Betty Boob (Julie Rocheleau – Vero Cazot – Editions Casterman)
Comme le dit l’expression, un malheur n’arrive jamais seul. Un matin, Elisabeth se réveille dans une chambre d’hôtel et constate avec horreur qu’elle n’a plus ni sein gauche ni cheveux. La faute à des méchants petits crabes qui ont envahi son corps pendant qu’elle dormait. Mais Elisabeth n’est pas du genre à se laisser abattre. Dès son réveil, elle remue ciel et terre pour récupérer son sein… et surtout le piercing qui allait avec. La jeune femme n’hésite pas à mettre l’hôpital sens dessus dessous jusqu’à ce que finalement, un médecin lui rapporte son sein dans un bocal. Malheureusement pour Elisabeth, son petit ami n’a pas la même énergie qu’elle. Non seulement il semble totalement sous le choc, mais en plus il est incapable de regarder ou même de toucher son amoureuse depuis qu’elle a subi l’ablation de son sein gauche. Alors qu’elle tente désespérément de reprendre une vie normale, en sauvant les apparences grâce à une pomme dans son soutien-gorge, lui est comme tétanisé et fait preuve d’une froideur extrême à son égard. Du coup, elle finit par le mettre à la porte. Dans le grand magasin où elle travaille, les choses se passent tout aussi mal. Lorsque la pomme dans le soutien-gorge d’Elisabeth se fait brièvement la malle, sa directrice le repère immédiatement sur son écran de surveillance. Comme son contrat stipule qu’elle doit avoir deux seins, elle est licenciée sur le champ. En quelques jours, Elisabeth perd donc son sein gauche, son job et son mec. Les choses pourraient-elles aller encore plus mal? Hélas, la réponse est oui… Alors qu’elle sort de chez elle, sa perruque s’envole, révélant du même coup son crâne nu à tous les passants. C’est le début d’une longue course poursuite pour tenter de rattraper sa perruque. Cette course folle mène la jeune femme jusqu’à une péniche qui va changer sa vie. Adoptée par une troupe burlesque, Elisabeth se mue en Betty Boob. Après les larmes, place à la fête et aux paillettes!
« Betty Boob » est assurément l’un des moments forts de cette année 2017. A l’image de son étonnante couverture sur laquelle on voit un oiseau sortir du sein gauche d’Elisabeth, c’est un roman graphique étonnant et émouvant, dans lequel la scénariste Vero Cazot et la dessinatrice Julie Rocheleau réussissent un double exploit. Le premier est de parvenir à parler d’un sujet aussi grave que le cancer du sein de manière drôle et décalée, sans jamais verser dans le pathétique. Au contraire: « Betty Boob » est un album rempli de joie, avec même un zeste de magie. Le second exploit réussi par Vero Cazot et Julie Rocheleau est de raconter cette histoire sans le moindre dialogue, comme l’avaient fait Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione dans « Un océan d’amour ». La seule différence réside dans le fait que Vero Cazot se permet de temps à autre d’ajouter un peu de texte sur une page noire entre deux scènes, comme dans les vieux films muets. Mais c’est tout. Pour le reste, la descente aux enfers puis la renaissance d’Elisabeth s’appuient entièrement sur le sens de la mise en scène de la dessinatrice québécoise Julie Rocheleau, dont on avait déjà pu apprécier toute l’étendue du talent dans la série « La colère de Fantômas ». N’utilisant souvent que deux ou trois couleurs par pages, Julie Rocheleau se révèle particulièrement douée pour insuffler de la vie dans ses cases, grâce notamment à une large palette d’expressions sur les visages de ses personnages mais aussi grâce à une multiplication des plans différents, permettant ainsi à ses lecteurs de s’immerger complètement dans le fabuleux destin de Betty Boob. Mais au-delà de l’aspect technique, il faut surtout retenir de cette BD qu’elle représente un formidable message d’espoir adressé à tous ceux et toutes celles qui sont confrontés à la maladie. Voilà un livre qui fait du bien!