ATTENTION, CE BILLET CONCERNE LE QUATRIEME TOME D'UNE TETRALOGIE.
- Billet sur "le Château des millions d'années" (désormais disponible chez Pocket).
- Billet sur "le Marteau de Thor".
- Billet sur "Club Uranium".
C'est certainement l'une des séries d'imaginaire francophones les plus originales et passionnantes qui touche à sa fin. Je veux parler de la tétralogie "Origines", de Stéphane Przybylski, dont le dernier volet, "Le Crépuscule des dieux", vient de paraître en grand format aux éditions du Bélial. Une série qui mêle thriller historique, archéologie, nazisme, science-fiction, uchronie, super-héros pulp, conspirationnisme, réalisme fantastique, j'en passe et des meilleures. Ainsi présenté, on se demande si tout cela ne risque pas d'être indigeste, mais c'est tout le contraire. Le savoir-faire de Stéphane Przybylski, qui tient beaucoup dans l'atomisation de la narration, un peu comme on aère une crème en la battant très fort, c'est justement d'agréger tout cela pour obtenir un récit captivant. Mais, l'heure du dénouement a sonné et, forcément, on attaque cette lecture en se demandant où tout cela va nous mener...
2017, la veille de Noël. Sur une île des Canaries, la Gomera, un très vieil homme, malade et conscient que sa vie prendra bientôt fin, vient rencontrer une jeune femme. Qui sont-ils ? Je ne vous le dirai pas ici, car même si ce n'est pas un enjeu du roman, on se pose des questions sur leur identité, qui n'apparaît pas tout de suite...
Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que le vieil homme débarque en force, avec une escorte qui ne passe pas inaperçue dans la paisible ville de Valle Gran Rey. Je peux aussi vous dire que la jeune femme attendait, redoutait une visite de ce genre. La voir arriver ne la ravit pas du tout. Elle essaye même de s'ys soustraire, en vain : le vieil homme l'attend chez elle...
Passé le round d'observation, la jeune femme accepte de s'asseoir face au vieil homme. Entre eux, s'instaure un dialogue, car le vieillard n'est pas venu là pour confisquer la parole, mais pour combler les trous de son propre récit. A eux deux, au cours de cette nuit de la Nativité, ils vont reconstituer la dernière partie du récit extraordinaire dont ils gardent soigneusement le secret.
Une histoire qui ne reprend pas exactement où se terminait "Club Uranium". En effet, ce troisième tome laissait le lecteur sur un cliffhanger gigantesque que le premier chapitre (l'arrivée du vieil homme aux Canaries fait l'objet d'un prologue) va nous expliquer. Ainsi repart la machine romanesque, en retournant en arrière, du côté de Prague, au printemps 1942.
Petit à petit, également, les rôles des différents personnages que nous suivons depuis le début de ce cycle se mettent en place. Et en particulier, ceux qui ont rejoint ce fameux Club uranium. Ils viennent de tous les horizons, de tous les camps belligérants impliqués dans le deuxième conflit mondial et ils ont une mission qui semble bien définie : dominer le monde.
Rien de bien nouveau sous le soleil, me direz-vous, et c'est vrai, ils sont d'un commun, ces membres du Club Uranium ! Bon, si on se réfère à la citation en titre de ce billet, c'est déjà nettement plus original : saccager ce monde à bout de souffle. Pour en reconstruire un autre ensuite ? Ah... Ce ne sont sans doute pas eux qui décideront du sort de la planète Terre...
Mais leurs commanditaires, venus des confins de l'espace. Une civilisation extraterrestre qui observe notre monde depuis longtemps, l'a déjà colonisé sans que l'homme sans rende compte et prépare désormais la dernière étape de son plan. Allez cependant savoir pourquoi, est-ce le contact de notre douce humanité, voilà que des scissions apparaissent aussi entre aliens, et compliquent la donne.
Et Friedrich Saxhäuser, dans tout ça ?
Eh oui, je n'ai pas encore parlé de lui, alors qu'il est censé être le personnage central du cycle... Un peu à l'image de ce qui se passait dans "le Marteau de Thor", il apparaît assez tardivement dans ce dernier volet. Pourtant, en bon héros (même si c'est malgré lui), même lorsqu'il n'est pas là, on sent sa présence, et c'est comme s'il était assis à la même table que le vieil homme et la jeune femme...
Stéphane Przybylski ne le laisse pourtant pas tomber et lui fait franchir les dernières étapes qui le séparait de l'état de super-héros, tel que notre imaginaire le connaît. L'auteur en fait un héros solitaire dans un monde au bord de l'effondrement, lancé dans une quête de justice et de rédemption. C'est surtout la première fois que cet homme s'émancipe vraiment.
Depuis qu'on a fait sa connaissance dans "le Château des millions d'années", on le voit travaillé, tiraillé jusqu'au tréfonds de son être : entre sa loyauté et son amitié pour Adolf Hitler et son rejet de plus en plus fort des idées qu'il professe et des choix qu'il prend, le SS cherche une voie qui lui permette de sortir de ce casse-tête.
Ce sont les extraterrestres qui vont lui offrir un début de solution, en en faisant donc un être extraordinaire, mais là encore, ce baroudeur qu'on imaginait pas si naïf va comprendre qu'on s'est joué de lui. Et enfin, il va décider de jouer sa carte personnelle, d'agir en électron libre, seul contre tous (et tous, c'est terriens et aliens, autant dire qu'il sait que ses chances de réussir sont minimes)...
Ce dernier tome, c'est aussi le récit de cette lutte ultime menée par Friedrich Saxhäuser pour éviter le pire. Un récit qui reste incomplet, même pour ceux qui ont été directement impliqués dans cette histoire. Le destin de l'insaisissable Friedrich Saxhäuser se complète sous nos yeux, avec ce paradoxe terrible que jamais tout ce qu'il a accompli ne sera reconnu...
Cette dernière remarque nous amène à un des thèmes forts de ce dernier tome, et plus largement de ce cycle : le secret. "Noyer la vérité dans un torrent de fausses nouvelles ayant l'apparence des vraies. Pour que ces dernières, si d'aventure elles venaient à refaire surface, passent inaperçues aux yeux du grand public"...
Voilà comment sont définies les méthodes déployées depuis 70 ans pour que les événements qui nous sont contés dans la tétralogie restent confidentiels. Et ce, par tous les moyens à disposition... J'ai noté cette phrase, car, évidemment, à l'ère des "fake news" et des "alternative facts", des rumeurs dont internet fait ses choux gras, elle résonne particulièrement.
Depuis le début de cette série, c'est l'un des éléments passionnants, car Stéphane Przybylski joue en virtuose avec ces théories qui fleurissent depuis les années 1950 et les intègre avec brio dans son histoire, en fait des moments parfois importants de son histoire, place ses personnages sur les lieux marquants qui font frémir les ufologues...
C'est là encore une des grandes qualités de cette série : marier, en les mettant au même niveau, l'Histoire, avec son H majuscule, et des événements qu'on pourrait qualifier d'anecdotiques (quoi qu'on touche aussi à la période de la Guerre froide, ce qui n'est pas anodin) pour multiplier les rebondissements et les situations.
Cela explique aussi qu'on voyage énormément, c'est vrai dans l'ensemble du cycle, mais peut-être encore plus dans celui là, Amérique du Nord et du Sud, Europe, bien sûr, mais aussi Asie, du Proche-Orient à l'Himalaya... Des paysages grandioses, jamais choisis aux hasards mais bel et bien liés à tout ce que je viens d'évoquer, de près ou de loin.
J'ai aimé depuis le début ce jeu constant qui unit l'auteur à ses lecteurs, cette connivence qui permet au premier d'emmener les seconds là où il veut et d'en faire les témoins d'événements vu sous un angle différent de celui qu'on adopte habituellement. Le fameux "Et si... ?" qui fonde le principe de l'uchronie, mais aussi les théories du complot.
Vous le voyez, je n'entre pas forcément dans le coeur de l'histoire, et c'est normal : d'abord, c'est un quatrième tome, il faudrait risquer (et c'est peut-être déjà le cas, d'ailleurs) de laisser filtrer quelques éléments en cours de route. Et puis, ce qui empêche vraiment d'entrer dans les tripes du livre, c'est aussi cette narration très éclatée que j'ai évoquée en préambule.
Les chapitres sont composées de scènes souvent très brèves, sautent d'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre, d'un personnage à l'autre. Avec le fil conducteur inédit que représente la discussion entre le vieil homme et la jeune femme sur l'île de la Gomera. Sauf erreur de ma part, c'est une nouveauté dans ce cycle, en tout cas sous cette forme aussi statique.
Et l'autre nouveauté, c'est l'irruption dans le présent. Cette histoire s'achève, mais elle n'appartient pas au passé, elle demeure, perdure, nécessite qu'on agisse pour préserver le secret... Stéphane Przybylski instille le doute, laisse imaginer que... J'irai même plus loin, il entrouvre la porte à une possible nouvelle série, une sorte de spin-off, si je puis dire...
Un dernier mot sur le titre de ce dernier volet. Là encore, Stéphane Przybylski joue avec l'immense matériau qu'il a sous la main. Vous aurez reconnu le titre d'un opéra de Wagner, qui conclut lui aussi une tétralogie, "l'Anneau du Nibelung". La musique de Wagner est d'ailleurs présentes dans le roman, et une nouvelle fois, le jeu : trois occurrences, trois moments clés de l'opéra, sont évoqués...
Toujours ce double niveau, où les références choisies par l'auteur s'incorporent au récit de fiction pour le nourrir, l'alimenter, et d'ajouter à tout le corpus déjà évoquer ces grands mythes germaniques, un imaginaire très riche, hélas dévoyé de la façon que l'on connaît par le nazisme. Goethe, les frères Grimm, entre autres, ne sont jamais bien loin.
Alors, bien sûr, comme tout dénouement, celui de la tétralogie "Origines" sera sujet à discussions enflammées, à désaccords : fallait-il finir ainsi ? Pouvait-on envisager les choses autrement ? De mon point de vue, ce final conserve la cohérence de l'ensemble, en laissant tous les éléments forts encore valides, sans que l'un n'écrase les autres, mais tout en jouant avec le côté complotiste et parano de son projet.
Difficile de donner un avis argumenté sans trop en dire (en l'occurrence, sans explique que ça ne se termine pas comme ça), je ne vais donc pas clore le débat dans ce billet. A chacun de se faire une idée, pour ma part, cette tétralogie m'a captivé de son début à sa fin, par son originalité, sa vivacité, sa galerie de personnages troubles, ambigus, pouvant franchir à tout moment la ligne séparant le bien du mal...
Dans l'imaginaire français, un projet aussi ambitieux que "Origines" est à vanter (comme d'autres, en SF comme en fantasy) et c'est une nouvelle occasion de saluer la vitalité de ces littératures de genre qu'on décrie si souvent. Si vous en avez la possibilité, allez discuter avec Stéphane Przybylski, demandez-lui de vous raconter la préparation digne des travaux d'Hercule qu'il s'est imposé pour écrire ces quatre tomes. C'est aussi fascinant que le résultat !
Et puisque je parle de vitalité de l'imaginaire français, de mise en valeur, je vais conclure ce billet en délaissant "le Crépuscule des dieux" et en parlant d'une initiative lancée conjointement par plusieurs maisons d'éditions indépendantes, spécialisées dans les genres de l'imaginaire, qu'ils ont sobrement appelée "le mois de l'imaginaire".
Pour en savoir plus, je vous renvoie à l'article publié par le site Actualitté sur le sujet et je finis avec le logo de cette manifestation qui a pour but, durant tout ce mois d'octobre, de permettre à la SF, à la fantasy, au fantastique, à tous les sous-genre que cela chapeaute, de gagner en visibilité dans les médias ou en librairie. Qu'on se le dise et n'hésitez pas, vous aussi, à en parler !
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C'est certainement l'une des séries d'imaginaire francophones les plus originales et passionnantes qui touche à sa fin. Je veux parler de la tétralogie "Origines", de Stéphane Przybylski, dont le dernier volet, "Le Crépuscule des dieux", vient de paraître en grand format aux éditions du Bélial. Une série qui mêle thriller historique, archéologie, nazisme, science-fiction, uchronie, super-héros pulp, conspirationnisme, réalisme fantastique, j'en passe et des meilleures. Ainsi présenté, on se demande si tout cela ne risque pas d'être indigeste, mais c'est tout le contraire. Le savoir-faire de Stéphane Przybylski, qui tient beaucoup dans l'atomisation de la narration, un peu comme on aère une crème en la battant très fort, c'est justement d'agréger tout cela pour obtenir un récit captivant. Mais, l'heure du dénouement a sonné et, forcément, on attaque cette lecture en se demandant où tout cela va nous mener...
2017, la veille de Noël. Sur une île des Canaries, la Gomera, un très vieil homme, malade et conscient que sa vie prendra bientôt fin, vient rencontrer une jeune femme. Qui sont-ils ? Je ne vous le dirai pas ici, car même si ce n'est pas un enjeu du roman, on se pose des questions sur leur identité, qui n'apparaît pas tout de suite...
Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que le vieil homme débarque en force, avec une escorte qui ne passe pas inaperçue dans la paisible ville de Valle Gran Rey. Je peux aussi vous dire que la jeune femme attendait, redoutait une visite de ce genre. La voir arriver ne la ravit pas du tout. Elle essaye même de s'ys soustraire, en vain : le vieil homme l'attend chez elle...
Passé le round d'observation, la jeune femme accepte de s'asseoir face au vieil homme. Entre eux, s'instaure un dialogue, car le vieillard n'est pas venu là pour confisquer la parole, mais pour combler les trous de son propre récit. A eux deux, au cours de cette nuit de la Nativité, ils vont reconstituer la dernière partie du récit extraordinaire dont ils gardent soigneusement le secret.
Une histoire qui ne reprend pas exactement où se terminait "Club Uranium". En effet, ce troisième tome laissait le lecteur sur un cliffhanger gigantesque que le premier chapitre (l'arrivée du vieil homme aux Canaries fait l'objet d'un prologue) va nous expliquer. Ainsi repart la machine romanesque, en retournant en arrière, du côté de Prague, au printemps 1942.
Petit à petit, également, les rôles des différents personnages que nous suivons depuis le début de ce cycle se mettent en place. Et en particulier, ceux qui ont rejoint ce fameux Club uranium. Ils viennent de tous les horizons, de tous les camps belligérants impliqués dans le deuxième conflit mondial et ils ont une mission qui semble bien définie : dominer le monde.
Rien de bien nouveau sous le soleil, me direz-vous, et c'est vrai, ils sont d'un commun, ces membres du Club Uranium ! Bon, si on se réfère à la citation en titre de ce billet, c'est déjà nettement plus original : saccager ce monde à bout de souffle. Pour en reconstruire un autre ensuite ? Ah... Ce ne sont sans doute pas eux qui décideront du sort de la planète Terre...
Mais leurs commanditaires, venus des confins de l'espace. Une civilisation extraterrestre qui observe notre monde depuis longtemps, l'a déjà colonisé sans que l'homme sans rende compte et prépare désormais la dernière étape de son plan. Allez cependant savoir pourquoi, est-ce le contact de notre douce humanité, voilà que des scissions apparaissent aussi entre aliens, et compliquent la donne.
Et Friedrich Saxhäuser, dans tout ça ?
Eh oui, je n'ai pas encore parlé de lui, alors qu'il est censé être le personnage central du cycle... Un peu à l'image de ce qui se passait dans "le Marteau de Thor", il apparaît assez tardivement dans ce dernier volet. Pourtant, en bon héros (même si c'est malgré lui), même lorsqu'il n'est pas là, on sent sa présence, et c'est comme s'il était assis à la même table que le vieil homme et la jeune femme...
Stéphane Przybylski ne le laisse pourtant pas tomber et lui fait franchir les dernières étapes qui le séparait de l'état de super-héros, tel que notre imaginaire le connaît. L'auteur en fait un héros solitaire dans un monde au bord de l'effondrement, lancé dans une quête de justice et de rédemption. C'est surtout la première fois que cet homme s'émancipe vraiment.
Depuis qu'on a fait sa connaissance dans "le Château des millions d'années", on le voit travaillé, tiraillé jusqu'au tréfonds de son être : entre sa loyauté et son amitié pour Adolf Hitler et son rejet de plus en plus fort des idées qu'il professe et des choix qu'il prend, le SS cherche une voie qui lui permette de sortir de ce casse-tête.
Ce sont les extraterrestres qui vont lui offrir un début de solution, en en faisant donc un être extraordinaire, mais là encore, ce baroudeur qu'on imaginait pas si naïf va comprendre qu'on s'est joué de lui. Et enfin, il va décider de jouer sa carte personnelle, d'agir en électron libre, seul contre tous (et tous, c'est terriens et aliens, autant dire qu'il sait que ses chances de réussir sont minimes)...
Ce dernier tome, c'est aussi le récit de cette lutte ultime menée par Friedrich Saxhäuser pour éviter le pire. Un récit qui reste incomplet, même pour ceux qui ont été directement impliqués dans cette histoire. Le destin de l'insaisissable Friedrich Saxhäuser se complète sous nos yeux, avec ce paradoxe terrible que jamais tout ce qu'il a accompli ne sera reconnu...
Cette dernière remarque nous amène à un des thèmes forts de ce dernier tome, et plus largement de ce cycle : le secret. "Noyer la vérité dans un torrent de fausses nouvelles ayant l'apparence des vraies. Pour que ces dernières, si d'aventure elles venaient à refaire surface, passent inaperçues aux yeux du grand public"...
Voilà comment sont définies les méthodes déployées depuis 70 ans pour que les événements qui nous sont contés dans la tétralogie restent confidentiels. Et ce, par tous les moyens à disposition... J'ai noté cette phrase, car, évidemment, à l'ère des "fake news" et des "alternative facts", des rumeurs dont internet fait ses choux gras, elle résonne particulièrement.
Depuis le début de cette série, c'est l'un des éléments passionnants, car Stéphane Przybylski joue en virtuose avec ces théories qui fleurissent depuis les années 1950 et les intègre avec brio dans son histoire, en fait des moments parfois importants de son histoire, place ses personnages sur les lieux marquants qui font frémir les ufologues...
C'est là encore une des grandes qualités de cette série : marier, en les mettant au même niveau, l'Histoire, avec son H majuscule, et des événements qu'on pourrait qualifier d'anecdotiques (quoi qu'on touche aussi à la période de la Guerre froide, ce qui n'est pas anodin) pour multiplier les rebondissements et les situations.
Cela explique aussi qu'on voyage énormément, c'est vrai dans l'ensemble du cycle, mais peut-être encore plus dans celui là, Amérique du Nord et du Sud, Europe, bien sûr, mais aussi Asie, du Proche-Orient à l'Himalaya... Des paysages grandioses, jamais choisis aux hasards mais bel et bien liés à tout ce que je viens d'évoquer, de près ou de loin.
J'ai aimé depuis le début ce jeu constant qui unit l'auteur à ses lecteurs, cette connivence qui permet au premier d'emmener les seconds là où il veut et d'en faire les témoins d'événements vu sous un angle différent de celui qu'on adopte habituellement. Le fameux "Et si... ?" qui fonde le principe de l'uchronie, mais aussi les théories du complot.
Vous le voyez, je n'entre pas forcément dans le coeur de l'histoire, et c'est normal : d'abord, c'est un quatrième tome, il faudrait risquer (et c'est peut-être déjà le cas, d'ailleurs) de laisser filtrer quelques éléments en cours de route. Et puis, ce qui empêche vraiment d'entrer dans les tripes du livre, c'est aussi cette narration très éclatée que j'ai évoquée en préambule.
Les chapitres sont composées de scènes souvent très brèves, sautent d'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre, d'un personnage à l'autre. Avec le fil conducteur inédit que représente la discussion entre le vieil homme et la jeune femme sur l'île de la Gomera. Sauf erreur de ma part, c'est une nouveauté dans ce cycle, en tout cas sous cette forme aussi statique.
Et l'autre nouveauté, c'est l'irruption dans le présent. Cette histoire s'achève, mais elle n'appartient pas au passé, elle demeure, perdure, nécessite qu'on agisse pour préserver le secret... Stéphane Przybylski instille le doute, laisse imaginer que... J'irai même plus loin, il entrouvre la porte à une possible nouvelle série, une sorte de spin-off, si je puis dire...
Un dernier mot sur le titre de ce dernier volet. Là encore, Stéphane Przybylski joue avec l'immense matériau qu'il a sous la main. Vous aurez reconnu le titre d'un opéra de Wagner, qui conclut lui aussi une tétralogie, "l'Anneau du Nibelung". La musique de Wagner est d'ailleurs présentes dans le roman, et une nouvelle fois, le jeu : trois occurrences, trois moments clés de l'opéra, sont évoqués...
Toujours ce double niveau, où les références choisies par l'auteur s'incorporent au récit de fiction pour le nourrir, l'alimenter, et d'ajouter à tout le corpus déjà évoquer ces grands mythes germaniques, un imaginaire très riche, hélas dévoyé de la façon que l'on connaît par le nazisme. Goethe, les frères Grimm, entre autres, ne sont jamais bien loin.
Alors, bien sûr, comme tout dénouement, celui de la tétralogie "Origines" sera sujet à discussions enflammées, à désaccords : fallait-il finir ainsi ? Pouvait-on envisager les choses autrement ? De mon point de vue, ce final conserve la cohérence de l'ensemble, en laissant tous les éléments forts encore valides, sans que l'un n'écrase les autres, mais tout en jouant avec le côté complotiste et parano de son projet.
Difficile de donner un avis argumenté sans trop en dire (en l'occurrence, sans explique que ça ne se termine pas comme ça), je ne vais donc pas clore le débat dans ce billet. A chacun de se faire une idée, pour ma part, cette tétralogie m'a captivé de son début à sa fin, par son originalité, sa vivacité, sa galerie de personnages troubles, ambigus, pouvant franchir à tout moment la ligne séparant le bien du mal...
Dans l'imaginaire français, un projet aussi ambitieux que "Origines" est à vanter (comme d'autres, en SF comme en fantasy) et c'est une nouvelle occasion de saluer la vitalité de ces littératures de genre qu'on décrie si souvent. Si vous en avez la possibilité, allez discuter avec Stéphane Przybylski, demandez-lui de vous raconter la préparation digne des travaux d'Hercule qu'il s'est imposé pour écrire ces quatre tomes. C'est aussi fascinant que le résultat !
Et puisque je parle de vitalité de l'imaginaire français, de mise en valeur, je vais conclure ce billet en délaissant "le Crépuscule des dieux" et en parlant d'une initiative lancée conjointement par plusieurs maisons d'éditions indépendantes, spécialisées dans les genres de l'imaginaire, qu'ils ont sobrement appelée "le mois de l'imaginaire".
Pour en savoir plus, je vous renvoie à l'article publié par le site Actualitté sur le sujet et je finis avec le logo de cette manifestation qui a pour but, durant tout ce mois d'octobre, de permettre à la SF, à la fantasy, au fantastique, à tous les sous-genre que cela chapeaute, de gagner en visibilité dans les médias ou en librairie. Qu'on se le dise et n'hésitez pas, vous aussi, à en parler !
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