La nature des choses, de Charlotte Wood, traduit de l’anglais (Australie) par Sabine Porte, Éditions du Masque, 2017, 280 pages
L’histoire
Vêtue d’un habit étrange et rêvant d’une cigarette, Yolanda se réveille dans une pièce vide. Verla, une jeune femme au crâne rasé, est assise à côté. Au bout d’un couloir où résonnent des voix inconnues, d’autres captives reviennent à elles. Droguées, désorientées, au milieu de l’outback australien, les filles ne sont sûres que d’une chose. Elles sont toutes liées par les incidents douloureux de leur passé. Et chacune se retrouve prisonnière de la mystérieuse entreprise de sécurité responsable de ce lieu désolé. Mais c’est sous le joug même de ce système absurde que Yolanda et Verla parviennent à forger un lien et, tirant leur force de l’instinct animal dont elles sont obligées de dépendre, les proies se changent en prédatrices.
Note : 2/5
Mon humble avis
Merci à Babelio et aux Éditions du Masque qui m’ont fait parvenir un exemplaire en échange d’une chronique honnête.
Je suis passée à côté de ce roman. Je m’attendais à un thriller, potentiellement à une histoire d’empowerment où les femmes dont il est question dans l’histoire reprennent le contrôle. Mais surtout, j’espérais des réponses. Dix femmes se retrouvent « enfermées » en plein désert où elles sont privées des conforts tels que de véritables lits, des produits d’hygiène, de soins, de vêtements qui ne seraient pas imbibés de crasse et de transpiration, voire même de nourriture. Peu à peu, on comprend que toutes ces femmes dérangeaient la société de par leur « sexualité » : soit parce qu’elle était trop libérée, soit parce qu’elles avaient été victimes d’agressions sexuelles ou de viol (d’où les guillemets hein). Comme pour punir cette liberté et accentuer cette culture du viol, ces femmes ont été exilées de la société, de tout confort, de toute compassion ou traitement décent et humain.
Pour ces raisons, La nature des choses aurait pu être un roman auquel j’aurai complètement accroché. Mais dès les premières pages, les questions se bousculent. Qui sont-elles ? Qui les a enfermé là ? Pourquoi réellement ? Dans quel but ? Pour combien de temps ? Vous ne trouverez aucune réponse ; l’autrice ne lâche rien et il faudra se faire sa propre idée avec les bribes qu’elle nous donne. J’imagine que ce roman entend se focaliser sur l’expérience de l’emprisonnement de ces femmes et leur évolution dans cet environnement, et non le contexte, les raisons, l’avant ou l’après. Mais c’est typiquement le genre de littérature à laquelle je n’arrive pas à croire une seule seconde, pour laquelle je n’arrive pas à suspendre mon incrédulité. Et je ne parle pas du fait qu’elles soient en plein désert, enfermées dans un espace immense par une clôture électrique, alimentée on ne sait comment. Ça, je veux bien y croire ; mais pas si je me pose les mêmes questions toutes les deux pages sans jamais avoir de réponse.
De plus, l’expérience de ces dix femmes qui passent des mois ensembles aux mains de trois geôliers aurait pu être intéressante ; elle aurait pu m’accrocher. Même là, mes attentes ont été déçues : ces dix femmes ne sont pas solidaires, voire se tirent dans les pattes. Elles pourraient essayer de se défendre, à dix contre deux hommes (et une femme qu’elles découvrent plus tard et qui n’a pas l’air bien menaçante). J’entends que la peur puisse tétaniser, mais pas autant, pas toutes, pas pendant des mois et des mois, pas alors qu’elles ont toutes une haine profonde pour ces personnes qui sont parfois seules, vulnérables et qu’elles pourraient enfermer à leur tour. Pas alors qu’elles pourraient leur demander des réponses ou chercher un moyen de s’enfuir, au lieu de continuer à survivre dans la douleur, la maltraitance et la peur.
La nature des choses n’est pas pudique : de nombreuses scènes sont gores, notamment des descriptions de capture d’animaux, de dépeçage, de charcutage. Même si je n’apprécie pas particulièrement ce genre de passages (et encore moins depuis que je suis végane), ils ne sont pas gratuits ; je pense que l’autrice s’en sert simplement pour démontrer son idée de l’évolution des personnages. Seulement, je ne l’ai pas ressenti à la lecture, je le comprends, a posteriori, quand j’y réfléchi, et je me dis « oui okay peut-être ». Je retiens en revanche le fait que les menstruations de ces femmes soient évoquées à un moment donné et cela fait plaisir. Rares sont les lectures que j’ai pu faire où des femmes enfermées ou dans des situations extrêmes avaient leurs règles.
J’aurai pu accrocher au roman pour les personnages. Mais l’autrice prend le partie de nous faire suivre le point de vue de deux d’entre eux : Yolanda et Verla, toutes deux faisant partie des captives (au début du moins). Si l’évolution de Yolanda a un côté intéressant… à aucun moment donné je n’ai pu m’identifier à Verla, qui se sent supérieure à ces autres femmes et les méprise, alors qu’elles sont toutes dans le même bateau.
Enfin, la plume ne m’a pas convaincue non plus : les points de vue changent d’un personnage à l’autre sans indication (visuelle ou textuelle) claire ce qui rend la lecture parfois difficile. Ah et il arrive aussi qu’on passe du passé au présent. Sans raison. C’est moche. En ayant lu la traduction, je ne sais pas si cela vient de la version originale ou de la version française. Qui a peut-être été expédiée, pour diverses raisons, que sais-je.
Bref, La nature des choses n’est pas mon genre de livres, mais si vous aimez les romans un peu « conceptuels » où il s’agit de faire passer un message sur la nature humaine et non de dérouler une intrigue avec des réponses à la fin, ce livre peut vous plaire ! J’ai lu d’autres chroniques de lecteurs qui ont beaucoup aimé et l’ont issu au rang de chef d’œuvre – et je ne parle pas des blurbs (les citations d’auteurs ou journaux à propos du livre) auxquels j’accorde une importance nulle. En tous cas, si La nature des choses de Charlotte Wood vous intéresse, il sort le 6 septembre chez votre libraire préféré
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