Mise en couleurs de Geneviève FERRIER
Notions abordées : Première Guerre mondiale, famille, courriers, guerre, Histoire, transmission, mémoire, pacifisme
J'aime lorsque les albums (comme BD, romans - jeunesse ou non) entremêlent à leurs histoires des faits réels.
J'aime lorsqu'ils nous apprennent des choses, des anecdotes, nous révèlent des personnalités, des pans méconnus, ou pire oubliés, de notre passé, de notre Histoire.
Et ce, notamment sur des sujets que l'on pense bien connaître.
C'est ici le cas avec la Première Guerre mondiale et les Monuments aux Morts.
Plus de 60 millions de soldats mobilisés de par le monde, plus de 8 millions pour la France et dont 1,4 million n'en sont pas revenus.
Ainsi, dans toutes les communes de France, et malgré le coût de la reconstruction, plus de 36000 monuments aux morts furent érigés entre 1920 et 1925, grâce aux subsides de l'Etat ou même à des souscriptions populaires, couvrant parfois intégralement les frais.
La patrie souhaitait, devait, leur rendre hommage et/ou célébrer leur mort.
Mais dans certains villages, il n'y en a pas eu (tel Thierville dans l'Eure car il n'y eut aucun mort) ou bien le rejet de la guerre a été gravé dans la pierre du monument.
C'est le cas (entre autres) à Dardilly (Rhône), à Strümpfelbach (Allemagne) ou encore à Gentioux (Creuse).
C'est dans ce village que cette histoire nous entraîne, auprès de son Monument aux Morts, érigé en 1922, dont l'inscription a donné à cet album son titre : MAUDITE SOIT LA GUERRE
Source de la photo - CLIC - Découvrez ICI l'histoire de ce monument, atypique, toujours non reconnu officiellement par l'Etat français.
Ce petit garçon orphelin en blouse d'école et sabots aux pieds, qui brandit son poing en direction de ces mots, au-dessus desquels 58 noms sont inscrits, est le héros fictif de cette histoire.
Fulbert Delorge est son nom.
Il nous parle d'un temps passé mais toujours présent, celui où les hommes, les pères notamment, sont partis à la guerre.
Il nous parle de son aventure au Front, au Chemin des Dames (1917) pour s'assurer que son père est toujours bien vivant, quand tant d'autres sont déjà morts, pour lui remettre en mains propres sa rédaction faite en classe : sa déclaration d'amour, d'encouragement et d'espoir.
Mais après-guerre, en se regardant en enfant de bronze, il se demande si ce qu'il a pris pour de la chance alors : ce voyage vers le front en train, side-car, tous ces soldats croisés venus de tant d'ailleurs, pour amener sa lettre, n'a pas porté malheur.
Le regard, à la fois naïf et intrépide, de cet enfant, qui défie le monde des adultes dans toute sa brutalité, observe la guerre et ses symboles : boîtes de singe, leçons patriotiques à l'école, paysages lunaires, ...
Cet album apporte à ce village, son monuments et ses soixante-trois morts (énorme pour la population d'alors), une reconnaissance que l'Etat lui refuse toujours bien qu'il soir inscrit depuis 1990 au titre de " Monument historique ".
Depuis le 11 novembre 2008, il est le lieu de rdv annuel de manifestations pacifistes et antimilitaristes.
A cette date, une demande de réhabilitation des soldats fusillés avait aussi été formulée par Marc Blondel (syndicaliste).
" Il est grand temps que l'ensemble des morts de la Grande Guerre réintègre la mémoire nationale, qu'ils n'ont d'ailleurs jamais vraiment quittée, du fait du combat de nos associations. Il est temps maintenant de les réhabiliter pleinement, publiquement, collectivement et sans fausse honte ".
Colorés et très expressifs, les dessins de PEF accompagnent à merveille le texte de Didier Daeninckx.
L'album se clôt par deux pages documentaires, un vrai plus qui prolonge l'histoire pour la faire entrer dans la Grande, la vraie, donner du palpable, du tangible au temps qui passe et qui atténue, oublie.
La sensibilité de PEF quant à ce conflit est palpable, et nombreux sont ses albums et écrits sur ce sujet.
J'en ai d'ailleurs présenté quelques-uns sur le blog :
Et d'autres livres de PEF :
Cet album participe au Challenge " , ainsi qu'au "Je lis aussi des albums 2017" de Sophie Hérisson (71/100) et à mon Challenge autour de la Première Guerre mondiale Petit Bac 2017 " d'Enna pour ma 8e ligne, catégorie Mort.