Un astronaute en bohême, Jaroslav Kalfar

Un astronaute en bohême, Jaroslav Kalfar


Jakub touche son rêve du doigt lorsqu'il est choisi par son pays, la République Tchèque, pour prendre part à une mission russe dans l'espace. Fils d'un ancien proche du régime communiste qui s'est soustrait à la comparution pour accusations de torture en disparaissant avec sa femme dans un accident, Jakub n'a eu de cesse d'œuvrer dans sa vie pour devenir quelqu'un de bien, et s'éloigner de la figure de son père. Mais la mission ne se déroule pas comme espéré : il apprend que sa femme Lenka le quitte, et bientôt, il découvre qu'il n'est pas seul à bord, et fait la connaissance de Hanus, un alien curieux et une oreille attentive pour discuter de toutes choses. Le vaisseau se retrouve néanmoins abîmé à la suite d'un choc, le condamnant à la mort, mais Jakub survit, et parvient à rejoindre la Terre, où il s'emploie à retrouver la trace de Lenka.

Le roman constitue une sorte d'objet littéraire non identifié, mêlant des genres différents, qui peuvent désarçonner le lecteur.
En effet, une partie se révèle plutôt historique, révélant des agissements indignes sous le régime communiste, le déroulement de la Révolution de Velours et le contrecoup pour ceux qui étaient auparavant du côté du pouvoir.
Pourtant, dès lors que la mission dans l'espace débute, la dimension fantastique, avec l'intervention de personnages aliens, prend le dessus, et brouille les repères du lecteur.

Les personnages intervenant dans le roman sont parfois difficiles à cerner, à l'instar des grands parents de Jakub, de l'homme jadis torturé par son père, ou de Klara par exemple, dont Jakub fait la connaissance dans l'espace. Les personnages de Jakub et Lenka provoquent l'empathie de par leurs ambiguïtés et leurs désirs parfois paradoxaux.

Pour finir, si l'action fait progresser le récit d'apparence déstructurée, il est beaucoup question d'introspection de la part de Jakub, qui revisite son histoire en la racontant à Hanus, et s'interroge sur des thématiques philosophiques (l'amour, la mort, la solitude, l'ambition). Malgré mes suppositions initiales, j'ai découvert un récit mélancolique, laissant peu de place à l'humour (comme le laissait présager le titre).

Les rebondissements peuvent en outre créer une confusion, car si les conversations entre Jakub et Hanus sont abordables et intéressantes, il est malaisé de suivre l'intrigue entre la déclaration de la mort de Jakub et son retour sur terre, tant elle verse dans l'imaginaire.

Néanmoins, la dernière partie du livre apporte un apaisement, et des réponses pleines de sagesse aux préoccupations de Jakub.

Le roman de Kalfar ne ressemble à aucun autre, ce qui est intriguant, mais il peut, de par cette dimension hybride, peiner à trouver son public (en dépit de celui, évident, qui sera intrigué par le titre) : le lectorat amateur de fantastique n'y trouvera pas son compte car le fantastique n'est pas présent dans toute la première partie, et le lectorat plus sensible à la dimension historique et politique pourra être rebuté par l'évolution fantastique.

Le résultat, déroutant, constitue néanmoins une intéressante expérience de lecture!