J'avais treize ans et, ce matin-là, la nouvelle de la jeune morte a été pour moi comme une révélation. Ma maison, la maison de n’importe quel adolescent, n'était pas l'endroit le plus sûr au monde. Chez toi, on pouvait te tuer. L'horreur pourrait vivre sous ton toit.
Je ne savais pas qu’on pouvait tuer une femme seulement parce qu’elle est une femme.
La prise de conscience de la jeune Selva Almada l’a poussée à donner une voix à trois jeunes filles.
Maria Luisa, 15 ans.
Femme de ménage. Disparue le 8 décembre 1983. Retrouvée quelques jours plus tard dans un terrain vague. Violée et étranglée.Andrea Danne, 19 ans. Retrouvée le 16 novembre 1986, assassinée dans son lit, retrouvée avec un
poignard planté en plein cœurSarita Mundin, 20 ans. Disparue le 12 mars 1988.
Un an après sa disparition, on a remis un paquet d'os à sa mère (des os qui se sont avérés être ceux d'une autre fille). Sarita avait un petit garçon de 4 ans. Elle se prostituait pour gagner sa vie.Ces trois crimes, restés impunis, ont été perpétrés
en Argentine dans les années 1980.Selva Almada
adopte le docu-fiction pour aborder le féminicide. Le propos est percutant, le style bien tourné, mais la construction du roman m'a dérangée. Aucun dialogue, ici. Mais un jeu de voix dans lequel les souvenirs de la narratrice s'unissent pêle-mêle avec les témoignages de parents et les notes de dossier judiciaire. Au final, l'intrigue devient passablement difficile à suivre. N'empêche, ce roman fait partie de ceux qui sont nécessaires de lire afin d'ouvrir les yeux sur l'inacceptable.Les jeunes mortes, Selva Almada, trad. Laura Alcoba,Métailié, 144 pages, 2015.★★★★★