Sur toutes les ondes, sur toutes les chaînes, dans tous les journaux… le nouvel Astérix vient de sortir et les chiffres donnent le vertige. Des millions d’exemplaires. Des albums qui mis bout à bout pourraient faire deux fois le tour de la Terre. Ou remplir X piscines olympiques. Ou l’équivalent de X stades de foot. La BD cartonne, la BD rapporte, la BD vend du rêve.
Toute la BD ?
Non. Et il ne s’agit pas d’une poignée d’irréductibles auteurs qui résistent encore à la hausse de leurs revenus mais bien la très grande majorité d’entre eux qui voient leur pouvoir d’achat diminuer de jour en jour… Et c’est malheureusement loin d’être fini !
La cause ? La hausse de la Contribution Sociale Généralisée (CSG).
Bien sûr, le Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2018 prévoit de compenser cette dernière par une diminution des cotisations d’assurance maladie et d’assurance chômage. Mais cette fameuse baisse de ces cotisations d’assurance ne peut que concerner ceux qui en bénéficient ; d’où la grogne des retraités mais aussi de toute une catégorie d’actifs (compositeurs, scénaristes, photographes, écrivains, peintres, dessinateurs, traducteurs,…) qui vivent principalement des droits d’auteurs ou des ventes de leurs œuvres. Leur pouvoir d’achat diminuera d’au moins 1%, un chiffre qui peut paraître dérisoire mais quand il concerne une personne n’arrivant pas à boucler le mois ou avec de grandes difficultés, le résultat peut être catastrophique.
Françoise Nyssen, ministre de la Culture, a été interpellée par une lettre ouverte signée par près de 35 organisations d’auteurs. Cette dernière a également été adressée au ministère des Affaires Sociales et à la Présidence de la République. Nous la reproduisons ici dans son intégralité :
« Madame la Ministre
Le Projet de Loi de Finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 prévoit une hausse de 1,7 % de la cotisation sociale généralisée (CSG) à compter du 1er janvier prochain. Cette augmentation importante de la CSG est toutefois compensée dès 2018 pour les salariés par une diminution des cotisations sociales de l’ordre de 3,15 % (0,75 % au titre de la cotisation maladie et 2,40 % au titre de la cotisation chômage).
Ces deux mesures du PLFSS 2018 doivent ainsi permettre d’améliorer de 7 milliards d’euros le pouvoir d’achat de l’ensemble des actifs, les salariés comme la majorité des travailleurs indépendants qui relèvent du RSI, des mesures de compensation étant par ailleurs prévues pour les fonctionnaires.
Mais il semble que, pour l’ensemble des artistes-auteurs, qui sont eux aussi des actifs, et dont pour nombre d’entre eux les rémunérations professionnelles (droits d’auteurs, ventes d’œuvres) représentent la totalité ou l’essentiel de leurs revenus, aucune compensation ne soit aujourd’hui prévue. Ils seraient donc les seuls actifs pour qui cette mesure aboutirait à une perte sèche importante de leur pouvoir d’achat. Cette discrimination serait incompréhensible et extrêmement préjudiciable à l’ensemble de la création en France.
Pourquoi le Gouvernement déciderait-il d’augmenter le pouvoir d’achat de tous les actifs, à l’exception des seuls artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques (article L. 382-1 et suivants du code de la sécurité sociale) ?
En effet, les quelque 260 000 auteurs et artistes de l’AGESSA et de la MDA-sécurité sociale ne cotisent pas à l’assurance chômage, qui ne fait pas partie de leur couverture sociale. Si pour eux aucune compensation à la hausse de la CSG n’était prévue, ils subiraient une perte de leur pouvoir d’achat de 1,7 % et, quand bien même, comme nous le supposons, ils bénéficieraient de la baisse de la cotisation d’assurance maladie de 0,75 %, ils accuseraient a minima une perte de gain de 0,95 % tandis que les salariés, eux, disposeront au contraire d’une augmentation de leur pouvoir d’achat de 1,45 %.
Nous vous rappelons par ailleurs que les artistes-auteurs ont connu ces dernières années une hausse continue et importante des prélèvements obligatoires qu’ils supportent seuls, dans un contexte économique particulièrement difficile pour eux. Des enquêtes récentes menées sur leurs revenus par le Gouvernement attestent en effet de la précarité grandissante de leur situation. Le Président de la République a lui-même souligné dans son discours sur l’Europe du 26 septembre 2017, combien il est crucial de « défendre la juste rémunération de l’ensemble des auteurs (…) », condition sine qua non « de la dignité de l’Europe, de sa capacité à exister ».
Nous souhaitons, de toute urgence, être consultés sur les différentes mesures qui doivent au plus vite être envisagées par le Gouvernement pour préserver et améliorer les revenus des auteurs et artistes, qu’ils soient écrivains, traducteurs, auteurs de bandes dessinées, illustrateurs, plasticiens, peintres, sculpteurs, dessinateurs, photographes, graphistes, designers, auteurs du spectacle vivant, metteurs en scène, chorégraphes, auteurs et compositeurs de musique, scénaristes ou réalisateurs d’œuvres audiovisuelles, cinématographiques ou du web, auteurs de doublages et de sous-titres…
Les auteurs ont-ils droit à un revenu ?
Comme l’écrivent très justement le ministre de l’Économie et des Finances et le ministre de l’Action et des Comptes Publics dans leur Livret du pouvoir d’achat, « Le travail doit mieux payer pour tous les actifs », certes, mais y compris pour les auteurs et artistes !
Nous demandons au Gouvernement d’acter très clairement que les artistes-auteurs, comme tous les autres actifs, ne connaîtront pas de baisse de leur pouvoir d’achat en raison de l’augmentation de la CSG et que des mesures seront prises dès 2017 pour qu’ils bénéficient eux aussi d’une augmentation de leur pouvoir d’achat en 2018.
Dans l’attente de pouvoir rencontrer au plus vite vos services sur ce sujet, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à l’assurance de nos respectueuses salutations.
Les signataires
ADABD (Association des Auteurs de Bande Dessinée)
ATAA (Association des Traducteurs/Adaptateurs de l’Audiovisuel)
ATLF (Association des Traducteurs Littéraires de France)
CAAP (Comité des Artistes Auteurs Plasticiens)
CHARTE DES AUTEURS ET ILLUSTRATEURS JEUNESSE
CPE (Conseil Permanent des Écrivains)
EAT (Ecrivains Associés du Théâtre)
MAISON DE LA POÉSIE
PEN CLUB
SCA (Scénaristes de Cinéma Associés)
SELF (Syndicat des Ecrivains de Langue Française)
SGDL (Société des Gens de Lettres)
SMDA CFDT (Solidarité Maison des Artistes)
SNAA-FO (Syndicat National des Artistes Auteurs)
SNAC (Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs)
SNAP CGT (Syndicat National des Artistes Plasticiens)
SNP (Syndicat National des Photographes)
SNSP (Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens)
UCMF (Union des Compositeurs de Musique de Films)
UNAC (Union Nationale des Auteurs et des Compositeurs)
UNION DES POÈTES ET CIE
UNPI (Union Nationale des Peintres Illustrateurs)
UPAD (Union des Professionnels du Doublage)
UPP (Union des Photographes Professionnels)
USOPAVE (Union des Syndicats et Organisations Professionnelles des Arts visuels et de l’Écrit)
ADAGP (Société des Auteurs dans les Arts Graphiques et Plastiques)
SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique)
SAIF (Société des Auteurs des arts visuels et de l’Image Fixe)
SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias)
SOFIA (Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit)
CIPAC
CPGA (Comité Professionnel des Galeries d’Art)
CSDEM (Chambre Syndicale De l’Édition Musicale)
FRAAP (Fédération des Réseaux et Associations d’Artistes Plasticiens) »
Pour l’instant, ce courrier est resté lettre morte.
Les auteurs ont donc lancé une pétition, que nous vous invitons à retrouver ici (et à la signer et à la partager).
Mais tout n’est pas si noir : les très rares auteurs ayant fait fortune vont bénéficier, quant à eux, de la réforme de l’ISF. Leurs voitures de luxe et leurs chevaux de course n’entrent plus dans leur patrimoine. Peut-être un conseil à donner aux quelques 260 000 auteurs et artistes, trop feignants pour réussir : investissez dans des yachts !
Anthony Roux