Marvel Legacy a débuté il y a un mois avec un one-shot qui a su ravir de nombreux fans pourtant, des doutes persistes concernant la suite des événements chez Marvel Comics au regard des directions prises. En plus, le départ de Brian Michael Bendis, après 16 ans de loyaux services, ne rassure pas forcément. Du coup, nous sommes en droit de nous inquiéter de la suite des événements.
Compliqué serait le terme approprié pour définir ce que Marvel vit depuis plus d'un an. Après une chute des ventes importantes - début d'un effondrement du marché des comics - en octobre dernier, une grande remise en question s'est faite chez l'éditeur. S'il revient tout doucement à sa place de premier du marché, il n'en reste pas moins diminué. Au-delà du bashing qu'elle subissait ces derniers temps, la Maison des Idées commence à être vivement critiquée par ses choix éditoriaux et la direction pas très claire qu'il entreprend avec Marvel Legacy.
Axel Alonso, éditeur en chef de Marvel, remet beaucoup de choses en question mais les solutions apportées ne sont peut-être pas celles attendues, ni par les lecteurs ni par ses dirigeants. Très clairement, Legacy qui semblait être attendu comme un renouveau, n'est qu'un énième logo posé sur les covers pour tenter de vendre plus de comics. De ma bouche, ce n'est pas un reproche puisque le but de n'importe quel éditeur est de vendre des comics et de ne pas perdre de l'argent. En revanche, la promesse tenue n'est pas forcément celle comprise donnant l'impression que Marvel ne sait plus sur quel pied danser.
Depuis All-New All-Different Marvel en 2015, Alonso et ses équipes ont décidé d'apporter de la diversité dans leurs comics, devenant le principal argument lors de grande campagne de communication. Ça a payé d'un point de vue aura puisque chaque nouvelle annonce était relayée et applaudit, mais aussi en terme de ventes attirant de nouvelles et de nouveaux fans. Cela s'est plus ressenti sur les offres numériques et albums qu'en direct market - c'est à dire dans les comicshops. Pour mettre en avant cette diversité au sein de ses livres, Marvel a donc offert les alias des grands héros à des gens issus de minorité. Bien que Steve Rogers, Tony Stark et Thor Odinson ont toujours été dans les parages, ils se retrouvent relégués en second plan derrière Sam Wilson, Riri Williams et Jane Foster.
Le but n'était clairement pas de remplacer les héros originaux mais de raconter de nouvelles histoires et, surtout, installer de nouveaux personnages dans l'univers Marvel. Cela n'a pas fonctionné pour tous mais il est difficile d'imaginer maintenant ce monde sans Ms.Marvel ou avec Sam Wilson en tant que sidekick de Captain America. À aucun moment, Marvel n'a laissé entendre que ses héros originaux n'allaient jamais revenir, je dirais même que cela est sous-entendu dans chacune des histoires racontées sur eux. Le fait est que c'est transformation du paysage Marvel a été agressive et que malgré certaines très bonnes histoires, une partie du lectorat a perdu pied, d'autres ont même perdu patience. Mais, quoiqu'il en soit, la direction prise d'un point de vue éditorial était claire.
Avec Marvel Legacy, le moment est donc arrivé pour Marvel de rassembler l'ancien et le nouveau. Bien que c'était prévu, la Maison des Idées semble précipiter le mouvement parce que les ventes de comics ont baissé et que leur place de numéro 1 est remise en question mois après mois. Allez, j'enlève le conditionnel parce que, très clairement, c'est improvisé.
Generations , un micro-événement montrant l'héritage des héros anciens sur les nouveau, est conçu au dernier moment : si certains auteurs s'en sortent très bien, d'autres peinent à trouver le prétexte de la rencontre. En tout cas, le message que veut faire passer Marvel par ce biais est simple : il veut faire cohabiter présent et futur et, ainsi, rassurer les fans. Dans les faits, Marvel Legacy - que ça soit l'événement ou le one-shot d'ailleurs - va dans ce sens : les anciens personnages sont ramenés au devant de la scène mais ils devront cohabiter à présent avec les nouveaux. Mais, il y a des décisions qui montrent que la manière de faire est improvisée.
Ne pouvant plus reculer par rapport à ce qu'il a mis en place, Marvel essaie également de reconquérir le cœur des lecteurs partis récemment pour montrer que l'univers Marvel n'a pas changé. Ainsi, la Maison des Idées décide de regarder vers le passé et de s'en inspirer afin de ramener le dynamisme d'antan ce qui me parait antinomique avec l'intention initiale d'installer de nouveaux personnages. Dans les faits, cela donne des intrigues qui rappellent des choses qu'on a déjà lues et relues comme Peter Parker quittant le monde des affaires puis retournant travailler au Daily Bugle. Si la première action était comme évidente depuis des mois puis très bien amenée au sein de l'événement Secret Empire, la seconde parait plutôt téléphonée. Mais, dans les autres titres, nous avons le droit au même genre de traitement : il faut aussi compter sur le retour du Sinister Six, celui de Purple Man, un cross-over dans le Mojoworld où les X-Men revivent tous leurs plus grands moments, Greg Pak écrit un nouveau Planet Hulk, l'event de fin d'année Phoenix Resurrection qui ramène à la vie Jean Grey adulte, etc.
Dans les faits, Marvel Legacy n'est en réalité que le troisième chapitre d'un cycle entamé en 2015 par All-New All-Different Marvel avant le grand remaniement des équipes créatives qui, depuis près de 10 ans, arrive tous les trois ans et qui sera le vrai début de cycle. Et, c'est là que ça pêche : les lecteurs ont compris que Legacy était un grand bouleversement démarrant un nouveau cycle.
Marvel n'a jamais communiqué en tant que tel mais il a joué avec les mots afin de susciter la même envie : grand remaniement de la numérotation avec retour à celle des titres originaux, grosse communication sur les rares changements d'équipe créative, et mise en place de couvertures spéciales comme dans les années 90 pour les nouvelles séries et les grands événements. Forcément, ceux qui attendaient une révolution au sein de Marvel sont déçus et personne ne pourra les blâmer pour cela. De manière plus factuelle, ce bouleversement n'arrivera pas et ne semble pas être le mot d'ordre côté édito.
Peut-être que ces changements arriveront avec les numéros 700 de Captain America ou 800 de Amazing Spider-Man, mais même Mighty Thor #700 n'a été que l'aboutissement de toutes les intrigues racontées par Jason Aaron depuis 2012 sur la licence plutôt que d'un véritable renouveau. Mais, sur ce point, seul l'avenir nous le dira.
En attendant, nous voyons l'ancien et le nouveau apprendre à cohabiter sans que cela soit un véritable événement et sans aucune forme. Là, encore Marvel a décidé d'écouter les fans et de mettre fin au principe de maxi-série événements comme House of M, Civil War, ou récemment Secret Empire mettant en pause les autres séries. Très clairement, le système fatiguait les lecteurs et certains titres en souffraient - par exemple, Occupy Avengers n'a pas eu de véritable fin à cause de ça. Là où cela devait être une bonne nouvelle, l'éditeur décide alors de lancer une multitude de cross-over créant l'événement au sein des séries régulières avec comme phrase d'accroche "Toutes les séries sont des événements". Ok, mais... c'est un peu nous prendre pour plus bêtes que nous sommes. Certes, Avengers No Surrender qui arrive en janvier n'aura aucun tie-in et sera contenu dans seulement la série Avengers mais il y aura 1 numéro par semaine pendant 3 mois. En somme, il y aura plus de "grandes" sagas sur une même période de temps.
Et encore, je me demande si Marvel Comics n'a pas déjà changé son fusil d'épaule. Marvel Legacy semble être le teaser d'une grande saga à venir dont les prémices ont été aperçus dans la série All-New Guardians of Galaxy - devenue récemment Guardians of the Galaxy. En tout cas, tous les éléments sont bien là pour lancer un big event Infinity War qui pourrait coïncider avec la sortie du troisième film Avengers. D'autant plus que nous venons d'apprendre que la série sur l'équipe de Star-Lord vient d'être annulée au numéro 151 - qui avait été sollicité pour janvier 2018 - pour laisser place à quelque chose de plus "ambitieux". Encore une preuve que Marvel Comics est en panique et ne sait plus sur quel pied danser.
Peu importe la qualité des séries actuelles - il y en a toujours beaucoup, l'avenir de Marvel Comics me parait sombre. Bien évidemment, le départ de Brian Michael Bendis après 16 ans de loyaux services ne rassure pas, il était l'un des architectes de Marvel Comics de ces dernières années. Donc tout ce qui est écrit ci-dessus et ce nouveau changement de situation, la question posée dans le titre est tout à fait légitime mais ne sous-entend pas pour autant une fatalité.
L'histoire est un perpétuel recommencement, dit-on. La situation de Marvel Comics n'est pas sans rappeler celle de 1995 où les lecteurs (principalement des X-Men) commençaient à fatiguer des perpétuels cross-overs souvent au détriment de la construction au long terme et de l'évolution des personnages. Le cross-over Onslaught a même été une étape importante créant un univers de poche afin de relancer les ventes sur des séries en perte de vitesse. Là encore, la Maison des Idées semblait perdre pied. À l'époque, la situation économique de Marvel était inquiétante et pouvait justifier certaines décisions. Là, encore, Bob Harras, éditeur-en-chef de Marvel Comics à l'époque, avait décidé d'écouter les lecteurs en arrêtant les "big events" mais très rapidement les cross-overs étaient revenus.
C'était très clairement une période sombre de Marvel Comics. À titre personnel, j'avais diminué mon nombre de séries à lire chez l'éditeur - me permettant de me lancer à bras le corps chez DC qui offrait de bien meilleurs titres. Et j'ai un peu l'impression que nous allons vers ce genre de période. Là où le départ de Bendis aurait pu être bénéfique pour permettre à certains auteurs de briller ou de prendre du galon, il risque au contraire d'avoir une pression éditoriale importante sur les épaules des créatifs pouvant aller jusqu'à les faire fuir.
Ça ne serait pas la première fois qu'un éditeur connait ce genre de période. Certes, Valiant Entertainment ne s'en était pas remis en 1994 mais Marvel et DC ont toujours fini par rebondir donc, ce n'est pas une fatalité en soit. Et puis, même, pendant ces périodes de creux, il y a toujours de bonnes choses produites : dans la période évoquée ci-dessus, je me rappelle de Ka-Zar par Mark Waid et Andy Kubert ou de Daredevil par Karl Kessel et Cary Nord et, bien évidemment, par Kevin Smith, Joe Quesada et Jimmy Palmiotti.
Alors, oui, le fan de Marvel Comics que je suis est forcément inquiet - d'autant plus que la période que connait DC Comics depuis 2011 ne me plait pas pour le même genre de raisons - mais je sais que'à l'heure actuelle j'ai toujours de bonnes séries à suivre. Pour le moment, la seule chose que nous ayons à faire est d'être patient afin de voir si Marvel saura rebondir rapidement ou, a contrario, s'enliser dans la situation.