Eka Kurniawan : L’Homme-tigre

Eka Kurniawan, Pramoedya Ananta ToerEka Kurniawan est un écrivain et journaliste indonésien né en 1975 à Tasikmalaya, Java occidental. Il a étudié la philosophie à l'université Gadjah Mada de Yogyakarta. Son goût de la littérature lui a été donné par les contes et les légendes que lui racontait sa grand-mère, et par sa fascination pour les pièces radiophoniques dont l’écoute le reliait au reste du monde. Mais c’est la lecture de Knut Hamsun qui a été déterminante dans sa formation intellectuelle, ainsi que celle de Pramoedya Ananta Toer, à qui il a consacré son master. L’Homme-Tigre, premier de ses romans traduit en français, a été publié en Indonésie en 2004 et vient d’être réédité en collection de poche.

Le roman débute par une phrase choc et lourde de sens : « Le soir où Margio assassina Anwar Sadat… » D’emblée nous avons un cadavre et nous connaissons le nom de son assassin, voilà qui ressemble fort à un polar original. Sauf que ce bouquin ne s’inscrit pas dans ce genre, il s’agit d’un roman psychologique.

Avec beaucoup d’habileté, l’écrivain Eka Kurniawan va remonter le cours du temps et nous apprendre quel type de vie a mené Margio pour en arriver à cette extrémité. Nous ferons connaissance avec ses parents, le père détesté et la mère ayant perdu ses illusions avec cet époux brutal et cavaleur. Il y a aussi Maharani, la fille d’Anwar Sadat, de l’enfance à l’adolescence leur relation amicale deviendra amoureuse.

Roman exotique et dépaysant, le lecteur en retire beaucoup d’enseignement sur le mode de vie des locaux ou leurs croyances (Margio s’imagine possédé par un tigre blanc qui serait le véritable assassin) ; ce sera l’angle ethnologique de ce bouquin. Comme je l’ai dit, nous avons-là un roman psychologique. Petit à petit le lecteur va comprendre comment Margio, un jeune homme plutôt sympathique, « un gamin tranquille, en dépit de son caractère renfrogné », va se transformer en un criminel particulièrement cruel. Une explosion de violence ponctuelle, résultant de l’accumulation de colère montant en lui depuis plusieurs années et dont vous découvrirez les motifs en lisant ce livre.

L’écriture d’Eka Kurniawan est très détaillée et n’escamote ni les scènes crues, ni les remarques ironiques (« Anwar Sadat ne brisa pas le cœur de la jeune femme, mais il l’épousa dès qu’il le put, et il s’estima suffisamment riche (…), vivant aux crochets de sa femme… ») mais son point fort ici, réside dans la façon dont l’auteur gère le temps. C’est parfois déroutant quand on réalise que le récit a fait un retour en arrière le temps d’une séquence. Personnellement, c’est ce point seul qui a retenu mon attention, le reste du texte ne m’ayant pas emballé outre mesure.