Ecrit par Virginie Despentes
Edité par Grasset
Le 24 mai 2017
400 pages
Quel plaisir de retrouver Vernon Subutex et tous les personnages qui l’entourent ! Bien sûr j’avais oublié (depuis le temps !) certains événements, certains noms ne me disaient plus grand-chose, mais peu importe puisque le plus important dans ce roman n’est pas l’histoire (quoi… que… je reviendrai dessus un peu plus loin…) mais les portraits, les propos cash, les gueulantes, les digressions, la vision de l’actualité (très récente), l’écriture si particulière, si crue et si juste de l’auteure.
J’ai adoré ce dernier tome, Virginie Despentes est décidément une subtile portraitiste, elle croque ses personnages avec réalisme et talent. Elle écrit souvent ce que je pense (elle est ma voix) et surtout, ses mots traduisent parfaitement le regard acéré qu’elle porte sur la société. Elle parvient même à exprimer des idées totalement contraires aux siennes, sans les dévoyer, sans être outrancière, et sans les juger. Un beau tour de force. Elle est pertinente et clairvoyante, elle mêle humour et cynisme, je lis et j’admire.
Et puis, dans ce volume, l’histoire prend son envol, les événements s’enchaînent, très adroitement, entre convergences et vengeances, danses et horreurs. Elle sait faire du lien, d’un chapitre à l’autre, laissant le lecteur hésiter à chaque début de chapitre, pour mieux le ferrer ensuite.
J’ai avalé ce livre avec frénésie, rechignant à le poser, assoiffée de mots, de cris, d’invectives.
Un petit bémol cependant, le dernier chapitre m’a paru complètement hors sujet. J’aurais aimé que le roman s’achève à la fin du premier paragraphe de cet ultime chapitre. Cette fin futuriste me semble mal venue et arrive là comme un cheveu sur la soupe, car, pas du tout dans le ton du reste de la trilogie.
Mais ce n’est pas grave, je l’ai très vite occulté pour ne garder que le meilleur, la substantifique moelle !
Quelques extraits :
Aujourd’hui les gens ne sont plus comme ça. Ils se sont civilisés. Mais de sa génération, ils étaient des animaux. Ca la révoltait quand il réussissait à l’enfiler. Enfin, tu vois bien que je n’y prends aucun plaisir. Il rigolait. Je fais pas ça pour te faire plaisir, je fais ça pour me vider les couilles. Pas gêné. A l’ancienne.
Charles savait. Il s’est tu. C’était une véritable religion, le silence, chez cet homme. On appelle ça de la pudeur mais ça relève plutôt de la constipation verbale.
Le dentiste cale un petit bout de plastique blanc contre sa mâchoire, il l’enfonce un peu trop fort. C’est fou comme les objets paraissent gigantesques une fois qu’on doit se les mettre dans la bouche. Il faut qu’il pense à en parler avec Pamela. Est-ce que quand les meufs sucent, elles ont l’impression d’aspirer l’Empire State Building ?
L’arabe auquel elle pense, c’est le pauvre. Autorisé à marcher sur le même trottoir qu’elle, habilité à entrer dans la même mairie, à prendre le bus, à s’inscrire dans les écoles. De ceux-là, elle n’en peut plus. C’est trop de souffrance, il faut que ça sorte : elle est islamophobe, au nom de la liberté, de l’égalité, de la fraternité. Les autres religions ne la dérangent pas. Elle est précise : islamophobe, mais pas raciste. Et quand elle ouvre les portes de cette intolérance-là, elle imagine que c’est au nom du bien du peuple.