Illustration © http://disneyandmore.blogspot.fr
En deux mots:
En route vers Neverland, ce monde imaginaire inventé par J.M. Barrie, le créateur de Peter Pan, le narrateur va essayer de retrouver son enfance. Entre souvenirs et sensations, ce roman est d’une rare poésie, un hymne à un âge magique.
Ma note:
★★★★ (j’ai adoré)
Ma chronique
Une âme d’enfant
Ce «premier livre pour les adultes», signé Timothée de Fombelle, un auteur jeunesse reconnu, explore ce moment singulier où l’enfance s’en va.
« Aujourd’hui, je suis incapable de dater ce grand passage. Il me semble seulement qu’un matin on se réveille adulte dans le regard des autres. On hésite un instant. On ne se sent ni préparé ni volontaire pour le voyage. Mais il y a ce regard, en face, qui nous considère, et puis cette aspiration lointaine, le vent de la plaine que l’on sent pour la première fois sous sa chemise et un petit tas de noyaux de cerises au fond de nous, qui fait un peu mal.
Ce qui nous attend est déjà là, en pièces détachées. Alors on fait semblant. Cela commence toujours ainsi. On fait semblant d’être grand. Et, dans le meilleur des cas, je crois, on fera semblant toute sa vie. » Il est des moments dans une vie où tout bascule, où l’on se rend bien compte que plus rien ne sera comme avant, même si l’envie nous prend de revenir en arrière. Peut-être même de chercher à effacer ce que l’on pressent, à savoir que désormais l’enfance est un domaine qui nous est interdit. Tous les subterfuges semblent alors autorisés pour garder cette âme d’enfant. On se réfugie dans les souvenirs ou on en crée de nouveaux : «L’enfant est une île. Il ne sait ni ne possède rien. Il devine des forces immenses sous les bandelettes qui serrent son corps. Pour lui, le lendemain n’existe pas. Le passé a déjà disparu. L’enfant commence par être cet instant suspendu, désarmé, qui jaillit comme un bouchon au milieu de la mer et regarde autour de lui. Et quand il sera ivre d’avoir senti, quand il aura l’intérieur tapissé de ce qui l’entoure, il se mettra à imaginer. (…) Il inventera. Il complétera de l’intérieur ce qu’il voit dehors. Il finira le monde. Il fera des histoires. » Et si son imagination doit se tarir, il saura où assouvir sa soif. En se réfugiant dans les livres. C’est dans les romans que l’on peut à nouveau naviguer aux côtés du capitaine Crochet, plonger avec le Capitaine Nemo, s’évader avec Monte-Cristo… Même si le merveilleux voyage doit aussi s’arrêter, il est à nul autre semblable : « Il me fallait toujours du temps pour me retrouver. Quand j’avais fini le livre, on m’appelait dehors, je restais étourdi sur le lit. Alors je me levais, un peu à l’étroit dans cette peau et ce monde. Je faisais un pas, je m’étirais. Mon enveloppe se fendillait. Mon équilibre avait changé. En descendant l’escalier, je ne voyais pas qu’avaient poussé deux ailes en papier dans mon dos. »
Timothée de Fombelle réussit le tour de force, dans ce premier roman, de raconter son exploration dans ce monde avec les sensations, la poésie, le lyrisme propre à cette enfance perdue.
Cette époque où «le temps et la nuit sont un trésor qu’on ne compte pas, qu’on ne découpe pas en heures et en minutes», où «l’été durait des vies entières. Une explosion de liberté. Un grand feu dans lequel on jetait les autres saisons pour voir ce qu’il en resterait. Et tout se consumait. »
Il y a presque à chaque page de ces merveilleuses formules que l’on aimerait toutes recopier tant elles disent ce sentiment à la fois terrifiant de la perte et de l’oubli de cet âge insouciant et innocent et exaltant dans l’analyse désormais possible. Oui, c’était bien parce qu’alors tout était possible.
Il y a pour certains le sentiment diffus que désormais ils sont responsables, ils sont adultes. Pour d’autres un événement très fort marque cette rupture. Pour le narrateur de ce court et intense roman, la rupture est sans doute arrivée le jour où son grand-père qui «avait le génie des mots vibrants, était orateur, clown à l’occasion, romantique ou prédicateur selon les jours» lui demande de prendre le relais, lorsqu’il lui confie la rédaction d’une lettre pour coco, son ami d’enfance. Cette simple phrase «Je voudrais, s’il te plaît, que tu écrives pour moi quelques lignes à Coco» résonne comme un joli défi, mais aussi comme la reconnaissance que désormais son petit-fils était passé «de l’autre côté». Que ce soit avec cette mission rend la chose encore plus vive, encore plus inéluctable. Et pourtant…
Pourtant le narrateur ne peut se résoudre à vivre sans cette partie de lui. Il repart en direction de Neverland « Je suis parti un matin en chasse de l’enfance. Je ne l’ai dit à personne. J’avais décidé de la capturer entière et vivante. Je voulais la mettre en lumière, la regarder, pouvoir en faire le tour. Je l’avais toujours sentie battre en moi, elle ne m’avait jamais quitté. » À votre tour de chausser vos bottes de sept lieues et d’aller battre la campagne. Un monde magique vous attend au bout de la route !
Neverland
Timothée de Fombelle
Éditions L’Iconoclaste
Roman
128 p., 15 €
EAN : 9791095438397
Paru en août 2017
Ce qu’en dit l’éditeur
Neverland est l’histoire d’un voyage au pays perdu de l’enfance, celui que nous portons tous en nous. À la fois livre d’aventure et livre-mémoire, il ressuscite nos souvenirs enfouis.
Après son immense succès en littérature jeunesse (Tobie Lolness, Vango, Le livre de Perle), Timothée de Fombelle signe son premier livre pour adultes.
« Je suis parti un matin en chasse de l’enfance. Je ne l’ai dit à personne. J’avais décidé de la capturer entière et vivante. Je voulais la mettre en lumière, la regarder, pouvoir en faire le tour. Je l’avais toujours sentie battre en moi, elle ne m’avait jamais quitté. »
68 premières fois
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Timothée de Fombelle présente «Neverland» © Production Librairie Mollat
Les premières pages du livre
« Il y a dans les hauts territoires de l’enfance, derrière les torrents, les ronces, les forêts, après les granges brûlantes et les longs couloirs de parquet, certains chemins qui s’aventurent plus loin vers le bord du royaume, longent les falaises ou le grillage et laissent voir une plaine tout en bas, c’est le pays des lendemains : le pays adulte.
Les enfants qui vont près de cette lisière, au milieu des herbes plus hautes que leurs épaules, surprennent parfois en dessous d’eux, dans le fond de la plaine, la mort ou des amoureux, par accident. Ces apparitions ressemblent à des éclats de verre au soleil. Elles éblouissent et disparaissent aussitôt, cachées par des nuages bas.
En retournant vers la forêt profonde avec leurs arcs et leurs flèches, les enfants croient oublier cette vision. Mais elle a semé en eux un noyau de cerise qui grandit déjà à l’intérieur.
J’ai eu ma poignée de noyaux. Je crois même que ce sont eux qui nous font pousser. Et je me souviens, quand on les avalait, les yeux écarquillés, le plaisir dangereux de ces corps étrangers prêts à éclater. On regardait tout autour. Est-ce que quelqu’un nous avait vus ? C’était comme si on avait volé quelque chose. On attendait un peu pour sentir au fond de nous ce qui allait se passer, le voyage du noyau dans un monde invisible. »
À propos de l’auteur
Timothée de Fombelle a 44 ans. Il est dramaturge et l’un des plus importants romanciers contemporains pour la jeunesse. Ses romans Tobie Lolness, Vango et Le Livre de Perle sont tous des best-sellers vendus dans le monde entier. Avec Neverland il réalise son premier pas en littérature adulte. (Source : Éditions L’Iconoclaste)
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