- Les filles de Roanoke -

Par Valentine Pumpkins @valpumpkins

Amy Engel est l'autrice du, maintenant très controversé pour moi, The Book of Ivy. Pourquoi controversé ? Tout simplement parce que, si j'avais adoré le moment de lecture en compagnie de cette dystopie young adult, je lui trouve aujourd'hui, beaucoup de défauts, à tel point que je ne sais plus vraiment si j'ai aimé, ou pas, la duologie. Lorsque j'ai vu que les éditions Autrement sortaient un thriller de la même autrice, ma curiosité a donc été instantanément titillée. Les deux genres n'ayant presque rien à voir entre eux, j'étais vraiment curieuse de voir ce dont était capable Amy Engel. Je l'ai donc lu sans attendre, dès qu'il a atterri dans ma liseuse, et, bon sang, quelle expérience !

Dans cette petite ville du Kansas, tout le monde envie les filles Roanoke. Elles sont belles, jeunes et riches. Elles vivent avec leurs grands-parents dans le domaine familial, au milieu des champs de blé. Leur vie semble douce. Mais il y a quelque chose de pourri au royaume des Roanoke. Camilla, Penelope, Eleanor, toutes les filles de la lignée ont connu des fins tragiques. Quand sa cousine Allegra disparaît à son tour, Lane se lance à sa recherche, sans se douter qu'elle va déterrer les plus noirs des secrets de famille.

Plongée étouffante dans un huis-clos familial, Les Filles de Roanoke est un véritable page-turner atmosphérique et haletant.


Je vous annonce tout de suite qu'il va être très difficile de parler de ce roman sans spoiler quoi que ce soit. Même la quatrième de couverture (dans une phrase que j'ai supprimée ici) ne peut pas s'empêcher de vous raconter de quoi il retourne VRAIMENT dans le domaine de Roanoke.

Nous découvrons la maison, où quasiment toute l'intrigue va se dérouler, à travers les yeux de Lane, jeune adolescente, nouvellement orpheline, qui débarque dans cette lointaine famille, ses grands-parents jusque-là inconnus. Tout de suite, l'ambiance vous frappe. À la fois froide et pleine d'une chaleur malsaine, vous ne pouvez retenir quelques frissons d'angoisse, sans d'abord trop comprendre pourquoi, devant les démonstrations d'affection des uns envers les autres.

Si nous suivons d'abord la jeune Lane, après la mort de sa mère, nous suivons aussi, dans un parallèle très bien construit, une Lane adulte qui revient là où elle avait juré ne jamais remettre les pieds suite à la mystérieuse disparition de sa cousine, Allegra, avec qui elle a passé quelques semaines de son enfance, dans le même domaine de Roanoke. Cette enquête va nous mener au cœur des secrets d'une famille pas comme les autres (et heureusement, j'ai envie de vous dire) où les enfants, tous de sexe féminin, connaissent un destin peu enviable.

Les personnages sont tous très étranges, difficilement touchants tant ils sont froids et semblent tous à moitié fous. Mais étrangement, c'est exactement cela qui fait le "charme" de ce texte. La perversion des uns, décrite tout en pudeur, sans racolage, sans obscénité, prend alors un tour étrange, presque magique, à l'image de ces gourous, de ces sectes où tout le monde gravite autour d'un être charismatique. Dans une moindre mesure, Les filles de Roanoke m'a fait penser (et attention, c'est un immense compliment !) à l'ouvrage d' Emma Cline, The Girls, grand coup de cœur de la rentrée littéraire 2016.

J'ai été littéralement envoûtée par cette lecture, que j'ai dévorée en moins de 24h. Amy Engel possède ici une plume d'une grande délicatesse et arrive à exploiter une thématique pas franchement gaie avec brio. Un tout petit reproche toutefois : peu de suspense dans Les filles de Roanoke. Si je ne veux pas vous dévoiler l'intrigue, en lisant l'ouvrage, vous comprendrez très rapidement de quoi il retourne. C'est normal puisqu'on vous le dit clairement. Néanmoins, si vous vivez la même expérience de lecture que moi, vous voudrez quand même avoir le fin mot de cette histoire absolument hallucinante.

Amy Engel signe ici un récit dérangeant, où la chaleur poisseuse, humide et épaisse du Kensas contrebalance la froideur de l'âme de certains protagonistes. C'est une lecture qui met mal à l'aise, petit à petit, subtilement, et qui reste collée à votre peau plusieurs jours après la dernière page tournée. J'ai adoré. Vraiment. La thématique choisie n'était pas facile, certains (ne cliquez pas sur la suite si vous ne voulez pas être spoilés) s'y sont cassé les dents mais Amy Engel a trouvé ici comment la traiter avec force et vraisemblance. Un grand bravo, un grand hourra et une autrice à suivre !