Batman – The Dark Prince Charming 1/2 (Enrico Marini – Editions Dargaud)
C’est un jour comme tant d’autres dans les rues sombres de Gotham. Après avoir attaqué une bijouterie, le Joker et ses hommes foncent à travers la ville avec leur butin. Plusieurs voitures de police sont à leurs trousses, toutes sirènes hurlantes. « Fais cesser ce bruit agaçant », ordonne le Joker à l’un de ses comparses, ravi de recevoir de la part du chef l’autorisation de mitrailler les forces de l’ordre. C’est le moment que choisit Catwoman pour débarquer sur sa moto, bien décidée à récupérer les bijoux pour son propre compte. Du haut d’un des gratte-ciel de Gotham, Batman observe la scène, en attendant le bon moment pour intervenir. « Voilà le roi des troubles-fêtes », soupire Catwoman. « Tiens, tiens, le rabat-joie de service », renchérit le Joker. Mais le Chevalier Noir se soucie peu des sarcasmes de ses éternels ennemis. En deux temps trois mouvements, il saute sur la camionnette du Joker et met fin à la course-poursuite en forçant le véhicule à plonger dans les eaux noires du fleuve. Serait-ce la fin du clown maléfique? Non, bien sûr! Une fois de plus, le méchant s’en sort sans une égratignure. Seul son maquillage en a pris un coup. Mais Batman est loin de se douter à quel point il a énervé le Joker. Car dans sa chute, celui-ci a perdu le collier de perles qu’il comptait offrir à sa chère Harley Quinn pour son anniversaire. « Adieu mes jolies perles », miaule Catwoman. Du coup, quand le Joker flaire l’occasion de gagner suffisamment d’argent pour rattraper le coup auprès de sa capricieuse fiancée, il n’hésite pas une seconde. Et s’il enlevait cette jeune fille dont on dit qu’elle serait la fille cachée du milliardaire Bruce Wayne? Cette fois, c’est Batman qui va se mettre en colère. Vraiment en colère!
Un Batman signé par Enrico Marini! Quand la nouvelle est apparue sur les réseaux sociaux il y a quelques mois, elle a déclenché un enthousiasme délirant. Il faut dire que la rencontre entre l’univers du Chevalier Noir et l’un des dessinateurs de BD les plus doués de sa génération avait de quoi faire naître les espoirs les plus fous. D’autant plus que cette rencontre était totalement inattendue. Marini lui-même pensait d’abord qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Mais quand il a compris que DC Comics avait vraiment décidé de lui donner carte blanche pour écrire et dessiner un « Batman », l’auteur italien n’a pas hésité à mettre momentanément entre parenthèses ses séries « Le Scorpion » et « Les Aigles de Rome » pour se jeter corps et âme dans ce nouveau projet. Car pour être clair, il s’agissait d’un défi qui ne se refuse pas: pour la toute première fois, DC Comics a confié l’univers du Chevalier Noir à un auteur issu de la bande dessinée franco-belge. Avec quel résultat à la clé? D’un point de vue graphique, c’est tout simplement magnifique. Comme toujours, le virtuose Marini se surpasse pour donner vie à une cité de Gotham fascinante et apocalyptique, digne des films de Christopher Nolan et des comics de Frank Miller. D’un point de vue scénaristique aussi, ça tient méchamment la route. S’amusant comme un gamin, Marini prend un malin plaisir à opposer Batman et le Joker, tout en leur donnant à chacun un côté plus humain et en ajoutant une touche d’humour par-ci par-là. Seul bémol: ce n’est pas un livre très surprenant. Marini fait du Marini (« Mon style graphique est depuis toujours influencé par les comics, il ne l’est pas plus aujourd’hui », souligne-t-il), tout en restant particulièrement fidèle aux codes de la série (« J’ai très vite abandonné l’idée de révolutionner le personnage », reconnaît l’auteur). Mais pas question de bouder son plaisir pour autant: ce premier tome du « Dark Prince Charming » plaira à coup sûr à tous les fans de Batman et de Marini. Séduira-t-il également les lecteurs américains? C’est en tout cas le pari de DC Comics et de Dargaud, qui ont choisi de publier cet album simultanément des deux côtés de l’Atlantique. Quant à la sortie du deuxième tome, elle est prévue pour l’été 2018.