Une partie rouge · Maggie Nelson

Une partie rouge · Maggie Nelson
Maggie Nelson est une redoutable conteuse. Je me suis laissée prendre dans les filets de son enquête. Je l’ai suivie, sans en perdre un mot, dans les méandres de son questionnement.Une partie rouge · Maggie NelsonJane Mixer, vingt-trois ans, étudie le droit à l'Université du Michigan. En mars 1969, elle cherche à faire du covoiturage pour aller passer les vacances dans sa famille. Elle n’est jamais arrivée à bon port. Jane Mixer a été retrouvée morte dans un cimetière, avec deux balles dans la tête. L’enquête a vite été classée.

Jane Mixer était la tante de Maggie Nelson. Maggie ne l’a jamais connue. N’empêche, cette tante l’a toujours fascinée, voire hantée. En 2004, Maggie se prépare à publier Jane: A Murder, un recueil de poésie, de coupures de journaux et de prose portant sur le meurtre de sa tante. Dans la même période, elle reçoit un appel de sa mère lui apprenant que l’enquête est rouverte trente-cinq ans après le crime. Un suspect est détenu: un infirmier à la retraite du Michigan.

Mère et fille laissent tout en plan pour assister au procès. Elles passent leurs journées dans une salle d'audience de Ann Arbor. Entourées d’autres membres de la famille, elles écoutent les témoignages, regardent des photos de la scène de crime, voient les parents du condamné. Ensemble, elles attendent le verdict.

Une partie rouge · Maggie NelsonMa part d’ombre, de James Ellroy accompagne la jeune Américaine. «À la fois sinistre et captivant, le livre traite du meurtre de la mère d’Ellroy, en 1958, et de l’obsession de l’écrivain, à la fois sexuelle et littéraire, pour les femmes découpées vives.» En décortiquant le bouquin d’Ellroy, Maggie Nelson établit plusieurs parallèles entre les deux meurtres.

Maggie Nelson entremêle les données de l’enquête judiciaire avec sa propre vie. Le passé resurgit et le présent, minutieusement fouillé. Elle détaille sa relation avec ses parents, les frasques de sa sœur rebelle, la mort subite de son père, son futur ex-copain junkie et la perte de son amant. Le portrait de sa mère, une femme forte, enseignante de littérature, qui «a lu tous les romans de la terre», m'a fascinée. J’ai eu autant de plaisir à découvrir son père et sa sœur.

Du récit clinique du meurtre de Jane, des répercussions qu'il a eu sur la famille Nelson et du présent de Maggie, émergent une réflexion sur l’identité, la misogynie, la violence, la mort et les relations familiales. Aucun effet de sensationnalisme, ici. Du voyeurisme, certes, mais sain, dans la mesure où il porte en lui un questionnement sur le sens et la portée d’une vie. Un récit-mémoire fascinant et habilement mené, au style limpide rempli d’éclat.Une belle découverte recommandée par Maud, ma gourou libraire.Une partie rouge, Maggie Nelson, trad. Julia Deck, éd. du Sous-Sol, 224 pages, 2017.