Bien sûr, il y a les auteurs que l'on connaît, que l'on suit, auxquels on est fidèle, dont on attend fébrilement la prochaine sortie. Et puis, il y a les auteurs que l'on découvre, souvent avec retard, quelquefois en ayant repoussé l'expérience pour plein de raisons. La période estivale est propice aux rattrapages et aux mea culpa, et voici donc un billet consacrée à un roman signé par une écrivaine que j'ai envie de découvrir depuis un bon moment : Mélanie Fazi. Certains d'entre vous la connaissent certainement, pour son travail de traductrice, mais aussi comme nouvelliste, car c'est dans ce domaine particulier qu'elle brille. Je dois avoir dans une pile deux, peut-être trois de ses recueils de nouvelles, saluées par beaucoup pour leur qualité. Mais, j'ai choisi de la découvrir à travers un roman. Je bats encore ma coulpe, je préfère les formats longs, honte sur moi... "Arlis des Forains", paru chez Bragelonne et disponible en poche chez Folio SF, est le deuxième (et dernier) roman de Mélanie Fazi, une lecture mélancolique et onirique, non exempte de violence, troublante et émouvante.
Arlis est un gamin de 11 ans qui a toujours vécu au sein de la troupe de forains qui l'a recueilli alors qu'il n'était encore qu'un nouveau-né. Là où la plupart des enfants grandissent entre la famille et l'école, lui n'a connu que les voyages et la fréquentation des artistes et des animaux qui composent la troupe : ours, singes, serpents...
Autour de lui, les forains forment tout de même une famille, différente du modèle traditionnel, peut-être, mais c'est la seule qu'il a connue. Lindy, la femme qui considère Arlis comme son fils, est une ancienne écuyère qui a renoncé à la carrière après une chute. Elle vit avec Emmett et dirige la troupe avec cet homme qui peut, parfois, se montrer brutal.
Et puis, il y a ses frères et soeurs d'adoption : Jared, le cul-de-jatte toujours jovial et de bon conseil ; Aaron, le dresseur aux doigts agiles, un peu trop, même, parfois ; et, enfin, la mystérieuse Katrina, qui s'entend mieux avec les serpents qu'avec les humains. Une beauté possédant quelques secrets qui commence à éveiller en Arlis quelques sensations qu'il ne comprend pas encore très bien...
Les forains ont installé leur tréteaux dans une petite ville du coeur des Etats-Unis, Bailey Creek. Ils vont y faire étape quelques temps et proposer leurs spectacles et leurs attractions aux habitants, comme ils le font un peu partout à travers le pays. Arlis est encore un peu jeune pour avoir son numéro à lui, des tâches à remplir. Il a donc pas mal de temps pour lui.
A Bailey Creek, il va faire une rencontre qui va pourtant changer pas mal de choses dans sa vie. Dans le regard qu'il porte sur elle, plus précisément. Faith n'a pas froid aux yeux, Faith est effrontée, Faith est impolie, se moque des règles et vole volontiers son prochain. Malgré son jeune âge, Faith est une provocatrice aguerrie qui sait comment se faire remarquer.
D'autant que Faith est la fille aînée du pasteur de Bailey Creek ! Un magnifique cas de rébellion adolescente. Arlis, qui n'a jamais vraiment fréquenté d'enfants de son âge, est subjugué par cette demoiselle au tempérament si affirmé. Elle est la meneuse, il la suit, prêt à toutes les découvertes, toutes les aventures, comme on peut en imaginer à cet âge.
Elle l'emmène dans les champs de blé qui entourent la petite ville et lui révèle qu'elle possède un secret : plutôt que de servir le Dieu de son père, Faith s'est vouée au culte des Seigneur des Moissons, un dieu "qui parle le langage de la lune avec la voix du vent". La jeune fille propose à Arlis de l'initié à ce culte païen, en procédant à d'étranges rituels au pied d'un épouvantail...
Arlis se prête au jeu, et j'emploie ce mot à dessein. Pour lui, qui n'a jamais connu aucune éducation religieuse au sein de la troupe de forains, les histoires de Faith ne sont rien d'autres. Un jeu d'enfants, comme leur imagination est capable d'en créer. Mais, force est de reconnaître aussi que le contexte, ces champs à perte de vue, sous la seule clarté lunaire, est particulièrement impressionnant.
Est-ce pour cela que Arlis commence à ressentir des présences mystérieuses, inquiétantes ? Est-ce pour cela qu'il est sujet à des apparitions, comme le lui avait expliqué Faith, sans qu'il y croie ? Et les personnages que lui envoie le Seigneur des Moissons se mettent à lui raconter une histoire qui va semer le doute dans l'esprit du garçon...
Lorsqu'on évoque le fantastique, avec des enfants, une Amérique profonde, on pense aussitôt à Stephen King. Il y a d'ailleurs un peu de ça, même si chez Mélanie Fazi, c'est du blé qui pousse, et pas du maïs. On retrouve une même atmosphère inquiétante et la candeur juvénile qui fait des protagonistes les cibles parfaites de manifestations surnaturelles.
Pourtant, limiter l'univers de Mélanise Fazi aux références à Stephen King serait réducteur. Il y a bien d'autres choses qui entourent Arlis et qui rappellent des romans comme "Morwenna", de Jo Walton, ou certains livres de Graham Joyce (d'ailleurs traduits par Mélanie Fazi). En fait, c'est ce qui fait la force et la richesse de l'univers fantastique de Mélanie Fazi : ses limites floues avec la réalité.
Il y a dans "Arlis des Forains" une certaine douceur, à l'image du personnage principal, ce garçon gentil, timide, presque effacé. Une douceur qui accompagne une vraie mélancolie. Oh, l'enfant ne qualifierait certainement pas ce qu'il ressent ainsi. Mais, il y a de cela, dans l'histoire d'Arlis, l'histoire d'un enfant de 11 ans qui commence à se poser des questions sur ses origines.
Au fil des années, il a eu droit à de multiples versions de sa découverte et de son adoption par les forains. En fait, les circonstances changent en fonction du moment et de la personne qui raconte... Ils sont ainsi, artistes à chaque instant de la journée, et Arlis s'y est fait. Mais, savoir qui sont ses parents et comment il s'est retrouvé chez Lindy devient un besoin de plus en plus impérieux.
Le voilà qui se retrouve devant Faith, une jeune fille qui a une famille et qui cherche à briser ce qui semble être un carcan. Au fil des pages, on comprend bien que la situation de la fille du pasteur est loin d'être parfaite. Et pourtant, elle est plus enviable aux yeux de celui qui n'a jamais eu vraiment de père ni de mère...
A Bailey Creek, dans ces champs immenses, Arlis décide de prendre le taureau par les cornes. Il découvrira son passé, ses origines, quel qu'en soit le prix. Il n'y a qu'une vérité, il sent qu'on la lui cache et il veut que cela cesse. Et il se pourrait bien que son meilleur allié dans cette quête soit le Seigneur des Moissons en personne...
Oui, il y a de la douceur et de la mélancolie, dans "Arlis des forains", mais il y a aussi de la colère, engendrée par les règles tacites en vigueur au sein de la troupe. On glisse les problèmes sous les tapis, on ne les affronte pas. On préfère les non-dits aux explications sincères, on tient un rôle en toutes circonstances, comme si la vérité ne devait pas exister.
Mais, pour Arlis, dont la vie change alors qu'il entre dans l'adolescence, tout cela devient insupportable (et on verra qu'il n'est pas le seul à ressentir cela). Ses vies rêvées, imaginées par d'autres, mais également par lui-même, ne lui suffisent plus. Il voudrait enfin qu'on cesse de le ménager. Ces contes ne sont plus que des mensonges.
Avec la colère, vient la violence, forcément. Elle est son corollaire, son inséparable compagne. La violence des sentiments, avant tout. Et la vie paisible d'Arlis risque bien de voler en éclats devant certaines révélations. Sans le savoir, c'est sa propre boîte de Pandore que le jeune garçon a ouverte à Bailey Creek.
On s'attache à ce garçon, comme au Rémi du "Sans famille" d'Hector Malot. On s'attache à lui comme à la mascotte de la troupe de forains, d'abord. Nous sommes alors des spectateurs parmi d'autres, accueillant les saltimbanques et se préparant à les applaudir sous leur chapiteau. Et puis, le point de vue change, lorsque l'on commence à suivre Arlis, à mieux le connaître.
On sent sa naïveté mais aussi sa détresse, ce que lui coûte de ne pas savoir d'où il vient, qui il est vraiment, si Arlis est son véritable prénom... On est devant un enfant qui grandit, simplement, qui cherche des repères solides sur lesquels s'appuyer. Et qui, paradoxalement, en partant à la recherche de son passé, essaye juste de poser les bases de son avenir.
Car où aller, si son univers se limite à la troupe et aux forains ? Comment envisager une vie différente, si jamais il se lasse du nomadisme et s'il ne réussit pas à devenir un artiste à part entière ? Où ira-t-il, lui, l'oiseau sorti d'un oeuf dont il ignore tout, s'il décide de quitter un jour le seul nid qu'il a connu ?
Il y a du merveilleux, dans "Arlis des Forains", c'est indéniable. Mais, l'enchantement s'assombrit rapidement. Insidieusement, devrais-je dire, à mesure que Arlis se pose des questions et cherche des réponses. L'atmosphère n'en demeure pas moins onirique et envoûtante, particulièrement lorsque la nuit tombe.
Sans oublier la peur, bien sûr, la peur de l'inconnu, de l'incompréhensible, de l'inexplicable aussi. "Arlis des Forains" n'est pas un roman dans lequel le fantastique bascule vers l'horrifique. C'est une quête initiatique, un roman qu'on pourrait presque qualifier de psychanalytique, tant Arlis puise dans les événements la force d'agir, de trouver les réponses qu'on lui cache.
Il y a un moment-clé dans ce livre. Je ne vais évidemment pas vous dire lequel ici. Mais il y a un moment fort, qui m'a laissé un instant pantois. La force de l'écriture de Mélanie Fazi réside également là, dans ces quelques lignes où, sans avoir l'air d'y toucher, elle nous assène un rebondissement qui change tout...
J'ai voyagé jusqu'à Bailey Creek, j'ai suivi Arlis dans les champs de blé, dans le sillage de Faith, j'ai accompagné le jeune garçon dans sa recherche de vérité. Oui, j'ai apprécié cet univers à la fois familier et pourtant totalement flou. Bailey Creek pourrait sortir tout droit d'un épisode de "la Quatrième Dimension", on s'attend à ce qu'il s'y passe n'importe quoi... Ou presque.
J'ai mis longtemps avant d'ouvrir un livre de Mélanie Fazi, je bats une dernière fois ma coulpe à ce sujet. Et, même si je ne suis pas un grand lecteur de nouvelles (ah, non, ce n'était pas le dernier battage de coulpe, j'en remets une couche), je ne laisserai pas traîner trop longtemps dans mes piles "Notre-Dame-aux-Ecailles" ou "le Jardin des silences".
J'en fais la promesse au Seigneur des Moissons !
Arlis est un gamin de 11 ans qui a toujours vécu au sein de la troupe de forains qui l'a recueilli alors qu'il n'était encore qu'un nouveau-né. Là où la plupart des enfants grandissent entre la famille et l'école, lui n'a connu que les voyages et la fréquentation des artistes et des animaux qui composent la troupe : ours, singes, serpents...
Autour de lui, les forains forment tout de même une famille, différente du modèle traditionnel, peut-être, mais c'est la seule qu'il a connue. Lindy, la femme qui considère Arlis comme son fils, est une ancienne écuyère qui a renoncé à la carrière après une chute. Elle vit avec Emmett et dirige la troupe avec cet homme qui peut, parfois, se montrer brutal.
Et puis, il y a ses frères et soeurs d'adoption : Jared, le cul-de-jatte toujours jovial et de bon conseil ; Aaron, le dresseur aux doigts agiles, un peu trop, même, parfois ; et, enfin, la mystérieuse Katrina, qui s'entend mieux avec les serpents qu'avec les humains. Une beauté possédant quelques secrets qui commence à éveiller en Arlis quelques sensations qu'il ne comprend pas encore très bien...
Les forains ont installé leur tréteaux dans une petite ville du coeur des Etats-Unis, Bailey Creek. Ils vont y faire étape quelques temps et proposer leurs spectacles et leurs attractions aux habitants, comme ils le font un peu partout à travers le pays. Arlis est encore un peu jeune pour avoir son numéro à lui, des tâches à remplir. Il a donc pas mal de temps pour lui.
A Bailey Creek, il va faire une rencontre qui va pourtant changer pas mal de choses dans sa vie. Dans le regard qu'il porte sur elle, plus précisément. Faith n'a pas froid aux yeux, Faith est effrontée, Faith est impolie, se moque des règles et vole volontiers son prochain. Malgré son jeune âge, Faith est une provocatrice aguerrie qui sait comment se faire remarquer.
D'autant que Faith est la fille aînée du pasteur de Bailey Creek ! Un magnifique cas de rébellion adolescente. Arlis, qui n'a jamais vraiment fréquenté d'enfants de son âge, est subjugué par cette demoiselle au tempérament si affirmé. Elle est la meneuse, il la suit, prêt à toutes les découvertes, toutes les aventures, comme on peut en imaginer à cet âge.
Elle l'emmène dans les champs de blé qui entourent la petite ville et lui révèle qu'elle possède un secret : plutôt que de servir le Dieu de son père, Faith s'est vouée au culte des Seigneur des Moissons, un dieu "qui parle le langage de la lune avec la voix du vent". La jeune fille propose à Arlis de l'initié à ce culte païen, en procédant à d'étranges rituels au pied d'un épouvantail...
Arlis se prête au jeu, et j'emploie ce mot à dessein. Pour lui, qui n'a jamais connu aucune éducation religieuse au sein de la troupe de forains, les histoires de Faith ne sont rien d'autres. Un jeu d'enfants, comme leur imagination est capable d'en créer. Mais, force est de reconnaître aussi que le contexte, ces champs à perte de vue, sous la seule clarté lunaire, est particulièrement impressionnant.
Est-ce pour cela que Arlis commence à ressentir des présences mystérieuses, inquiétantes ? Est-ce pour cela qu'il est sujet à des apparitions, comme le lui avait expliqué Faith, sans qu'il y croie ? Et les personnages que lui envoie le Seigneur des Moissons se mettent à lui raconter une histoire qui va semer le doute dans l'esprit du garçon...
Lorsqu'on évoque le fantastique, avec des enfants, une Amérique profonde, on pense aussitôt à Stephen King. Il y a d'ailleurs un peu de ça, même si chez Mélanie Fazi, c'est du blé qui pousse, et pas du maïs. On retrouve une même atmosphère inquiétante et la candeur juvénile qui fait des protagonistes les cibles parfaites de manifestations surnaturelles.
Pourtant, limiter l'univers de Mélanise Fazi aux références à Stephen King serait réducteur. Il y a bien d'autres choses qui entourent Arlis et qui rappellent des romans comme "Morwenna", de Jo Walton, ou certains livres de Graham Joyce (d'ailleurs traduits par Mélanie Fazi). En fait, c'est ce qui fait la force et la richesse de l'univers fantastique de Mélanie Fazi : ses limites floues avec la réalité.
Il y a dans "Arlis des Forains" une certaine douceur, à l'image du personnage principal, ce garçon gentil, timide, presque effacé. Une douceur qui accompagne une vraie mélancolie. Oh, l'enfant ne qualifierait certainement pas ce qu'il ressent ainsi. Mais, il y a de cela, dans l'histoire d'Arlis, l'histoire d'un enfant de 11 ans qui commence à se poser des questions sur ses origines.
Au fil des années, il a eu droit à de multiples versions de sa découverte et de son adoption par les forains. En fait, les circonstances changent en fonction du moment et de la personne qui raconte... Ils sont ainsi, artistes à chaque instant de la journée, et Arlis s'y est fait. Mais, savoir qui sont ses parents et comment il s'est retrouvé chez Lindy devient un besoin de plus en plus impérieux.
Le voilà qui se retrouve devant Faith, une jeune fille qui a une famille et qui cherche à briser ce qui semble être un carcan. Au fil des pages, on comprend bien que la situation de la fille du pasteur est loin d'être parfaite. Et pourtant, elle est plus enviable aux yeux de celui qui n'a jamais eu vraiment de père ni de mère...
A Bailey Creek, dans ces champs immenses, Arlis décide de prendre le taureau par les cornes. Il découvrira son passé, ses origines, quel qu'en soit le prix. Il n'y a qu'une vérité, il sent qu'on la lui cache et il veut que cela cesse. Et il se pourrait bien que son meilleur allié dans cette quête soit le Seigneur des Moissons en personne...
Oui, il y a de la douceur et de la mélancolie, dans "Arlis des forains", mais il y a aussi de la colère, engendrée par les règles tacites en vigueur au sein de la troupe. On glisse les problèmes sous les tapis, on ne les affronte pas. On préfère les non-dits aux explications sincères, on tient un rôle en toutes circonstances, comme si la vérité ne devait pas exister.
Mais, pour Arlis, dont la vie change alors qu'il entre dans l'adolescence, tout cela devient insupportable (et on verra qu'il n'est pas le seul à ressentir cela). Ses vies rêvées, imaginées par d'autres, mais également par lui-même, ne lui suffisent plus. Il voudrait enfin qu'on cesse de le ménager. Ces contes ne sont plus que des mensonges.
Avec la colère, vient la violence, forcément. Elle est son corollaire, son inséparable compagne. La violence des sentiments, avant tout. Et la vie paisible d'Arlis risque bien de voler en éclats devant certaines révélations. Sans le savoir, c'est sa propre boîte de Pandore que le jeune garçon a ouverte à Bailey Creek.
On s'attache à ce garçon, comme au Rémi du "Sans famille" d'Hector Malot. On s'attache à lui comme à la mascotte de la troupe de forains, d'abord. Nous sommes alors des spectateurs parmi d'autres, accueillant les saltimbanques et se préparant à les applaudir sous leur chapiteau. Et puis, le point de vue change, lorsque l'on commence à suivre Arlis, à mieux le connaître.
On sent sa naïveté mais aussi sa détresse, ce que lui coûte de ne pas savoir d'où il vient, qui il est vraiment, si Arlis est son véritable prénom... On est devant un enfant qui grandit, simplement, qui cherche des repères solides sur lesquels s'appuyer. Et qui, paradoxalement, en partant à la recherche de son passé, essaye juste de poser les bases de son avenir.
Car où aller, si son univers se limite à la troupe et aux forains ? Comment envisager une vie différente, si jamais il se lasse du nomadisme et s'il ne réussit pas à devenir un artiste à part entière ? Où ira-t-il, lui, l'oiseau sorti d'un oeuf dont il ignore tout, s'il décide de quitter un jour le seul nid qu'il a connu ?
Il y a du merveilleux, dans "Arlis des Forains", c'est indéniable. Mais, l'enchantement s'assombrit rapidement. Insidieusement, devrais-je dire, à mesure que Arlis se pose des questions et cherche des réponses. L'atmosphère n'en demeure pas moins onirique et envoûtante, particulièrement lorsque la nuit tombe.
Sans oublier la peur, bien sûr, la peur de l'inconnu, de l'incompréhensible, de l'inexplicable aussi. "Arlis des Forains" n'est pas un roman dans lequel le fantastique bascule vers l'horrifique. C'est une quête initiatique, un roman qu'on pourrait presque qualifier de psychanalytique, tant Arlis puise dans les événements la force d'agir, de trouver les réponses qu'on lui cache.
Il y a un moment-clé dans ce livre. Je ne vais évidemment pas vous dire lequel ici. Mais il y a un moment fort, qui m'a laissé un instant pantois. La force de l'écriture de Mélanie Fazi réside également là, dans ces quelques lignes où, sans avoir l'air d'y toucher, elle nous assène un rebondissement qui change tout...
J'ai voyagé jusqu'à Bailey Creek, j'ai suivi Arlis dans les champs de blé, dans le sillage de Faith, j'ai accompagné le jeune garçon dans sa recherche de vérité. Oui, j'ai apprécié cet univers à la fois familier et pourtant totalement flou. Bailey Creek pourrait sortir tout droit d'un épisode de "la Quatrième Dimension", on s'attend à ce qu'il s'y passe n'importe quoi... Ou presque.
J'ai mis longtemps avant d'ouvrir un livre de Mélanie Fazi, je bats une dernière fois ma coulpe à ce sujet. Et, même si je ne suis pas un grand lecteur de nouvelles (ah, non, ce n'était pas le dernier battage de coulpe, j'en remets une couche), je ne laisserai pas traîner trop longtemps dans mes piles "Notre-Dame-aux-Ecailles" ou "le Jardin des silences".
J'en fais la promesse au Seigneur des Moissons !