All-Star Baman était annoncé comme un titre anthologique et hors continuité, avec différents artistes de renom prêts à se succéder le temps d'arcs narratifs distincts. Tout un programme alléchant, d'autant plus que nous trouvons aux manettes, pour les grands débuts, Scott Snyder et John Romita Jr. Le premier cité a abandonné son sceptre de scénariste sur la série régulière de Batman, mais il reste donc dans l'orbite du justicier qu'il a accompagné plusieurs années durant. Pour le coup, le voici guéri de son obsession pour le Joker (on l'a un peu trop vu, soyons honnête) et apte à repartir sur de nouvelles bases. En fait les premières pages ne sont pas très claires car l'action évolue à rebours. On part d'une situation donnée, pour petit à petit dénouer les fils qui y ont menés. Une structure narrative éclatée donc, avec de surcroît une sorte de compteur kilométrique qui rythme l'action, avertissant le lecteur du chemin parcouru et toujours à parcourir, pour la résolution de l'intrigue. Et on se rend compte que le vilain choisi pour All-Star Batman est Double-Face. Un ennemi intéressant et effrayant, avec un coté sombre et psychopathe, qui formule ses habituelles machinations, mais aussi la version "Harvey Dent" qui se rend tragiquement compte du danger qu'il est devenu. C'est d'ailleurs pour cela qu'il met au courant son adversaire d'un lieu secret où il pourrait le mener, pour qu'il cesse enfin de nuire. Le problème est que l'autre partie de sa personnalité a prévu un plan diabolique pour l'en empêcher, qui englobe de lourds et peu reluisants secrets, dont tous les habitants de Gotham semblent être détenteurs. Bref, Batman va devoir faire un choix, à savoir emmener Dent dans ce repère mystérieux pour lui administrer un remède, ou échouer, probablement tué ou ralenti par la horde déchaînée de celles et ceux qui sont stimulés par la récompense de Double-Face, ou souhaitent conserver leur "jardin secret". Un méchant tellement dingue, avec des actions tellement absurdes et nihilistes (une pluie acide chargée dans les nuages, par exemple) qu'il en vient à ressembler (tiens comme c'est bizarre) au Joker...Il y a de bonnes idées et des fulgurances qui vont probablement vous plaire, c'est certain. Batman la tronçonneuse à la main est un des moments les plus réjouissants de ces dernières années. La foule du bled paumé où atterri le Dark Knight, et l'appat du gain qui la pousse a prendre parti, est aussi bien vue, et montre que Snyder a encore pas mal de trouvailles dans son sac. Mais la course en avant assume parfois des tons grotesques, avec un Batman meurtri (face à KG Beast qui est à deux doigts de le briser) ou carrément lourdement handicapé (de l'acide dans les yeux) mais qui fini par s'en remettre en quelques minutes, comme si de rien n'était. Too much, vraiment. Pour mettre en valeur l'ensemble, Romita Jr se décarcasse et nous prouve que l'heure de la retraite n'a pas encore sonné. Requinqué par son arrivée chez Dc, et tout particulièrement par le rapprochement avec l'univers de Batman, le voici à nouveau en mesure de nous offrir des planches qui suintent le dynamisme et le mouvement, bien qu'elle soient, d'une certaine manière, toujours aussi empreintes des qualités et des défauts de l'artiste. On remarque encore cette manie de flirter avec la caricature et de torcher les visages sans soin particulier (ici on dirait vraiment du Kick-Ass), mais c'est indéniablement musclé et assez tonique pour faire passer aux lecteurs d'agréables moments. En complément nous avons une back-up story en quatre parties qui se focalise sur le personnage de Duke Thomas, par ailleurs bien présent dans l'histoire principale. Que lui réserve Batman? Pas un vrai rôle de Robin, puisqu'il n'a de cesse de répéter que l'heure est venue d'essayer autre chose. Declan Shalvey et Jordie Bellaire font du beau travail, comme ils en ont l'habitude, et sont les artisans de ce qui pourrait être une nouvelle dynamique dans le quotidien des héros de Gotham. Un All-Star Batman qui sort l'artillerie lourde et flirte constamment avec l'overdose, une sorte de blockbuster surdopé qui n'envisage pas la crédibilité comme argument de vente, mais plutôt la surenchère et le spectacle permanent. Enjoy (ou pas).
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