Lucas vit seul à la frontière d’un pays au régime totalitaire. Frontière que seul son frère jumeau semble avoir réussi à franchir. Son père est mort en échouant, sa mère est morte en couches en même temps que sa petite soeur, ses grands-parents ont été exécutés comme tant d’autres… Seul, on le dit fou et on le laisse tranquille.
Ce livre raconte la vie de Lucas, du jeune homme solitaire à l’âge mûr, au gré de ses rencontres. Il y a d’abord Yasmine et son fils Mathias qu’il recueille, puis Clara la veuve dont il fait sa maîtresse, Victor le libraire alcoolique qui rêve d’écrire un livre, Peter le cadre du parti homosexuel… Autant de portraits d’hommes et de femmes meurtris dans leur chair ou leur âme, autant d’histoires tristes, de vies brisées , de solitudes que Lucas semble apaiser…
Et puis il y a l’attente, celle de Claus, le jumeau qui aurait réussi à quitter le pays, auquel Lucas écrit sa vie dans un grand cahier, et qu’il attend, indéfiniment.
Mais si tout cela n’était qu’un leurre ?
Avec cette écriture que je qualifierai toujours d’étrangement détachée, Agota Kristof brosse encore une fois le portrait de la dictature dans ce qu’il a d’universel et de destructeur pour l’individu. On se laisse porter par l’histoire, la fresque, pour mieux tomber des nues à la fin, et hésiter entre affabulation, conte, schizophrénie, folie ou choc psycho-traumatique. Chacun imaginera ce qu’il voudra, chacun y trouvera ce qu’il souhaite.
Un court roman qui ne m’a pas laissée indifférente, de même que L’ analphabète que j’avais lu précédemment.
Agota Kristof est née en 1935 en Hongrie. Emigrée en Suisse en 1956, elle a écrit toute son oeuvre en français.
La preuve est disponible en édition de poche dans la collection Points des éditions du Seuil, parue en 1999 (6,50€).
Morceau choisi :
« Je suis convaincu, Lucas, que tout être humain est né pour écrire un livre, et pour rien d’autre. Un livre génial ou un livre médiocre, peu importe, mais celui qui n’écrira rien est un être perdu, il n’a fait que passer sur terre sans laisser de trace. »
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Classé dans:Romans adultes Tagged: Littérature hongroise, Points, Seuil