Largo Winch tome 21: L’étoile du matin (Philippe Francq – Eric Giacometti – Editions Dupuis)
On le sait depuis 25 ans: la vie du milliardaire Largo Winch n’a rien d’un long fleuve tranquille. Elle ne l’a jamais été, mais on peut dire que ça ne s’arrange pas dans « L’étoile du matin ». De Saint-Pétersbourg au Yucatan en passant par New York, les éléments semblent se liguer contre lui. On peut même parler d’un véritable complot. D’un côté, il y a un mystérieux homme d’affaires russe, dont on ne voit jamais le visage (un peu comme les méchants dans James Bond), mais qui semble prêt à tout pour nuire à Largo… quitte à y perdre toute sa fortune! De l’autre côté, il y a un groupe d’altermondialistes plutôt agressifs, pour lesquels Largo Winch représente l’archétype du méchant capitaliste. Bien décidés à marquer les esprits, ils profitent de la présence de celui-ci au forum de Talos, une conférence qui réunit les puissants de ce monde, pour le piéger et salir son image sur les réseaux sociaux. Dans le même temps, un « flash krach » agite la bourse de Wall Street. Pendant quelques minutes, toutes les valeurs du Dow Jones plongent de manière vertigineuse, entraînant une perte de plus de 1.000 milliards de dollars, avant de remonter tout aussi rapidement vers leur niveau d’avant le krach. Autant dire que ça pue le coup spéculatif à plein nez. D’ailleurs, après une rapide enquête, les autorités boursières et le FBI ne tardent pas à pointer du doigt la responsable. Selon eux, il s’agit d’une certaine Mary Striker. Le hic, c’est que cette dernière est une tradeuse… pour le Groupe Winch. Du coup, Largo risque non seulement de perdre sa réputation, mais aussi et surtout le contrôle sur son groupe de sociétés. Pas facile tous les jours d’être un milliardaire!
« L’Etoile du matin » est un album événement. Pas vraiment parce qu’il s’agit du 21ème épisode de « Largo Winch », mais surtout parce que c’est le premier album de la série à ne plus être scénarisé par Jean Van Hamme. Après le départ surprise de ce dernier, qui avait laissé le dessinateur Philippe Francq un peu pantois, c’est le romancier Eric Giacometti qui prend la (difficile) relève. Un choix plutôt étonnant dans la mesure où Giacometti n’a que peu d’expérience dans la bande dessinée, mais qui paraît plutôt logique lorsqu’on sait qu’il a été journaliste économique pendant plusieurs années. Sans oublier qu’il sait comment raconter une bonne histoire. La preuve: sa série de thrillers autour du personnage d’Antoine Marcas s’est vendue à ce jour à plus de deux millions d’exemplaires et a été traduite dans 18 pays. A la lecture de « L’étoile du matin », il faut bien admettre qu’Eric Giacometti s’en sort plutôt pas mal. Le secret de cette réussite? Un mélange de vieilles et de nouvelles recettes. D’un côté, « L’étoile du matin » revient aux fondamentaux de la série. Giacometti signe une histoire très financière et y ajoute une bonne dose d’action, comme à la meilleure époque de Jean Van Hamme. Mais à côté de ça, le nouveau scénariste donne aussi un ton beaucoup plus moderne et contemporain à son histoire, en abordant notamment la question des ordres boursiers réalisés par des algorithmes informatiques ou en donnant un plus grand rôle aux médias sociaux. Du coup, le pauvre Largo paraît parfois un peu dépassé par les événements. « Il s’agit toujours du même Largo, la seule différence tient à son intégration dans l’époque contemporaine et à son positionnement dans une société qui ne cesse d’évoluer », explique Eric Giacometti. « Aujourd’hui, on ne peut pas être un milliardaire au grand coeur, ça ne passe plus. Les temps ont changé. » En résumé, « L’étoile du matin » redonne un coup de jeune à la série, tout en ne désarçonnant pas les fidèles de la première heure. Mission accomplie!
Découvrez l’interview de Philippe Francq et Eric Giacometti dans l’émission « Drugstore Digital » sur Pure en cliquant sur l’image ci-dessous: