Un balcon sur la lune, de Han-Ah Chung

Un balcon sur la lune, de Han-Ah Chung

Un balcon sur la lune, de Han-Ah Chung, traduit du coréen par Mihwi Park et Véronique Cavallasca, Descrescenzo éditeurs, 2017 (originale : 2007), 143 pages.

L’histoire

Eun-mi enchaîne les tentatives infructueuses pour trouver un emploi dans le milieu du journalisme. La jeune femme devra supporter un peu plus longtemps les réflexions de ses parents qui la pressent de stabiliser sa situation en pensant à son avenir. Plusieurs lettres reçues par sa grand-mère, cependant, viennent un jour égayer ce quotidien morose : sa tante, qui a coupé tout contact avec la famille il y a quinze ans, est devenue astronaute de la NASA. Quand sa grand-mère lui propose de rejoindre sa tante aux États-Unis, Eun-mi n’hésite pas : elle quitte le domicile parental, l’adresse de sa tante dans la main. Mais lorsque les retrouvailles ont lieu, une autre histoire se fait jour, à mille lieues de la description d’une sortie dans l’espace et la promesse d’un univers en apesanteur, loin des soucis. Au fil du récit, Eun-mi et sa tante vont apprendre à se connaître. Et l’affection et la confiance qui se tissent entre les deux femmes vont peu à peu agir en forces libératrices. À l’image d’un astre inconnu rayonnant soudain dans le ciel nocturne, une nouvelle carte se dessine : une intériorité et un itinéraire individuels.

Note : 4/5

Mon humble avis

Merci à Babelio et à Descrescenzo éditeurs pour l’envoi de ce livre en échange d’une chronique honnête, dans le cadre d’une Masse critique.

Toujours dans une perspective de diversifier mes lectures, j’étais absolument ravie de voir de nombreuses publications de Descrescenzo éditeurs, qui se spécialise dans les littératures d’Asie et d’ailleurs ; vous pouvez imaginer mon enthousiasme quand j’ai reçu le mail annonçant que j’allais recevoir Un balcon sur la lune. La plume est très simple, toute en poésie et en douceur, elle nous plonge directement dans la vie d’Eun-mi qui enchaîne un énième échec dans sa quête pour devenir journaliste. Entremêlées dans les récits de sa vie, on retrouve des lettres, dont on comprend l’origine plus tard : il s’agit des lettres de sa tante, partie aux États-Unis devenir astronaute.

Sous les conseils et les manigances de sa grand-mère, Eun-Mi va partir rendre visite à sa tante, accompagnée de son meilleur ami, Min. Et là je dois mettre un bémol et un trigger warning : Min est transgenre, elle s’identifie comme femme en étant née dans un corps « masculin ». Bien sûr, le trigger warning n’est pas sur la mention de transidentité, au contraire, mais sur le fait qu’à aucun moment le récit ne genre correctement Min. Est-ce que ça vient de la traduction ? Ou que ça démontre qu’Eun-Mi, dont on a le point de vue, n’a pas grand-chose à faire des désirs de Min ? D’ailleurs, Eun-Mi a les réactions typiquement transphobes dont on entend tant parler, particulièrement à l’annonce que lui fait Min qui désire se faire opérer :

Mais non, écoute, j’ai déjà croisé ce genre de personne, je t’assure que t’as pas l’truc. Tu te fais des illusions. Attends, en général, les trans ont une certaine attitude, bien à eux, précieuse, mais regarde-toi, ça se voit trop que t’es tout raide. T’es un vrai mec toi, de la tête aux pieds !

Du lourd donc. Eun-Mi est donc clairement transphobe, ou au mieux ignorante. Le récit contrebalance un peu ça puisque Min la laisse plantée là, et refuse de lui parler : à la limite, on comprend que Eun-Mi était en tort… Mais même quand elle finit par accepter la transidentité de Min, on retrouve les pronoms masculins, donc c’est loin d’être résolu ! Malgré un traitement hasardeux, j’étais très agréablement surprise de retrouver un personnage trans.

Le roman présente le cheminement d’Eun-Mi tandis qu’elle en apprend plus sur sa tante, Sun-i, qu’elle découvre pourquoi elle a coupé les ponts avec sa famille malgré son attachement pour sa mère, à qui elle envoie des lettres. Tout n’est pas rose, loin de là. Mais cela n’empêche pas à Sun-i de continuer à vivre, de trouver du bonheur là où elle peut, alors que Eun-Mi était prête à abandonner pour moins que cela.

L’histoire est très émouvante et montre l’évolution d’Eun-Mi, qui décide de vivre sa vie comme elle peut. Ce n’est pas une fin de conte de fées, le rêve d’Eun-Mi ne se réalise pas, mais finalement c’est très réel, très concret comme fin et elle n’en est pas moins belle.

Je recommande donc très vivement ce roman, le seul point noir (assez conséquent tout de même) étant le traitement problématique de la transidentité.


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