fait trembler : la gueule du Dragon. C'est ainsi qu'on a surnommés les souterrains qui forment un véritable labyrinthe sous la citadelle de Selenae. Le pire endroit de l'Empire. Et encore, les candidats au trône d'onyx n'ont aucune idée de ce qu'ils vont devoir affronter...
Avant d'aller plus loin, quelques précisions sur le livre dont nous parlons. "L'Appel du Dragon" rassemble en fait deux histoires qui se suivent. Le résumé ci-dessus est celui de la première, "le Souffle du Dragon", qui est suivi par "L'Eveil du Dragon", dont je ne dirai rien. Ce sont deux histoires indépendantes qui se suivent.
"Le Souffle du Dragon" et "l'Eveil du Dragon" avaient déjà été publiés, chez Bayard, en deux tomes, ActuSF a choisi de les rassembler en un seul et le propose dans cette collection Naos, destinée aux aux adolescents et aux jeunes adultes. Un deuxième livre, qui contiendra deux autres histoires, dont une inédite, si j'ai tout bien compris, devrait suivre prochainement dans cette même collection.
Intéressons-nous maintenant à ces personnages évoqués plus haut. J'en ai sorti trois du lots, ils sont évidemment ceux qui vont porter l'histoire, mais les autres candidats à cette aventure ne doivent pas être oubliés, car c'est bien grâce à eux (ou à cause d'eux, plutôt) que Kaylan, Sheelba et Shaar-Lun vont se retrouver au premier plan.
Kaylan, c'est le fanfaron du lot, sûr de lui, de sa force. Insouciant, impétueux, susceptible, un peu casse-pied, quoi. Il s'enflamme vite, mais une fois les grandes manoeuvres entamées, la réalité va rapidement se charger de lui remettre les pieds sur terre et de lui apprendre la modestie et la modération... Il en va de sa survie !
Sheelba est certainement plus posée que son compagnon de voyage, mais elle aussi a péché par orgueil, en se lançant dans cette aventure. Oui, elle maîtrise la magie, mais elle a encore tant à apprendre ! Et puis, surtout, elle a négligé un élément très important : recourir à la magie est épuisant et, dans les souterrains de Selenae, on n'a le droit à aucun moment de faiblesse.
Enfin, Shaar-Lun, le roublard, le malin, celui qui a l'oeil qui frise, la remarque moqueuse au coin des lèvres et toujours un tour dans son sac. C'est aussi le plus énigmatique des personnages de ce roman, celui qu'on cerne le plus difficilement. Et, forcément, cela le rend inquiétant. Pour ses compagnons de voyage, comme pour le lecteur.
Qui est-il vraiment ? Un simple voleur de grand chemin ? On en doute rapidement, ce garçon cache des choses, c'est évident... Ou pas ? Ou alors, ce sont les autres qui ont des secrets ? Bref, au fur et à mesure que la quête se déroule, le lecteur perd certains repères et cherche la petite bête... Ah, les gentils et les méchants, ce n'est plus si évident que cela !
Mais, les personnages ne sont pas la seule chose qui vient troubler le lecteur : le contexte aussi. On l'a dit, il va falloir se dépêtrer du labyrinthe qui se trouve sous la citadelle de Selenae, plus plat de résistance que hors d'oeuvre, et du genre indigeste. Le hic, c'est que les lieux sont encore plus mal fréquentés qu'on ne l'imaginait !
Un mot sur un très beau personnage, Lucius. Il apparaît bien plus tardivement que les autres, on le rencontre par hasard. Il m'a touché, ce garçon, par sa fragilité, mais aussi son apparente inconscience des dangers qui l'entourent. "Heureux les simples d'esprit..." se dit-on en le voyant, sauf que son royaume à lui a quelque chose d'infernal...
On ne s'ennuie pas une seconde, pour être franc, j'aurais même aimé une aventure plus développée, mais c'est ainsi, je suis un vieux lecteur, je l'ai déjà dit. Et amateur de pavés, en plus... Alors, on se console avec une seconde histoire impliquant les mêmes personnages. Difficile d'en parler, car cela en révélerait trop sur ce qui se passe dans "le Souffle du Dragon".
Toutefois, le titre de cette deuxième aventure donne un indice clé : "l'Eveil du Dragon"... La bête n'est donc peut-être pas qu'une légende... A vous de découvrir cette autre histoire qui ne manque pas de piquant (non, ne cherchez pas de jeu de mots, il n'y en a pas). Avec un curseur qui monte d'un cran dans la noirceur.
Eh oui, comme souvent en fantasy, et peu importe la tranche d'âge, les quêtes sont aussi des quêtes initiatiques, au cours desquelles les personnages évoluent, changent, apprennent, se révèlent, s'endurcissent, mûrissent... C'est exactement le cas ici, chacun apparaissant à la fin sensiblement différent de la première impression qu'il nous a laissée.
Cet "Appel du Dragon" est assez classique, bien sûr, mais je dis ça avec un regard de lecteur ayant une certaine habitude de la fantasy. Mais, c'est certainement une bonne entrée vers le genre pour de jeunes lecteurs qui ne connaissent pas encore et, plus généralement, un excellent divertissement pour des collégiens, par exemple.
Je suis assez curieux de voir quelles nouvelles aventures les personnages devront affronter à l'avenir, dans le prochain livre. De voir aussi si ce cycle va rester aussi sombre, avec des menaces qui apparaissent avec brutalité. Et puis, parce que Jean-Luc Bizien nous laisse sur un cliffhanger du genre qui agace le lecteur impatient, je ne vous dis que ça !