Présentation
« Venge-nous de la mine », avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui ai promis, poings levés au ciel après sa disparition brutale. J’allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, parti en paysan. Venger ma mère, esseulée à jamais. J’allais punir les Houillères, et tous ces salauds qui n’avaient jamais payé pour leurs crimes.
Avis
Roman magnifique de Sorj Chalandon, jamais déçue par la lecture de ses romans je ne m'attendais donc pas à sortir indemne de celle-ci.
Joseph Flavent devenu mineur à la fosse Saint-Aimé de Liévin-Lens dans le Nord-Pas-de-Calais, il a pas vraiment choisi ce métier mais disons que par la force des choses c'est comme un chemin tracé dans la poussière de charbon qui recouvre la ville. Pourtant son désir était tout autre, féru de mécanique il se rêvait dans un stand de Formule 1, pilote de bolides, entraînant son petit frère Michel dans ce rêve fou.
La vie en aura décidé autrement, vivre sous terre, respirer la poussière et côtoyer la mort tel était donc son nouvel environnement et malgré les réticences d'un père ayant perdu un frère à cause des mines et craignant de perdre aussi un fils.
Le 27 décembre 1974, un coup de grisou dans la fosse Saint-Aimé tue 42 mineurs, ravage des familles et assomme une ville. Un détail m'a marqué et profondément troublé réveillant ma colère: sur le dernier salaire du défunt était déduit le prix de la tenue de travail détruite lors de l'incendie.
C'est quarante ans plus tard que nous retrouvons Michel, il est devenu routier et parcours l'Europe à bord de son poids lourd dont la bâche est à l'effigie de Steve McQueen dans le film Le Mans. Depuis toujours il combat l'oubli de ce jour funeste collectionnant tout objet relatif à la mine et aux mineurs qu'il entrepose dans un local avec les affaires de son frère, une sorte de mausolée à la gloire de son martyr: casque, lampe, habits, savon... mais aussi coupure de journaux, photos et ses fameux carnets dont le premier a été constitué le lendemain de la catastrophe.
Au fil des pages on en découvre plus sur cette famille dont le père s'est suicidé peu de temps après la mort d'un de ses fils, la fuite de la mère face à la perte et au chagrin, et Michel qui aujourd'hui fait de nouveau face à la mort avec la disparition de sa femme. Il quitte Paris et retourne d'où il vient pour accomplir le désir d'un père: "Venge nous de la mine". Il va rester des mois pour retrouver le coupable de la mort de son frère, les houillères sont fermées, les poulies de la mine amusent les touristes maintenant. A qui s'en prendre? Ou trouver la vérité? c'est sur cette dernière question que le roman se concentre, remontant le fil du temps, rassemblant les détails de la catastrophe, et le passé des protagonistes jusqu'à révéler une horreur, un gouffre au cœur plus profond qu'une mine.
Un retournement de situation vient bouleverser nos pronostics, des coupables il y en a mais ce ne sont pas eux, comment est-ce possible? Sorj Chalandon bouleverse le lecteur "jouant" sur nos émotions comme un pianiste, il dénonce et réconcilie des êtres, rend hommage à un bassin minier mais nous laisse complètement estomaqué. Impossible de ne pas dire que c'est un coup de cœur parce que c'est là que j'ai été profondément touchée.
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