Ceci est mon sang, d’Élise Thiébaut, La Découverte, 2017, 243 pages.
L’histoire
Avoir ses « ourses », ses « ragnagnas », ses « coquelicots » ou « l’Armée rouge dans sa culotte »… : quelle que soit la façon dont on l’appelle, ce phénomène naturel qui consiste, pour les femmes, à perdre un peu de sang tous les mois (sans en mourir !) reste un tabou dans toutes les sociétés. Pour en finir avec cette injustice, Élise Thiébaut nous propose d’explorer les dessous des règles de manière à la fois documentée, pédagogique et pleine d’humour : à partir de son histoire personnelle, elle nous fait découvrir les secrets de l’ovocyte kamikaze et de la mayonnaise, l’histoire étonnante des protections périodiques (ainsi que leurs dangers ou plaisirs), les usages étranges que les religions ont parfois fait du sang menstruel… Et bien d’autres choses encore sur ce fluide, qui, selon les dernières avancées de la science, pourrait bien être un élixir de jouvence ou d’immortalité.
Alors, l’heure est-elle venue de changer les règles ? La révolution menstruelle, en tout cas, est en marche. Et ce sera probablement la première au monde à être à la fois sanglante et pacifique.
Note : 5/5 ♥ Coup de cœur
Mon humble avis
À force d’avoir des discussions passionnées et orientées avec certains collègues, mon féminisme commence à se voir. C’est comme ça qu’une collègue m’a demandé si je serais intéressée par « un super bouquin sur les règles ». Bien entendu ma réponse fut positive et quelques temps après, elle me prêtait le livre. Quelle lecture ! Je pensais apprendre beaucoup de choses, mais je ne me doutais pas que j’allais tant sourire voire rire à l’humour de l’autrice, qui utilise jeux de mots et calembours à tous vas, des comparaisons douteuses mais hilarantes et des anecdotes personnelles qui permettent de s’identifier à elle et d’établir une relation presque de confiance.
Il me semble qu’Élise Thiébaut n’entend pas faire une histoire et une géographie exhaustive des règles, son but est bel et bien d’initier la conversation, d’inviter les gens à ne plus considérer la menstruation comme un sujet tabou ou dégoûtant. Comme pour prouver cela, lors de la discussion sur les règles qui a précédé la proposition de la collège de me prêter l’ouvrage, un des collègues homme a eu la dite réaction du « ah mais non faut changer de sujet, ça me concerne pas moi, beurk ». L’autrice revient donc sur ces réactions, les remarques habituelles du « elle a ses règles ou quoi ? » et le sentiment d’embarras qui peut accompagner la demande d’une protection hygiénique ou d’un tampon. Mais elle voit plus loin aussi, avec des pratiques différentes dans d’autres pays, où les femmes doivent s’isoler du reste de la communauté pendant leurs règles, ou bien danser ; si elles peuvent utiliser des protections ou si elles doivent rester chez elles et parfois manquer l’école, etc. Cela permet d’avoir une perspective plus large que la nôtre, souvent privilégiée (le cas de la mienne en tous cas).
L’autrice rappelle aussi l’aspect physiologique des règles : pourquoi les personnes ayant un vagin saignent tous les mois, combien, qu’est-ce qui peut empêcher le bon fonctionnement des menstruations, à quel âge elles surviennent, à quel âge elles s’arrêtent, etc. Étant donné le peu d’éducation faite sur ce sujet (re : tabou), ce passage me paraît très intéressant, et je suis un peu affolée à l’idée d’apprendre des choses sur le fonctionnement de mon corps que maintenant (bon, j’aurai pu me renseigner avant, certes, mais vous voyez ce que je veux dire).
Élise Thiébaut rappelle ce que pensaient différents intellectuels du sang menstruel des femmes, les superstitions qu’elles engendraient (notamment l’impossibilité de monter une mayonnaise pendant ses règles), voire les persécutions qui en découlaient (tu souffres particulièrement pendant tes règles ? Au bûcher, sorcière). Elle évoque les différentes manières de recueillir ledit sang, que ce soit avec les tampons, les serviettes conventionnelles, ou bio, ou lavables, la cup, ou encore le flux instinctif libre. L’autrice s’attarde aussi sur la pilule, l’endométriose, et enfin tous les maux que ce sang menstruel pourrait soigner. Enfin, que les cellules souches qui composent ce sang pourraient aider à régénérer. Ce sont des études encore en cours et peu connues, mais elles semblent prometteuses.
Un gros coup de cœur, j’ai envie d’offrir ce livre à toutes les femmes de mon entourage (puis de le faire lire aux hommes du même entourage ).
Classé dans:Chroniques, Coup de cœur, Essais Tagged: Élise Thiébaut, Féminisme, La Découverte