Il est bon de connaitre ces points de la biographie de Kamel Daoud car bon nombre se retrouvent dans le personnage de Zabor, son héros et alter-ego.
Orphelin de mère et rejeté par son père, Zabor est élevé par sa tante et son grand-père. Très jeune il se sentira un étranger dans son Aboukir natal, un petit village aux portes du désert, toujours en marge des usages, grandissant en solitaire. Non circoncis comme ses petits camarades, abandonnant l’école coranique et la religion, sa famille le renie et les villageois le regardent d’un œil circonspect, lui le fils du boucher, notable local. Heureusement pour lui, Zabor va découvrir les livres, la lecture et plus encore, il réalisera qu’il possède un don inouï, par l’écriture il peut repousser l’échéance de la mort. Un jour, l’un de ses demi-frères vient frapper à sa porte à contrecœur, leur père est mourant et seul Zabor peut le sauver… mais lui, le veut-il ?
Le roman déborde de thèmes passionnants outre cette idée géniale et centrale, être capable de défier la mort par le biais de l’écriture. Ecriture découlant de ses lectures ayant forgé son imagination comme on forge une armure, une vie intérieure le protégeant de la vie extérieure, celle dans laquelle voudrait l’enfermer son milieu.
Zabor est donc un résistant, un symbole pour l’écrivain. Celui qui se libère de la bigoterie, de la religion et de « son Livre sacré, récité sans cesse pour exorciser l’angoisse », celui pour qui la place de la femme dans la société algérienne et musulmane en général, n’est pas celle qu’on l’oblige à tenir, celui pour qui le sexe et le corps ne sont pas le mal.
Il est aussi question de livres, des lectures disparates de Zabor au hasard des bouquins qu’il trouve (Robinson Crusoe, Les Contes des Mille et Une Nuits…), d’écriture et de calligraphie arabe, de son apprentissage de la langue française, « elle était la preuve qu’on avait fait un grand voyage même si on n’avait jamais quitté Aboukir » ou encore du colonialisme récent.