Le Proche Orient de 1925 à 1960

La domination européenne après la grande guerre

L'alliance franco-britannique avait incité les peuples arabes à la lutte contre l'empire ottoman en leur promettant l'indépendance mais, en même temps, ils avaient partagé le territoire arabe entre la France -avec la Syrie et le Liban- et l'Angleterre -avec l'Iraq, la Jordanie et la Palestine. En plus, ils avaient promis l'établissement en Palestine d'un foyer national aux juifs sionistes. Après la fin de la guerre et celle de l'empire ottoman, les deux pouvoirs se sont fait mandater par la nouvelle Société des Nations, mais la SDN, institution créée en 1919 dans le cadre du traité de Versailles était dominée par la France et l'Angleterre, et le mandat n'était qu'une formalité. Pour les deux pouvoirs, les nouveaux territoires étaient des colonies, toute résistance était réprimée.

La France a mené entre 1920 et 1927 deux guerres en Syrie bombardant les villes et des villages insoumis. Entre 1921 et 1926, elle a mené aussi une guerre difficile et sanglante avec une armée de 325 000 hommes au Maroc, contre les Kabyles du Rif d'Abd el Krim, elle a réprimé le mouvement indépendiste en Tunisie (Habib Bourguiba), tandis que, en Algérie, elle protégeait les intérêts des colons français contre une population indigène croissante et appauvrie. L'Angleterre gouvernait l'Iraq avec le roi Fayçal et la Transjordanie avec son frère Abdallah comme émir, avec une légion arabe sous les ordres des officiers anglais (Glubb Pacha). En Égypte, le nouveau roi Fuad (depuis 1922) cherchait une plus grande indépendance, mais devait accepter la présence militaire et la domination par l'Angleterre. L'Italie, sous Mussolini depuis 1922, mena entre 1923 et 1932 une guerre extrêmement brutale en Libye qui coûta la vie à 100 000 Libyens, 15% de la population. En 1936, l'Italie de Mussolini agressa et occupa l'Éthiopie, une vieille monarchie indépendante. En Palestine, sous mandat britannique, jusqu'en 1930, 100 000 juifs, surtout de l'Europe, s'établirent sur des terres achetées par des organisations juives malgré l'opposition arabe.

La deuxième guerre mondiale 1938 - 1944

Depuis 1938, la France et l'Angleterre s'attendaient à la guerre contre l'Allemagne et l'Italie fascistes. La flotte anglaise contrôlait l'Atlantique et se préparait au blocus des ports allemands, tandis que la flotte française devait assurer la domination de la Méditerranée contre les Italiens. La France se croyait bien protégée par son armée et la ligne Maginot. Mais en juin 1940, les blindés allemands pénétrèrent en France, et en juin, son nouveau chef Pétain signait un armistice déshonorant. Les Anglais purent s'échapper de la " poche " de Dunkerque, et pour ne pas laisser tomber la flotte française dans des mains ennemies, leur flotte détruisit en juillet 1940, à Mers-el-Kébir, la moitié de la flotte française. Comme le Tchad, le Congo-Brazzaville et l'Oubangi-Chari (Centre-Afrique) s'étaient déclarés favorables à la France libre, De Gaulle et Churchill espéraient gagner aussi l'Afrique occidentale française. Le 23 septembre 1940, une flotte française de Vichy se heurta à une flotte de la France libre et de l'Angleterre devant Dakar. Comme Vichy gagna, le Sénégal, le Maroc et l'Algérie restèrent fidèles à Pétain.

Le gouvernement de Vichy collaborait avec l'Allemagne nazie mais le général De Gaulle, devenu chef de la France libre, continua la guerre. Les officiers, dans les colonies, se déclarèrent majoritairement pour Pétain, de même en Syrie. Le général pétainiste Henri Dentz, qui soutenait les insurgés dans la guerre entre le gouvernement irakien et les unités britanniques, leur envoya deux trains d'armements et ouvrit Alep aux aviateurs allemands. En juin 1941, il s'opposa avec son armée (35 000 soldats, dont 10 000 français, algériens ou légionnaires) à une armée anglo-arabe, à des Australiens et à des Français libres. Dans la campagne de Syrie, les Français libres entrèrent à Damas le 21 juin. Le 14 juillet, Dentz dut signer un armistice avec l'Angleterre et regagna la France.

Mussolini rêvait d'un empire italien en Afrique avec la Libye, l'Ethiopie et des possessions britanniques. Entre 1940 et 1941, il mena la campagne d'Afrique de l'Est au Soudan, en Érythrée, en Somalie et au Kenya, mais il fut arrêté par des troupes coloniales britanniques. Seul la Somalie britannique devint italienne pendant un an. Une première invasion de l'Égypte en septembre 1940 fut un échec.
Une contre-attaque britannique en décembre 1940 en Libye et en Éthiopie mit les Italiens en grande difficulté et incita les Allemands à intervenir en Afrique, aux côtés de leur allié. L'opération commença en février 1941, sous le commandement du général Rommel. Le siège de Tobrouk - meilleur port de la côte libyenne tenue par les Anglais depuis janvier 1941 - et les batailles de chars dans le désert se soldèrent par le retrait des troupes allemandes en novembre 1941. L'Égypte était sauvée. La guerre continua : en juin 1942, des unités françaises libres commandées par le général Koenig résistèrent à Bir Hakeim, et en octobre 1942, Montgomery remporta la victoire décisive d' El Alamein. Les Allemands se retirèrent en Tunisie, et après le débarque-ment de forces anglo-américaines au Maroc et en Algérie, l'Afrikakorps capitula en mai 1943.

L'indépendance des États arabes

Dans les pays arabes, l'objectif d'une vraie indépendance et l'opposition à la domination europé-enne étaient forts ; les guerres entre les pouvoirs coloniaux avaient encouragé cette opposition. En Syrie, la France libre du général Catroux essaya de reprendre l'autorité coloniale, avec l'aide de l'aviation britannique mais, en 1943, elle se résigna à accorder une semi-indépendance au Liban et à la Syrie. Le premier président syrien, Choukri-al-Kouatli du Bloc National, obtint, en 1946, l'indépendance complète et le retrait des forces françaises. En 1949 il fut renversé par un coup d'État, mais revint pour un deuxième mandat en 1955. En 1958, la Syrie et l'Égypte de Nasser fusionnèrent en une République Arabe Unie, mais en 1961, un nouveau coup d'État en Syrie mit fin à l'union. En 1963, Amin-al Hafez et le parti Baas prirent le pouvoir. Le Liban, d'un équilibre précaire entre Chrétiens, Sunnites, Chiites et Druses, était, après son indépendance, la Suisse du Proche Orient, surtout grâce à l'économie et aux banques.
LÉgypte était semi-indépendante depuis 1922 et officiellement neutre dans la guerre. Farouk, roi depuis 1936, très pieux, sympathisant de l' Allemagne, fut renversé en 1952 par un coup d'Ètat des militaires, qui aspiraient à des réformes et à une modernisation. En 1953, l'officier Gamal Abdel Nasser prit le pouvoir et, en 1954, devint président de la République égyptienne. Il déclara sa neutralité dans la guerre froide, et comme les Américains ne voulaient plus financer le projet du barrage d'Assouan, il se rapprocha de l'Union Soviétique. En 1956, comme il avait nationalisé le canal de Sues, une alliance franco-britannique et israélienne attaqua l'Égypte, mais leurs troupes durent se retirer sous la pression conjointe des États-Unis, de l'ONU et de l'URSS. Nasser apparut comme vainqueur et devint le héros du monde arabe.

Le grand problème, c'était l'immigration juive en Palestine. Pendant la guerre, les Britanniques essayèrent de limiter l'immigration. Cependant, jusqu'en 1947, 500 000 juifs avaient cherché et trouvé leur foyer national sur des terres achetées ou occupées au détriment de la population arabe. En 1946, les autorités britanniques ne pouvaient plus contrôler la guerre clandestine. L'ONU vota un plan de partage de la Palestine le 20 novembre 1947 mais le lendemain, la guerre ouverte entre Juifs et Arabes commença. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion déclara la fondation et l'indépendance de l'État d'Israël. La guerre s'acheva en 1949 par des armistices. L'Égypte prit la tutelle de la bande de Gaza, la Jordanie celle de la Cisjordanie. Près d'un million de Palestiniens se réfugièrent dans les pays voisins, presque autant de juifs émigrèrent des pays arabes en Israël. La paix ne fut ni conclue ni maintenue, et la participation d'Israël à l'attaque franco-anglaise de 1956 contre l'Égypte aggrava encore la situation.

L'Iraq et la Jordanie, avec deux cousins comme rois, formèrent en 1958 contre Nasser une fédération arabe soutenue par la Grande Bretagne. Mais après quatre mois, le général Qasim renversait le roi Fayçal et proclamait la République d'Iraq. En 1963 Qasim fut renversé par le parti Baas (un des chefs était déjà Saddam Hussein). Le royaume de Libye, indépendant sous le roi Idris depuis 1951, devint un producteur important de pétrole.

Les nouveaux régimes étaient nationalistes arabes, avec Israël, la France et la Grande Bretagne comme ennemis jurés. Nationalistes dans leurs frontières, avec des difficultés entre voisins, islamiques mais séculiers, socialistes et réformistes, neutres dans la guerre froide avec cepen-dant de bonnes relations avec l'URSS. Les nouveaux régimes, confrontés avec une croissance forte de la population (de 2,5 à 4,5 millions, en Syrie, entre 1940 à 1960), un exode rural et un nouveau prolétariat dans les villes, investirent dans l'éducation et dans le domaine social.

Hansjörg Frommer

13 octobre 2017 à l'ARDEC, La Roche Saint Secret Béconne