Tu aimerais tellement lire plus.
C'est un fait.
Mais pourquoi, en fait ?
Ce n'est pas une question piège, je me la pose à moi-même : pourquoi me dis-je régulièrement que j'aimerais lire " plus " ?
- Parce qu'en bon petit soldat du capitalisme, j'ai intégré le credo du " toujours plus " ?
- Parce que je jalouse la culture de ceux qui ont lu tellement plus de livre que moi ?
- Parce que, globalement, j'ai l'impression que mes heures quotidiennes filent entre mes doigts et qu'aucune n'a été vraiment consacré à une activité qui me tienne à cœur ?
- Parce que je m'épanouis dans la lecture et que je consacre mon temps à des trucs tellement vides ? (Comme scroller sur Facebook et Tumblr)
P'têt tout ça, p'têt d'autres choses. Je ne sais pas si ce sont toutes de bonnes raisons. Mais si tu te dis que tu aimerais tellement lire plus, avant de t'engager dans la suite de cet article consacré à " Comment lire plus ", je pense qu'il faut que tu te poses la question :
" Pourquoi ? Pourquoi j'y tiens tant ? "
Que tu lises un livre par mois, ou huit, ou vingt, finalement... qu'est-ce que ça fait ? En tires-tu ce que tu as envie d'en tirer ?
-Du plaisir ?
-De la connaissance ?
-Du matériau à conversation ?
-De la pâte à modeler intellectuelle ?
-Un statut ?
-Une façon de passer le temps ?
En bref : Pourquoi tu lis ?
Avant de réfléchir à des stratagèmes pour lire davantage, il me semble essentiel que tu répondes à cette question. En secret, pour toi-même. Pas obligé de me le dire en commentaire. Même si je vais te dire pourquoi moi je lis :
- Pour mon plaisir (Quand ça m'ennuie, je referme le livre. Vrai de vrai. Je ne le finis pas. Je ne vois aucun, mais aucun intérêt à m'infliger volontairement de l'ennui en barre.)
- Par curiosité professionnelle (Là-dedans je case un magma chelou : volonté d'enrichir ma culture du genre, envie d'entrer dans la conversation avec des amis ou collègues (blogueurs, auteurs, éditeurs, libraires...))
- Par défi (J'ai toujours eu un peu le goût de la compétition, que ce soit dans le sport ou dans le scolaire, et ça se retrouve dans ma façon de lire, j'ai parfois envie de me lancer des challenge à moi-même, de sortir de ma zone de confort, me faire des frayeurs, tenter des expériences, et prosaïquement aussi, j'aime lire dans le cadre de concours, de jurys, de thématiques, de décomptes, etc.)
Je ne lis plus du tout pour :
Passer le temps. C'était je pense la première raison (et la principale) à mes lectures de jeunesse. Je dévorais les livres sans penser à rien, ravie de m'embarquer dans un autre univers pour échapper au mien. Quand t'es petit, tu t'ennuies facilement, car le temps s'étire à l'infini entre les repas où tu dois te tenir droit. Les vacances sont des ères paléolithiques entières. La lecture est un miracle, dans ces espaces-temps surréalistes.
Or, je ne lis plus du tout comme ça. Je n'ai plus de temps à passer, rien que tu temps à trouver (comme la plupart des adultes).
Et donc, comme je suis à la recherche de failles temporelles dans lesquelles glisser quelques minutes ou quelques heures de lectures, je me demande parfois comment lire plus.
Comment comment comment ?
(Et vu comme ça, on découvre que, la vraie question, c'est : Quand quand quand ?)Je rêve au Retourneur de Temps d'Hermione.
J'ai dégagé quelques astuces, que je partage avec toi, qui as tes propres raisons de lire plus. La plupart de ces astuces te sont connues et tu ne les suis pas. Cet article a pour but de te les remettre en mémoire car, de temps en temps, ça fait du bien. Notre cerveau est faible et fragile, comme notre motivation à aller courir le matin.
(Ces commandements sont ceux que je m'adresse à moi-même.)
Parfois, tu ne lis pas. Ou plus. Ou moins. C'est complètement ok. Quand ça veut pas, ça veut pas. Reprends ta partie de Pokemon rouge entamée lors de ta dernière disette littéraire.Je m'autorise à ne rien lire, ou à lire moins, enfin bref, à ne pas ériger moi-même la lecture comme une contrainte, sinon c'est la fin de tout.
(Je suis sûre que si on me forçait à manger du chocolat, je finirais par ne plus aimer ça.)- #2. LIS AU MOINS 30 PAGES (PAR JOUR, PAR SESSION).
Si je ne lis que 10 pages :
- mon cerveau reste en petits morceaux de sucre compacts, à se faire grignoter par la réalité de tous les côtés ;
- quand j'ouvre mon livre lors de la session suivante, j'ai l'impression de ne pas avoir avancé. Passer de la page 10 à la page 20, c'est décourageant ; alors passer de la page 30 à la page 60, c'est encourageant.
est toujours du temps volé. "
(Daniel Pennac, Comme un roman) Sur les sièges en plastiques des salles d'attente, debout dans les files et les transports, dans le velours rouge de la salle de ciné avant le film, devant ton café en attendant ton amie, partout où le quotidien te vole du temps, reprends-le-lui.
J'ai 1h40 de métro par jour, j'en passe l'essentiel le nez dans un livre, et le soir, je m'endors comme l'éléphant de mer susnommé en ayant néanmoins lu plus d'une heure dans la journée.
Morceaux choisis de l'exposition d'Audrey Siroux, Liseuses de bonne aventure.
Je lis aussi en marchant dans la rue, ce qui est vivement déconseillé.
- #5. AIE TOUJOURS UN LIVRE SUR TOI. (PRÉVOIE LE CONTENANT ADÉQUAT.)
Quand je lis un poche ou un semi-poche, il rentre dans mon sac-à-mains riquiqui. Quand je lis un grand-format, je suspend un tote-bag à mon épaule, et il rentre là.
- #6. LIS PLUSIEURS (TYPES) DE LIVRES EN MÊME TEMPS.
Depuis peu, j'ai découvert le duo magique : un roman et une bande-dessinée. C'est la formule miracle : quand j'ai envie de lire mais que je ne suis pas disponible (en termes d'attention, d'émotion, ou d'énergie) pour mon roman, je sais que je peux lire ma BD - et inversement. Ce sont deux types de lecture très différents.
- #7. AIE TOUJOURS EN COURS : 1 POCHE + 1 GRAND FORMAT.
Je recommande aussi de profiter de cette astuce pour sortir du roman : petits essais humoristiques de 45 pages ou recueils d'aphorismes, nouvelles, ou poèmes - des tonnes de maisons d'édition proposent des formats pollypocket idéaux pour les poches de fesse.
Comme la collection PO&PSY de chez Érès ou la petite collection des Éditions du Sonneur, ou encore les titres des éditions La contre-allée que je n'ai pas encore beaucoup explorés, au même (joli) petit format 10×15. Si chaque fois que tu lis ton livre, tu t'es traîné(e) jusqu'à lui, si tu n'en sors pas épanoui(e)... Pourquoi faire durer plus longtemps une relation toxique ? C'est auto-destructeur. Quitte ton livre, il ne te fait pas du bien.Après une période de masochisme scolaire jusqueboutiste où j'avais décidé de finir tous les livres sans rater un tournant, j'ai retrouvé cette innocence de mes sept ans : je piochais alors des livres dans les étagères des petits et des grands, feuilletais, lisais, reposais si je n'aimais pas, piochais à nouveau. Du zapping littéraire jusqu'à trouver le bon programme.
Pourquoi, en grandissant, on s'interdit ça ? Parce qu'on devient maso, voilà pourquoi.
J'ai une amie qui lit Les Misérables, en ce moment. Le genre de livre qui, avec crégularité, s'emploie à te décourager. Parce que, malgré ses longues randonnées géniales, il vous impose des pauses et des détours que vous n'aviez pas demandés. Hé ben, cette amie, elle saute des chapitres ENTIERS. (Reposez cette pioche, elle fait ce qu'elle veut.)
" En pleine course poursuite, il {Victor Hugo} va t'interrompre au milieu d'un saut par-dessus un muret, faire " arrêt sur image ", et te raconter les TROIS SIÈCLES d'histoire de ce muret ayant anciennement appartenu à un couvent. Alors,souvent, j'ai envie d'y plonger. Mais parfois pas, alors je fais chloup-chloup-chloup, et je saute des pages jusqu'à retrouver la narration principale. C'est bon, Totor, tu vas pas me gonfler. "
C'est une personne d'une grande sagesse.
Parce que le livre est à elle. Si elle veut le savourer, le grignoter, le faire tomber dans son bain, ou le brûler dans son évier, ça la regarde.
- #10. GRIGNOTE ET GRAPPILLE. (SURTOUT LA POÉSIE, LES NOUVELLES ET LA NON-FICTION.)
J'apprends encore à ne pas lire un recueil de poésie de-A-jusques-à-Z. Il y a des lectures qui ne sont simplement pas faites pour ça, et elles vous le font sentir. Si on les lit comme on mange une raclette, elles se dérobent. On se retrouve alors à lire des paragraphes ou des strophes deux fois sans rien entraver - parce que la poésie se lit à l'ombre des palétuviers, en respirant doucement par le nez dans le blanc des lignes. Ou encore parce que les essais se lisent concentré, doucement, comme on déguste un nouvel aliment en en cherchant les goûts à chaque bouchée.
Ne lis pour faire plaisir à personne d'autre que toi.Et surtout, étrangle la voix du snob à l'intérieur de toi. Tu lis ce que tu veux.
J'ai rédigé un article sur La cata culturelle du snobisme internalisé qui nous empêche de lire librement, sans stress et sans embarras, si ça t'intéresse.
Noter des idées de livres qui te font envie est la meilleure façon de créer de l'excitation. En te projetant par avance dans la lecture, tu augmentes tes chances de t'y mettre effectivement. C'est comme quand tu as rêvé d'une pizza toute la journée : le soir venu, ça va sentir la Regina chez toi.Je lirais certainement trois fois moins si je n'avais pas l'occasion d'en échanger avec d'autres personnes (" Oh! J'ai lu un comics de SF qu'on m'a recommandé, et c'était d'la bombe, bébé ! Faut absolument que tu le lises !! "). Je réalise qu'en fait, je ne lis pas dans mon coin. Il y a des moments où... " J'ai besoin d'exprimer mon transport. " (Kaamelott, s. 2, ep. 51, Arthur in love).
" Se prêter des livres est la forme la plus pure d'amour.C'est exactement comme dire :
'Tiens, voilà un bout de mon âme qui devrait te plaire.' "
Je prête et emprunte tant de livres que j'ai dû mettre au point un système de fiches de bibliothèques pour pallier l'incompétence de ma mémoire-passoire.
Rien de tel que de tenir à jour tes accomplissements personnels pour t'encourager dans la bonne voie.Rattrapée par la paresse, en ce moment, je tiens le mien sur Goodreads. *Clic*
Comme ça j'ai même pas besoin de taper des mots. Le progrès me tuera par manque de sport.
- #16. NE LIS PAS (TOUTE) LA QUATRIÈME DE COUVERTURE.
Je ne sais pas ce qui passe par la tête des éditeurs qui, sur la quatrième de couverture, révèlent des éléments clés de l'intrigue ne survenant qu'à la page 230. Je ne sais vraiment pas.
FAUT PAS SPOILER DES CHOSES
QUI SE PASSENT À LA MOITIÉ DU BOUQUIN,
RANTANPLAN.
- #17. LIS LE SENS, PAS LES MOTS. (OU BIEN VA DORMIR.)
Justement :
Lire le soir est très bon pour ta santé, surtout si tu lis sur papier. Aucun écran ne te tient artificiellement éveillé, de sorte que, lorsqu'il est temps, le sommeil fait glisser gentiment le livre de tes mains, tu éteins en tâtonnant, et profites d'une bonne nuit. Le risque de te soucher par mégarde à 4h du matin est plus limité qu'avec certains sites que je ne nommerais pas.J'ai opté pour la lecture de BD le soir, ce qui me permet de lire davantage que 3 pages avant de fondre sous ma couette comme la mozza sur la pizza.
Tu as plein de livres oublié dans ta bibliothèque, tels autant de muscles que tu ignores dans ton corps. Régulièrement, pris d'un élan de renouveau printannier, vide ta bibliothèque comme tu te remetrais au sport.- Tu trouveras de vieux marque-pages abandonnés p. 45 de livres par la suite délaissés (bazarde ces bouquins) ;
- redécouvriras des titres que tu voulais lire jadis, mais ce n'était pas le moment (maintenant, oui) ;
- te remémoreras ces cadeaux reçus dont la prescription est à présent passée (tu peux t'en délester) ;
- listeras, émerveillés, tous ces livres achetés ou récupérés sur un coup de tête que tu auras à nouveau envie de lire (sors-en deux ou trois pour les jours à venir).
Je trie ma bibliothèque de littérature jeunesse constamment : j'instaure une sorte de roulement. Par contrainte spatiale mais surtout pour la garder vivante, je vire les livres qui traînent depuis trop longtemps (comme je me défais des vêtements que je n'ai pas porté une seule fois dans l'année).
Si tu te retrouves trop souvent à te forcer à lire des textes qui ne te plaisent qu'à demi, demande-toi pourquoi tu lis. Toute raison est bonne, tant que c'est la tienne. (en petit) Recrache les mots que quelqu'un d'autre a mis dans ta bouche.Il y a toujours une pile de livres dans mon entrée, mes invités se servent en repartant.
Ça m'arrive de m'exclamer au milieu d'un livre " Mais pourquoi je lis ça ? " et, si je me souviens d'une bonne raison " Ah, mais oui ! Je voulais lire tous les livres d'Untel pour l'interviouver. " ou " Ah, mais oui ! C'est Bidule qui m'en avais dit du bien, et comme ça me semblait bizarre, je voulais vérifier. ", je continue.
Si je ne me souviens pas d'une bonne raison :
Et je vais lire un livre qui réponde à l'une de mes trois raisons de lire :
-par défi ;
-par curiosité professionnelle ;
-et, la raison reine : par plaisir.
§
Alors, toi qui voudrais lire plus :
pourquoi tu lis ?
C'est par ici pour lire toutes les Réflexions sur les livres, la lecture et la littérature.