Libres pensées...
Un sans-abri découvre, dans une grotte en Suisse, un éléphant nain rose et luminescent. Il se prend rapidement d'affection pour l'animal, et décide de le protéger. Car il s'avère rapidement que des inconnus sont sur ses traces. Ces inconnus sont en réalité des scientifiques, un en particulier, le docteur Roux, qui, fort d'hypothèses sur la manipulation génétique, a mené une expérience d'insémination artificielle d'un embryon génétiquement modifié sur une éléphante, dans l'espoir d'obtenir ainsi une reconnaissance professionnelle internationale. C'était sans compter sur Kaung, un Birman persuadé que le petit éléphant rose est sacré, et qu'il ne doit pas tomber entre les mains de Roux.
Elephant est un drôle de livre, comme le laisse entendre son synopsis. On ne demandait rien de spécial, et voilà que l'on se retrouve embarqué dans le monde merveilleux des modifications génétiques, de l'insémination animale, du cirque, et des méchants docteurs qui cherchent à tout prix à attirer l'attention.
On s'interroge inévitablement sur les symboles, les significations possibles à cet éléphant rose, spécifiquement choisi par l'auteur, et l'on peut penser en premier lieu, en effet, par Ganesha, la divinité hindoue, qui d'ailleurs permet au personnage de Kaung de prendre toute son envergure, et de mettre dans la balance l'importance des croyances, le respect du sacré, et au-delà, le respect de l'animal, qui est relativement malmené par les scientifiques occidentaux obsédés par la recherche scientifique, et surtout, à travers elle, le rayonnement et la reconnaissance qu'ils obtiendront à titre personnel. De ce fait, ils apparaissent (et Roux en particulier) pour le lecteur comme des enfants capricieux en mal d'attention, auxquels on aurait donné des outils et un pouvoir qui les dépassent, et qu'ils ne savent pas utiliser à bon escient.
On réalise donc que le roman peut, ainsi, s'apparenter à un conte pour adultes, de par les enseignements qu'il souligne, et les visions des différents protagonistes qui s'opposent.
A tour de rôle, Barisha/Sabou (= le petit éléphant rose) apparaît comme un enjeu, un investissement, un objet réclamé par son propriétaire, mais aussi un animal, une présence sacrée, voire une divinité.
Le roman est donc à la fois divertissant, actuel, et source de réflexion pour le lecteur, dans la mouvance de ces livres qui interrogent la façon dont les hommes traitent les animaux (je pense bien sûr à Défaite des maîtres et possesseurs de Vincent Message, par exemple, ou récemment au film japonais Okja).
Pour finir, à la base, l'éléphant rose, rappelons-le - parce que c'est Wikipédia qui le dit - est surtout associé aux hallucinations causées par l'abus d'alcool ou de stupéfiants. J'ai donc bien envie de croire que Martin essaie de nous transmettre un message sur les bienfaits de l'écriture à la Bukowski, et en même temps, un témoignage des-dits bienfaits. C'est quand même l'interprétation la plus rock'n'roll, non ?
Pour vous si...
- Vous êtes intrigué à la perspective d'une histoire d'éléphant rose luminescent
- Vous ne vous arrêtez jamais sur un chien ou sur un chat, beaucoup trop banal.
Morceau choisi
"Au bout du compte, Reber sut précisément pourquoi toutes les questions éthiques le laissaient de marbre : il était fou de Barisha.
Non pas en tant que vétérinaire, non pas en tant que spécialiste des éléphants, ni même comme scientifique. Il avait été, dès sa première rencontre avec cette petite créature, enchanté par... sa grâce.
Oui : il était envahi par un sentiment qu'il n'avait jusqu'alors connu qu'une seule fois, et brièvement, au cours des premières semaines qui avaient suivi sa rencontre avec son ex. Au temps où il était amoureux de sa fraîcheur, de sa naïveté, de son corps potelé."
Note finale3/5(cool)