Sauver les meubles est le premier roman de Céline Zufferey, jeune auteur de 25 ans diplômée en littérature et anthropologie sociale.
Libres pensées...
Le narrateur est photographe, contraint d'accepter un job alimentaire dans une entreprise qui commercialise des meubles. Il y observe les codes d'un monde du travail où la vacuité des relations et le poids des apparences sont écrasants, mais fait la rencontre de Nathalie, avec laquelle se noue bientôt une romance. En parallèle, il accepte de prendre part au projet d'un de ses amis, qui envisage de créer un site pornographique esthétique. Bientôt, le narrateur se retrouve tiraillé entre ces deux activités, ces deux vies, ces deux identités entre lesquelles il partage son temps, tandis que la photographie des meubles lui est de plus en plus insupportable.
Sauver les meubles est, à mon sens, un bon premier roman.
D'abord, parce qu'il répond à un critère essentiel à mes yeux, et que vous connaissez bien : il est ancré dans l'époque actuelle, et en offre à la fois un témoignage et une lecture intéressants.
L'auteur décrit en effet le déchirement que beaucoup peuvent rencontrer en particulier durant la première partie de leur vie active, entre, d'une part, des ambitions et un désir de sens, et d'autre part, des contraintes qui les conduisent à accepter une activité inintéressante, peu gratifiante (si ce n'est, dans une certaine mesure, financièrement), voire aliénante et débilitante.
La parenthèse offerte par le sexe et l'amour est également présente, au travers de l'histoire qui se déroule avec Nathalie, qui s'avère à certains égards décevante (le narrateur n'ose pas lui parler de sa "deuxième vie", qui lui apporte cependant bien plus de satisfaction que la "première", de façade), mais constitue néanmoins un repère, et à laquelle il est possible de se raccrocher lorsque tout s'effondre autour - la tendresse est ce qui reste.
Si les tribulations rapportées sont principalement celles du narrateur, dont on perçoit l'égarement croissant (les paragraphes de dialogues imaginés se multiplient au fur et à mesure de la lecture), mais les personnages secondaires contribuent néanmoins à l'ambiance de malaise qui règne en particulier dans l'entreprise, à l'instar de l'Assistant, ou de Miss KitKat, cette petite fille un peu énigmatique plongée jeune dans un environnement impitoyable.
Sauver les meubles offre donc une entrée réussie à l'auteur sur la scène littéraire (qui ne lui était pas inconnue, car elle explique volontiers qu'elle écrit depuis son plus jeune âge et a déjà remporté plusieurs concours de nouvelles), et un moment de réflexion au lecteur, autour de l'oppression que peut parfois représenter le monde du travail.
Pour vous si...
Morceaux choisis
"Le corps de Brunette, à genoux.
Sa poitrine enserrée par une corde.
Je me la rappelle rouge. Elle apparaît noire.
Ses seins gonflés, engourdis.
On devine ses bras attachés derrière le dos.
Le cadrage lui coupe la tête."
"Je suis le lavabo qui fuit.
Le frigo qui rongle.
Je suis la chaise branlante.
La tache qu'on n'arrive plus à ravoir.
La plante qu'on n'arrose plus.
Le bibelot qui prend la poussière.
Les plaques indécrassables.
Le tiroir qui coince."
"_Courage. Je suis là si tu as besoin, d'accord?
Il attrape ma nuque d'une main, faire fraternel, sûrement un geste qu'il a vu dans un film américain. Un jour, je lui en mettrai une. Quelqu'un doit le faire."
Note finale3/5(cool)
Libres pensées...
Le narrateur est photographe, contraint d'accepter un job alimentaire dans une entreprise qui commercialise des meubles. Il y observe les codes d'un monde du travail où la vacuité des relations et le poids des apparences sont écrasants, mais fait la rencontre de Nathalie, avec laquelle se noue bientôt une romance. En parallèle, il accepte de prendre part au projet d'un de ses amis, qui envisage de créer un site pornographique esthétique. Bientôt, le narrateur se retrouve tiraillé entre ces deux activités, ces deux vies, ces deux identités entre lesquelles il partage son temps, tandis que la photographie des meubles lui est de plus en plus insupportable.
Sauver les meubles est, à mon sens, un bon premier roman.
D'abord, parce qu'il répond à un critère essentiel à mes yeux, et que vous connaissez bien : il est ancré dans l'époque actuelle, et en offre à la fois un témoignage et une lecture intéressants.
L'auteur décrit en effet le déchirement que beaucoup peuvent rencontrer en particulier durant la première partie de leur vie active, entre, d'une part, des ambitions et un désir de sens, et d'autre part, des contraintes qui les conduisent à accepter une activité inintéressante, peu gratifiante (si ce n'est, dans une certaine mesure, financièrement), voire aliénante et débilitante.
La parenthèse offerte par le sexe et l'amour est également présente, au travers de l'histoire qui se déroule avec Nathalie, qui s'avère à certains égards décevante (le narrateur n'ose pas lui parler de sa "deuxième vie", qui lui apporte cependant bien plus de satisfaction que la "première", de façade), mais constitue néanmoins un repère, et à laquelle il est possible de se raccrocher lorsque tout s'effondre autour - la tendresse est ce qui reste.
Si les tribulations rapportées sont principalement celles du narrateur, dont on perçoit l'égarement croissant (les paragraphes de dialogues imaginés se multiplient au fur et à mesure de la lecture), mais les personnages secondaires contribuent néanmoins à l'ambiance de malaise qui règne en particulier dans l'entreprise, à l'instar de l'Assistant, ou de Miss KitKat, cette petite fille un peu énigmatique plongée jeune dans un environnement impitoyable.
Sauver les meubles offre donc une entrée réussie à l'auteur sur la scène littéraire (qui ne lui était pas inconnue, car elle explique volontiers qu'elle écrit depuis son plus jeune âge et a déjà remporté plusieurs concours de nouvelles), et un moment de réflexion au lecteur, autour de l'oppression que peut parfois représenter le monde du travail.
Pour vous si...
- Vous avez vous aussi un projet transgressif en gestation, et ne savez pas comment l'annoncer à votre entourage
- Le monde merveilleux d'Ikea/Conforama/Alinea vous attire particulièrement
Morceaux choisis
"Le corps de Brunette, à genoux.
Sa poitrine enserrée par une corde.
Je me la rappelle rouge. Elle apparaît noire.
Ses seins gonflés, engourdis.
On devine ses bras attachés derrière le dos.
Le cadrage lui coupe la tête."
"Je suis le lavabo qui fuit.
Le frigo qui rongle.
Je suis la chaise branlante.
La tache qu'on n'arrive plus à ravoir.
La plante qu'on n'arrose plus.
Le bibelot qui prend la poussière.
Les plaques indécrassables.
Le tiroir qui coince."
"_Courage. Je suis là si tu as besoin, d'accord?
Il attrape ma nuque d'une main, faire fraternel, sûrement un geste qu'il a vu dans un film américain. Un jour, je lui en mettrai une. Quelqu'un doit le faire."
Note finale3/5(cool)