Les optimistes meurent en premier · Susin Nielsen

Par Marie-Claude Rioux

Petula vient tout juste d'avoir seize ans. Depuis la mort de sa petite sœur - mort dont elle se sent grandement responsable -, elle est devenue réaliste et... pessimiste. [...]
" Les études démontrent qu'en général les optimistes meurent dix ans plus jeunes que les pessimistes. Vous pensez à tort que les choses vont se passer comme vous le voulez. Vous ne voyez pas le danger avant qu'il ne soit trop tard. Les pessimistes sont plus réalistes. Ils prennent plus de précautions. "

Elle fuit les microbes comme la peste - elle ne se sépare jamais de son gel antibactérien -, évite les ascenseurs, porte toujours des mitaines et un sifflet anti-viol, respecte à la lettre toutes les mesures de sécurité inimaginables. Les remords et la culpabilité la poussent à en prendre lourd sur ses épaules. Elle est au petit soin avec ses parents pour se faire pardonner.
" Honnêtement, j'avais l'impression de m'occuper de deux employés amorphes. J'essayais constamment de les motiver à donner le meilleur d'eux-mêmes, mais ils se contentaient de faire le minimum. S'ils étaient mes employés, je les aurais congédiés il y a longtemps. "
Ses parents font de leur mieux pour combler le vide laissé par Maxine. Sa mère libraire devient une "madame à chats", hébergeant tous les matous rejetés. Son père passe le plus de temps possible au bureau, s'étourdissant dans le travail. S'étant brouillée avec sa meilleure amie Rachel, Petula se retrouve bien seule. Elle est forcée d'assister à des séances d'art-thérapie pour adolescents cabossés. Elle fait la rencontre d'autres écorchés. Ivan, devenue une boule de colère depuis que sa mère s'est noyée; Koula, une robuste toxicomane; Alonzo, rejeté par sa famille depuis sa sortie du placard. Chacun traîne son boulet. Et il y a Jacob, surnommé "l'homme bionique" depuis qu'il a perdu un bras dans un accident. M enteur chronique, claustrophobe, il cache sa culpabilité et ses blessures.
L ' amitié est-elle possible entre ces ados meurtris? Et l ' amour, dans tout ça?

Ce que je peux l ' aimer, cette Susin Nielsen! Dans la pléthore de romans pour ados, elle n ' a pas son pareil pour présenter des personnages singuliers, loin des stéréotypes, qui frappent le mur de la réalité. Avec des thèmes aussi lourds que la culpabilité, le deuil, l'anxiété, on peut s ' attendre à une lecture larmoyante. Que nenni! Et c ' est là toute la force et la magie qui se dégagent des romans de cette auteure canadienne. L ' univers qu ' elle dépeint est loin d ' être rose bonbon, mais il ne fait jamais trop sombre entre ces pages.
L ' écriture de Susin Nielsen, empreinte de sensibilité et d ' empathie, n ' est jamais dénuée d ' humour. Les ados qu ' elle dépeint sont dégourdis et matures. Les adultes ne sont pas en reste: les parents de Petula sont originaux, vulnérables et faillibles. Dans Les optimistes meurent en premier, le premier amour se vit loin des clichés, les amitiés sont improbables, étant d ' autant plus fortes et originales. À la fin du roman, chaque personnage aura fait un grand pas.
Comme dans On est tous faits de molécules, Susin Nielsen glisse, ici et là, des roman lus par les personnages, piquant du même coup la curiosité: ici, il est question d ' Ann-Marie MacDonald, de Kate Atkinson, de Violoncelliste de Sarajevo de Steven Galloway.
Un roman original et émouvant. Dans le genre, on ne fait pas mieux! La petite maison dans la prairie, de La sagesse dans le sang de Flanney O'Connor et du

Les optimistes meurent en premier, Susin Nielsen, trad. Rachel Martinez, La courte échelle, 304 pages, 2017.