Les terres dévastées d’Emiliano Monge

Les terres dévastées d’Emiliano MongeLes terres dévastées

Emiliano Monge

Traduit de l'espagnol (Mexique) par Juliette Barbara

Edité par Philippe Rey

Le 24 août 2017

Noir c'est noir.

Livre plus sombre et plus pessimiste, tu meurs !

Non seulement le propos est tragique mais l'écriture participe activement à créer un malaise et une oppression chez le lecteur.

J'ai mis plusieurs jours voire semaines à lire ce livre, tellement il m'indisposait. Je ne saurais dire s'il m'a plu ou pas, ce n'est pas en ces termes qu'on peut qualifier ce type de roman. Chose certaine : il m'a marquée ! Et dérangée bien souvent ! C'est une expérience de lecture très étrange.

Mais de quoi parle donc ce livre si particulier dans le fond et la forme ?

Des migrants, trahis par leurs passeurs, sont emmenés par des trafiquants pour être vendus ou tués... Estela et Epitafio prennent chacun la tête d'un convoi. Obsédés l'un par l'autre, ils ne cessent de s'appeler sur le trajet, de se rater, de penser l'un à l'autre... L'histoire se déroule sur un temps très court (entre 24 et 48 heures si mes comptes sont bons) et le lecteur suit aussi bien les chefs de bande que celui qui va trahir, que le géant qui a perdu sa médaille mais qui va s'en sortir, que les hommes et les femmes qui ont tout perdu, que les triplés de l'enfer, que les deux jeunes passeurs.

La construction est implacable et magistrale. L'action se situant en trois lieux différents, l'auteur glisse habilement de l'un à l'autre au détour d'une phrase. D'ailleurs la dernière phrase répond à la première, et clôt magistralement le propos.

L'histoire est racontée au présent, ce qui donne l'impression au lecteur de participer ou tout au moins d'assister en direct à la tragédie qui se joue sous ses yeux d'observateur impuissant. La façon de nommer les personnages, leur façon de répéter en boucle leurs pensées obsessionnelles, la difficulté à communiquer que chaque personnage rencontre, tout contribue à créer un malaise incroyable.

Et même l'histoire d'amour entre Estela et Epitafio, vouée à l'échec dès le début, est morbide. Elle dérange plus qu'elle n'égaie, et les répétitions des coups de téléphone, des idées développées par l'un et par l'autre, les ratages, accentuent l'effet plombant.

Un petit aperçu :

" De plus en plus étonnés et effrayés, Encacenido et Tenido observent la démarche assurée de Merolico et le voient aussi s'adresser aux moignons qu'il transporte : les deux frères ne savent pas, ne peuvent pas s'imaginer qu'en plus de parler aux bouts de cadavres qu'un peu plus tôt il a découpés, le plus vieux d'entre tous les sans-ombre interpelle aussi son propre destin - Le passé nous attend toujours un peu plus loin, devant. "