Un certain M. Piekielny, François-Henri Désérable

Un certain M. Piekielny, François-Henri Désérable


Désérable, c'est un style, indéniablement : on le lirait presque à haute voix, pour savourer les tournures bien pensées, qui sonnent si élégamment à l'oreille.

Le sujet, il faut dire, a de quoi plaire : l'auteur part à la recherche d'un personnage de roman, un certain Piekielny, qui aurait été le voisin de Romain Gary, alors qu'il vivait à Wilno avec sa mère, et dont l'existence n'a même rien d'avéré.

Pour cela, l'auteur construit une enquête minutieuse, investigue l'oeuvre de Gary, les registres de la ville de Wilno, interroge les habitants de l'immeuble retrouvé, réalise même sa propre introspection.

Néanmoins, et malheureusement, le récit peine à captiver le lecteur - en tout cas, il a sérieusement peiné à me captiver, moi -, et pour cause : l'idée de départ est amusante, mais l'auteur ne parvient pas, en dépit de ses efforts évidents, à nous convaincre qu'il est intéressant, essentiel, vital, de retrouver la trace de Piekielny, que Piekielny a la moindre importance, et donc, que sa démarche est digne d'intérêt.

La recherche se mue rapidement en prétexte à disserter sur Gary, et peu à peu, sur l'auteur lui-même. Son texte se retrouve bientôt parsemé de référénces érudites, à l'oeuvre de Gary et d'autres encore, et cela manque de naturel.

Pour finir, les digressions relatives à l'histoire personnelle de l'auteur achèvent de nous lasser. Lorsque l'on obtient le fin mot de l'histoire, cela ne fait ni chaud ni froid, car l'on sait déjà que le roman ne restera pas dans nos annales, et que l'on aura tôt fait d'oublier quel a été le sort de Monsieur Piekielny.

En fin de compte, mais ce n'est que mon impression, beaucoup de bruit pour rien : Un certain M. Piekielny fait l'effet d'un ballon de baudruche, le roman d'un élève très studieux et désireux de bien faire, qui ravira surtout les académiciens.


"Je restai là, stupéfait, ruisselant, et je récitai cette phrase à voix haute : "Au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny.
[...] Cette phrase, elle n'avait pas surgi de nulle part. Il avait fallu qu'un jour je la lise, l'enregistre en esprit, qu'elle s'y imprègne et demeure en l'état, immuable parmi les souvenirs, ces morceaux épars flottant çà et là dans les limbes, et qui parfois resurgissent de manière imprévue."

"[...] c'est peut-être cela et rien de plus, être écrivain : fermer les yeux pour les garder grands ouverts, n'avoir ni Dieu ni maître et nulle autre servitude que la page à écrire, se soustraire au monde pour lui imposer sa propre illusion. Tourner le dos au Popocatépetl."