Si je devais choisir trois gros coups de coeur cette année, ce serait Feral de George Monbiot, Un an dans la vie d’une forêt de David Haskell et cet ouvrage. Je vous promet que vous ne regarderez plus jamais les arbres de la même façon après cette lecture !
Au fil des chapitres, et des années, ce forestier hors du commun exprime et restitue à la perfection les connaissances et secrets de la nature qui ont changé le regard qu’il portait sur la forêt.
« j’en savais à peu près autant sur la vie secrète des arbres qu’un boucher sur la vie affective des animaux »Comme pour beaucoup de professionnels de ce secteur, la forêt n’est perçue qu’en terme de rentabilité. Les gros arbres sont les plus intéressants à couper, les vieux arbres, inutiles et dangereux, sont impitoyablement éliminés, les sous-bois sont « nettoyés » des branches tombées et du bois mort, les pistes élargies pour permettre le passage des engins… bref, une vision peu encourageante de la forêt, à peine compensée ici et là par des actions préconisées par l’ONF et les propriétaires privés.
Et pourtant, à lire les propos et constations de Wohlleben, on se dit que couper des arbres ou pire, déboiser des pans entiers de forêt, ne sont ni plus ni moins que des crimes ! D’ailleurs, j’ai pensé tout au long de ma lecture aux Ents de Tolkien ou encore à ce poème de Ronsard, Ode à la forêt de Gastine.
Comment ça, j’exagère ? Savez-vous que la bonne santé d’un écosystème forestier ne dépend pas seulement de la façon dont les arbres s’entraident, mais repose aussi sur un échange de bons procédés avec d’autres organismes comme les champignons ? Que les arbres développent un certain nombre de parades pour résister aux insectes ravageurs, aux maladies ? Que le hêtre est le véritable roi de la forêt et non le chêne ?
Mais pourquoi les arbres ont-ils un comportement social, pourquoi partagent-ils leur nourriture avec des congénères et entretiennent-ils ainsi leurs concurrents ? Pour les mêmes raisons que dans les sociétés humaines : à plusieurs la vie est plus facile ? Un arbre n’est pas une forêt, il ne peut à lui seul créer des conditions climatiques équilibrées, il est livré sans défense au vent et à la pluie. A plusieurs, en revanche, les arbres forment un écosystème qui modère les températures extrêmes, emmagasine de grande quantité d’eau et augmente l’humidité atmosphérique…Pour maintenir cet idéal, la communauté doit à tous prix perdurer.
Vous découvrirez, entre autres choses passionnantes, que les arbres communiquent grâce à leur impressionnant réseau racinaire, et qu’ils sont capable d’élaborer ensemble des stratégies de défenses contre des ennemis communs. Je pourrais vous raconter mille anecdotes mais ce serait vous priver du plaisir de découvrir la vie intime d’une forêt, racontée avec rigueur, humour et poésie, par un homme exceptionnel.
Ce forestier est pour moi exceptionnel car il a accepté de remettre en cause ses convictions, d’accepter son ignorance et d’ouvrir les yeux sur un monde insoupçonné. Je crois que c’est ce que je vais retenir de cette lecture : que nous ne sommes rien sans la nature, que la forêt n’a pas besoin de nous pour vivre et s’épanouir, que nous sommes aveugles et que nous ne comprenons rien au monde qui nous entoure. Mais quelques uns d’entre nous sont touchés, par la grâce ou je ne sais quoi d’autre, et ceux-là, qui acceptent de partager leurs découvertes et connaissances, nous permettent d’accéder, un tout petit peu, à une certaine sagesse. Voilà, beaucoup d’émotions à la fin de cette lecture, et comme l’exemplaire que j’ai acheté mentionne déjà 650 000 exemplaires vendus, je me dis que l’auteur a réussi son pari !
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