On a reproché, à juste titre, aux Secret Wars d'être une sorte de fourre-tout, où se mêlent bonnes idées et séries totalement anecdotiques. Dans cet univers qui récupère des décennies d'histoire Marvel, pour en faire un patchwork inédit et trop hétérogène, les zombies occupent une place de choix. Bien à l'abri d'un mur gigantesque (le Bouclier) qui les protège des morts-vivants infestant les contrées désolées qui se trouvent au-delà, les habitants du Battleword échappent ainsi à un quotidien sauvage et meurtrier. Mais pas Elsa Bloodstone, qui se retrouve téléportée en plein coeur de la zone infestée par la version zombifiée d'Azazel. En tant qu'agent du Shield (bouclier, donc), survivre et se battre est son dada, ce qui tombe bien, car il va falloir du courage et de l'abnégation pour rentrer, et pour sauver un enfant bizarrement abandonné en pleine désolation. Le caractère de l'héroïne, assez trempé et à prendre avec des pincettes, est justifié par des flash-back qui permettent de comprendre ses réactions et son apreté dans la manière d'envisager la survie, notamment les rapports avec son paternel. Cela dit, elle ne décrochera pas la palme d'or de l'orientation, et se tromper de chemin quand on a des hordes de mangeurs de cervelles autour de soi, ça n'aide pas pour rester en vie. Simon Spurrier s'en sort avec les honneurs dans cette première des trois mini séries que contient le Marvel Deluxe évoqué ce jeudi. Elsa Bloodstone n'est pas un personnage qui a fait brèche dans le coeur des lecteurs, et l'utiliser comme protagoniste de la version Marvel Zombies des Guerres Secrètes est culotté. Le lecteur qui souhaiterait retrouver l'aspect frapadingue du titre (surtout les deux trois premières versions) de Kirkman sera placé dans un contexte fort différent, beaucoup plus resserré, et intimiste. Reste que c'est assez sympathique, avec de belles envolés dramatiques pour définir le passé d'Elsa. Kev Walker livre un travail solide et bien en accord avec le ton global, pour ce qui est des dessins. Bien sûr cela est très en marge du discours principal des Secret Wars, mais au moins on a un récit qui se tient et fonctionne.
La suite est moins convaincante. Tout d'abord le Age of Ultron vs Marvel Zombies, qui promettait beaucoup, rien que dans son titre. Et puis nous, on fait confiance à James Robinson, qu'on a tendance à apprécier. Sauf que là, passées les bonnes idées initiales, on débouche sur du n'importe quoi. Au delà du mur, là où sont éjectés celles et ceux qui ont osé commettre un crime de lèse-majesté contre le Dieu et Seigneur Doom, il existe deux factions dangereuses qu'il vaut mieux ne pas rencontrer. Les zombies, vous l'aurez compris, mais aussi les robots Ultron. Au milieu de tout cela, des humains qui survivent, et un Hank Pym qui va devoir trouver le moyen de mettre fin à la menace qui gronde. Sauf que ce Hank là vient d'une autre ère, et que c'est un sacré défi pour lui. Il est clair dès le départ que tout ceci est juste une parenthèse destinée à n'avoir aucune répercussion à l'avenir, et les personnages défilent sans qu'on comprenne bien l'intérêt de ces épisodes, autre que leur aspect mercantile, cela va de soi. Dommage aussi pour Steve Pugh, que j'apprécie beaucoup, mais qui aurait mérité mieux qu'un titre de série Z histoire de faire du remplissage et de gonfler les sorties mensuelles liées à l'événement.
Pour finir le plutôt mauvais Siege de Kieron Gillen (Gillen, bref si ça avait été bon, nous aurions été les premiers surpris). Ici l'histoire repose autour du Bouclier, qui est la grande muraille/protection qui encercle l'essentielle des terres "civilisées" du Battleworld sur lesquelles règne Fatalis. Cette mesure est indispensable, car de l'autre coté de la barrière c'est le chaos et l'horreur au quotidien. On y trouve des zombies, des versions perverties d'Ultron (voire plus haut), et aussi les hordes d'Annihilus. Bref, quand le dictateur latvérien a reformulé le monde, il n' y a pas fait entrer que de gentils personnages, et il doit maintenant vivre à l'abri du dernier rempart entre l'anéantissement et la vie de tous les jours. On retrouve Abigail Brand, autrefois en charge du Sword (une agence qui protège la planète des menaces extra-terrestres depuis l'espace), ici fraîchement nommée à la tête des forces qui ont pour mission d'assurer la protection du Bouclier. Elle est épaulée par une équipe très bizarre et hétéroclite, qui va de Léonard de Vinci à une brigade de clones de Scott Summers. Kieron Gillen a la lourde tâche de dévoiler des pans entiers de l'intrigue gravitant autour de Secret Wars. C'est lui qui nous permet de mieux comprendre la menace venue de l'extérieur, qui donne un peu d'histoire et de généalogie au Battleword, qui met en exergue sa dangerosité et sa cruauté. On se dit que difficilement cette nouvelle réalité pourra perdurer ainsi, quand on voit ce qui vient rôder aux portes de la civilisation. Ce n'est pas sans faire penser par endroits à The Walking Dead, et les clôtures qui séparent les survivants des zombies affamées, mais en pire, en plus technologique et radical. Le trait de Filipe Andrade est très particulier, essentiel, ascétique. Ses figures sont assez cahotiques, tourmentées, et il ne s'embarrasse guère de planches détaillées, préférant miser sur une essentialité évidente. D'autres artistes, comme Jose Ryp, viennent signer de belles splash pages et donner du cachet à un récit qui est ennuyeux et pas très attachant.
Bref, un Marvel Deluxe qui risque de désemparer celles et ceux qui veulent du vrai "zombie made in Marvel", placés devant des récits dispensables et sans aucune conséquences derrière.
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