Les éditions Sarbacane ont toujours eu une petite place toute particulièrement dans mon propre panthéon littéraire. Source de nombreux coups de cœur (Songe à la douceur, Dysfonctionnelle, Les petites reines, Le monde de Charlie, etc. presque chaque lecture de chez eux en fait), je suis obligée de m'attarder sur toutes leurs nouvelles parutions, histoire de voir si elles pourraient une petite place chez moi ou pas (les éditions ne font pas de numérique). J'ai entendu parler de La fourmi rouge pour la première fois chez Lupiot, Allez-vous faire lire. La sainte patronnesse du C'est le 1er, j'balance tout avait tout simplement adoré, l'avait lu et relu et nous encourageait à faire de même. J'ai attendu la date de parution comme une âme en peine, MAIS, parfois le dieu des lecteurs existe et j'ai eu la chance de le recevoir en échange d'une chronique. Je les remercie donc avec moult révérences et tentatives de câlins !
Vania Strudel a 15 ans, un œil qui part en vrille et une vie qui prend à peu près la même direction. Et ce, à cause de :
- Sa mère, qui est morte quand elle avait huit ans.
- Son père, un taxidermiste farfelu.
- Pierre-Rachid, son pote de toujours, qui risque de ne plus le rester...
- Son ennemie jurée, Charlotte Kramer, la star du lycée.
- Sa rentrée en Seconde, proprement catastrophique.
Pour Vania, c'est clair : l'existence est une succession de vacheries, et elle est condamnée à n'être personne. Une fourmi parmi d'autres. Mais un soir, elle reçoit un mail anonyme, qui lui explique en détail que non, elle n'est pas une banale fourmi noire sans aspérités. Elle serait même plutôt du genre vive, colorée, piquante ! Du genre fourmi rouge...
Olalala les lapins en chocolat, comment vous parler de ce livre, ce si merveilleux livre, drôle, acide, hilarant, triste, intelligent, loufoque et je vous passe la quantité d'autres adjectifs qui me viennent à l'esprit !
Une chose que je regrette avec le fait de vieillir (oui, j'ai 30 ans dans moins de 6 mois, j'angoisse déjà), à part les rides, le corps qui coince et les gueules de bois interminables, c'est de ne pas avoir pu lire ce genre de roman lorsque j'étais adolescente. La fourmi rouge et son personnage principal auraient parlé à la perfection à l'adolescente que j'étais (et celle que je suis encore, gardons-nous bien de prendre en maturité). Heureusement, comme aucune loi n'empêche un vieux machin de se plonger avec délectation dans la littérature jeunesse, je peux compenser ma frustration d'être née trop tôt.
Vania Strudel donc, Vania, l'héroïne, l'ado imparfaite, perpétuellement négative et pessimiste, tout en espérant le meilleur à venir, Vania qui porte le nom de la marque de mes serviettes hygiéniques préférées, c'est vous dire à quel point le coup de foudre était prévisible ! (comment ça, trop d'informations, là ?) Vania qui n'aime pas spécialement sa vie, mais qui aime sa vie à 15 ans ? Vania qui a honte de son père (même question), surtout que le bonhomme, histoire d'en remettre une couche, a le culot d'être taxidermiste professionnel. Vania qui n'est pas populaire mais qui vit des amitiés fortes. Vania poursuivie par la loi de Murphy et sujette à l'auto-apitoiement, Vania ma grande, je te fais là une véritable déclaration d'amour !
L'humour est hyper présent, vous l'aurez sans doute compris juste avec le nom de l'héroïne, mais si on se bidonne comme des otaries, il cache une profondeur impressionnante. L'histoire de La fourmi rouge n'est pas si folichonne que ça, montrant que parfois, la vie est plus dure que d'avoir un œil qui refuse de ressembler à l'autre. J'ai trouvé que ce roman était le digne lien entre Les petites reines ( Mireille n'aurait pas renié Vania parmi ses boudinettes !), Je suis ton soleil et La bibliothèque des citrons (dont je parlerai la semaine prochaine). On rit et on s'émeut, l'équilibre parfait d'un excellent moment de lecture.
Pour ce qui est de l'écriture, la plume d' Émilie Chazerand est tout simplement parfaite. Très différente de celle de Clémentine Beauvais (on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement), les dialogues sont savoureux, les pensées de Vania hilarantes et les personnages très bien campés ( mention spéciale à Papa Strudel qui, en tenant une sacrée couche, qui tout de même son rôle de père). J'ai dévoré ce roman en une après-midi (je devais sortir, j'ai remis les courses à plus tard), en me gaussant à voix haute et en encourageant et insultant qui de droit, ce qui décontenance toujours un peu mes chats et mon mec. Et je sens que je vais le relire bientôt, c'est vous dire.
Titine et Broco ont surkiffé. Yep. Ils s'attendaient à aimer, c'est sûr, vu le pitch et les brefs avis lus çà et là, mais à ce point, non. GROS COUP DE CŒUR et le premier de cette rentrée littéraire qui, au vu des titres, ne m'emballait pas plus que ça. Plus qu'une lecture détente, La fourmi rouge vous fera passer par toutes les émotions, tout en envoyant de bien bonnes vannes à la face de tout ce qui bouge, que demander de plus ? Difficile d'en dire beaucoup sans dévoiler des éléments clefs de l'intrigue, j'y suis allée presque vierge de toute information et je serais fort déçue de vous gâcher le plaisir de cette lecture. Donc, on va conclure avec l'habituel message de coup de cœur : lisez-le !