Le tout premier roman de la sélection de rentrée des 68 premières fois m'est arrivé, et la saison débute par un livre très attendu, Ostwald de Thomas Flahaut!
Libres pensées...
Dans l'Est de la France, les parents de Noël et Felix se sont séparés lorsque leur père a perdu son emploi, suite à la fermeture de l'usine d'Alstom. Des années plus tard, lorsqu'une défaillance est détectée à Fessenheim, la population est évacuée, abritée dans des camps temporaires, s'organisant comme elle le peut. Noël est parmi eux, il observe ce qui se passe autour de lui, assiste à un drame, s'enfuit avec Felix. Tous deux, ils partent à la recherche de leur père, demeuré à Ostwald, et traversent les paysages alsaciens désertés et comme hallucinés.
Ostwald est un premier roman surprenant, dans lequel on trouve mêlées une dimension sociale évidente, et une dimension presque fantastique, à travers les visions qu'ont les protagonistes d'un environnement qui semblerait presque post-apocalyptique.
Comme je n'ai de cesse de le répéter, vous avez sans doute remarqué mon intérêt pour les auteurs qui s'aventurent dans l'époque actuelle, et n'hésitent pas à écrire sur des événements dont nous sommes contemporains.
Bon point, donc, pour Thomas Flahaut, qui, de surcroît, choisit des protagonistes qui sont habituellement invisibles : cette frange de population qui n'apparaît pas dans la littérature, le cinéma, rarement à la télévision, qui est absente de la scène publique et à laquelle on ne donne pas vraiment la parole. Les salariés installés dans des territoires relativement enclavés (Belfort, bien que l'on puisse bien sûr trouver plus enclavé encore en France), complètement dépendants d'une entreprise qui prend un jour la décision de fermer l'usine / de délocaliser, et qui licencie en masse, avec la conséquence évidente que cela va avoir dans la vie des gens.
Une fois le cadre dressé, l'intrigue se précise avec l'accident de Fessenheim, qui oblige les habitants des alentours à sortir de leur quotidien, à réagir à une situation dangereuse et incertaine.
La relation entre Noël et Felix et entre les deux fils et leur père soutient le récit, tout comme la figure de Marie, ravivée par les souvenirs de Noël au moyen de flashbacks ponctuels, qui hante les pages et le parcours de ce dernier.
J'ai goûté la sensibilité qui se dégage à la fois du style et de la pudeur émanant du récit, qui m'ont donné le sentiment que Ostwald était un premier roman réussi, touchant et perturbant, un peu lunaire aussi, mais c'est ce qui, à mon sens, fait tout son charme.
Pour vous si...
Morceaux choisis
"On disait qu'en enlevant le h de Alsthom, c'était le h de humains qu'ils avaient effacé.
Malgré les semaines de grève, les cortèges traversant la ville, les slogans criés au mégaphone et les trompettes de stade, devenus aussi familiers à la saison que la pluie d'octobre et le sifflement de la bise noire, la production des TGV a bien été arrêtée. Altom est parti. L'usine s'est vidée de ses humains. Mais la ville n'est pas morte.
Il fallait pourtant vivre, et pour Félix et moi grandir, près d'un cadavre sans odeur, le squelette rouille et vert-de-gris de l'usine laissé là, pourrissant lentement au milieu de Belfort, comme un fantôme du passé ou un avant-goût de l'avenir."
"Ils parlent tous les même langage, mêlant à leurs phrases des termes anglais à la signification très vague pour moi. Même Félix qui, après avoir terminé l'université, semble s'être décidé à ne faire que dormir. Tous sont sortis de la vie d'étudiant, se tiennent au bord de l'avenir. Moi, je ne trouve rien à dire, les yeux dans la nuit striée par les flocons de neige qui s'écrasent sans bruit sur les vitres du tramway. Dans quelques années, je serai à leur place. Je vois la catastrophe arriver. Marie nage avec assurance dans un océan où je ne vois que la possibilité de la noyade."
Note finale3/5(cool)
Libres pensées...
Dans l'Est de la France, les parents de Noël et Felix se sont séparés lorsque leur père a perdu son emploi, suite à la fermeture de l'usine d'Alstom. Des années plus tard, lorsqu'une défaillance est détectée à Fessenheim, la population est évacuée, abritée dans des camps temporaires, s'organisant comme elle le peut. Noël est parmi eux, il observe ce qui se passe autour de lui, assiste à un drame, s'enfuit avec Felix. Tous deux, ils partent à la recherche de leur père, demeuré à Ostwald, et traversent les paysages alsaciens désertés et comme hallucinés.
Ostwald est un premier roman surprenant, dans lequel on trouve mêlées une dimension sociale évidente, et une dimension presque fantastique, à travers les visions qu'ont les protagonistes d'un environnement qui semblerait presque post-apocalyptique.
Comme je n'ai de cesse de le répéter, vous avez sans doute remarqué mon intérêt pour les auteurs qui s'aventurent dans l'époque actuelle, et n'hésitent pas à écrire sur des événements dont nous sommes contemporains.
Bon point, donc, pour Thomas Flahaut, qui, de surcroît, choisit des protagonistes qui sont habituellement invisibles : cette frange de population qui n'apparaît pas dans la littérature, le cinéma, rarement à la télévision, qui est absente de la scène publique et à laquelle on ne donne pas vraiment la parole. Les salariés installés dans des territoires relativement enclavés (Belfort, bien que l'on puisse bien sûr trouver plus enclavé encore en France), complètement dépendants d'une entreprise qui prend un jour la décision de fermer l'usine / de délocaliser, et qui licencie en masse, avec la conséquence évidente que cela va avoir dans la vie des gens.
Une fois le cadre dressé, l'intrigue se précise avec l'accident de Fessenheim, qui oblige les habitants des alentours à sortir de leur quotidien, à réagir à une situation dangereuse et incertaine.
La relation entre Noël et Felix et entre les deux fils et leur père soutient le récit, tout comme la figure de Marie, ravivée par les souvenirs de Noël au moyen de flashbacks ponctuels, qui hante les pages et le parcours de ce dernier.
J'ai goûté la sensibilité qui se dégage à la fois du style et de la pudeur émanant du récit, qui m'ont donné le sentiment que Ostwald était un premier roman réussi, touchant et perturbant, un peu lunaire aussi, mais c'est ce qui, à mon sens, fait tout son charme.
Pour vous si...
- Vous vous souvenez du "h" de Alsthom
- Vous vous délectez de paysages dévastés (petit coquin)
Morceaux choisis
"On disait qu'en enlevant le h de Alsthom, c'était le h de humains qu'ils avaient effacé.
Malgré les semaines de grève, les cortèges traversant la ville, les slogans criés au mégaphone et les trompettes de stade, devenus aussi familiers à la saison que la pluie d'octobre et le sifflement de la bise noire, la production des TGV a bien été arrêtée. Altom est parti. L'usine s'est vidée de ses humains. Mais la ville n'est pas morte.
Il fallait pourtant vivre, et pour Félix et moi grandir, près d'un cadavre sans odeur, le squelette rouille et vert-de-gris de l'usine laissé là, pourrissant lentement au milieu de Belfort, comme un fantôme du passé ou un avant-goût de l'avenir."
"Ils parlent tous les même langage, mêlant à leurs phrases des termes anglais à la signification très vague pour moi. Même Félix qui, après avoir terminé l'université, semble s'être décidé à ne faire que dormir. Tous sont sortis de la vie d'étudiant, se tiennent au bord de l'avenir. Moi, je ne trouve rien à dire, les yeux dans la nuit striée par les flocons de neige qui s'écrasent sans bruit sur les vitres du tramway. Dans quelques années, je serai à leur place. Je vois la catastrophe arriver. Marie nage avec assurance dans un océan où je ne vois que la possibilité de la noyade."
Note finale3/5(cool)