Une immersion presque musicale, entre simplicité et subtilité.
Bashô (1644-1694), moine errant, poète parmi les plus célèbres du Japon, est considéré comme le père du Haïku et l'un de ses plus grands maîtres. Imprégné de sa pratique méditative zen, il lui donne sa structure et surtout son esprit : un tercet très court qui saisit l'essence de l'instant présent.
Ce carnet de voyage, qui associe prose allusive et haïkus d'une saisissante vitalité, marque un tournant dans la vie et l'œuvre du poète. Suite au décès de sa mère, quittant sa vie sédentaire de Maître de poésie reconnu, il se lance dans une quête d'absolu, de total dépouillement, pour revenir à la pureté de l'expérience immédiate.
Les superbes haïga de Manda nous accompagnent dans ce voyage au cœur du Japon éternel et de l'intime aventure humaine.
Cliquez sur les images pour les agrandir.
Je voudrais tout d'abord une nouvelle fois remercier Aurélien de Synchronique Éditions pour sa confiance et ce second SP, ainsi que le site SimPlement.
Vous n'êtes pas sans savoir (ou peut-être que si ?), que j'aime beaucoup la culture asiatique et tout particulièrement celle du Japon. J'ai déjà mangé japonais, parlé japonais (enfin quelques mots, quelques phrases de base), j'ai regardé des animés, des dramas et des films en vostfr, j'ai lu des mangas, lu des livres d'auteurs japonais... Alors vous pensez, les haïkus, je connais. Oui, je connais, vite fait croisés au détour d'une lecture, d'un visionnage, mais, pour autant, je n'avais jamais lu de recueil leur étant dédié. C'est heureusement une lacune que j'ai maintenant pu combler. ^^
Et je suis vraiment heureuse d'avoir pu le faire, parce que ça a été un moment très intéressant, rempli de calme, de sérénité, de lecture plaisir comme une douce musicalité non pour les oreilles, mais pour le cerveau. Car oui, j'ai pris énormément de plaisir à cette lecture mêlant haïbuns et haïgas.
Avant de rentrer plus avant dans ma chronique, je vais vous expliquer quelques petites choses, pour les intéressés :
Qu'est-ce qu'un haïku ?
Il s'agit d'un petit poème extrêmement bref visant à dire et célébrer l'évanescence des choses. Ce poème comporte traditionnellement 17 mores (un découpage des sons plus fin que les syllabes) en trois segments 5-7-5, et est calligraphié traditionnellement soit sur une seule ligne verticale soit sur trois.
Le haïku ne se contente pas de décrire les choses, il nécessite le détachement de l'auteur. Il traduit le plus souvent une sensation. Il est comme une sorte d'instantané. Cela traduit une émotion, un sentiment passager, le haïku ne se travaille pas, il est rapide et concis. Il n'exclut cependant pas l'humour, les figures de style, mais tout cela doit être utilisé avec parcimonie. Il doit pouvoir se lire en une seule respiration et de préférence à voix haute. Il incite à la réflexion. Il est préférable de le lire deux fois afin d'en saisir complètement le sens et la subtilité.
Qu'est-ce qu'un haïbun ?
Le haïbun est une composition littéraire mêlant prose et haïku. Il est utilisé pour la première fois par le poète du siècle Matsuo Bashô, dans une lettre à son disciple Mukai Kyorai en 1690.
Qu'est-ce qu'un haïga ?
Le haïga est un style de peinture japonaise qui incorpore l'esthétique des haïkus. Les haïgas sont généralement peints par des poètes haïku et souvent accompagnés de poèmes haïku. Comme la forme poétique qu'il accompagne, le haïga est fondé sur des observations simples et souvent profondes du monde quotidien.
Voilà. On n'oublie pas de remercier Wikipédia au passage. ;-)
Maintenant que tout le monde est plus au fait avec le vocabulaire de base, revenons-en à la chronique !
Ce livre, ou plutôt ce carnet de voyage ( nozarashi kikô signifie "journal de voyage usé par les intempéries), est un mélange de prose et de haïkus appelé (avez-vous bien retenu la leçon ?) haïbun (bravo aux personnes ayant eu la bonne réponse !). Il a été écrit par Bashô lors de son pèlerinage vers son village natal, un an après le décès de sa mère.
Ici je savais lire "no" et traduire "te" (main), "namida" (larme/pleur) et "aki" (automne).
Ici, Bashô exprime son émotion lorsque son frère lui remet une mèche de cheveux de leur mère décédée.
Il commence par une introduction retraçant la vie de ce poète japonais puis continue sur une préface qui nous parle un peu plus du concept du livre, ainsi que de Manda, son illustratrice. Il se termine par quelques petites notes explicatives sur certains noms, lieux, termes employés. Autant dire que ce sont des parties que j'ai lu avec attention, pour bien m'imprégner de ce que l'on voulait me transmettre.
Petit plus à la toute fin, la carte du long voyage de Bashô.
Pendant ce voyage, le poète va coucher sur papier ce qu'il ressent, ce qu'il voit. Il va capturer la beauté et les émotions du moment présent.
Sans le savoir, ses haïkus sont l'ancêtre du smartphone... de façon beaucoup plus subtile, il est vrai. Mais trêve de plaisanterie !
Entre ces très jolies pages de papier glacé, au milieu des haïkus, des haïgas et de la prose, j'ai voyagé. Je me suis laissée porter par leur musicalité, leur beauté, leur subtilité. Autant vous l'avouer, je l'ai dévoré en très peu de temps, trop peu de temps. Snif... Puis j'ai pris plaisir à le feuilleter de nouveau, à rechercher les plus belles peintures, les plus beaux vers.
J'ai particulièrement aimé la mise en page qui sait s'adresser à un large public : au néophyte avec la traduction française ; à une personne possédant quelques notions (comme moi) avec la version romanisée (c'est à dire la prononciation japonais mais avec notre alphabet) ; à l'apprenti qui pourra s'essayer à la lecture imprimée des kanji ( hiragana, l'alphabet japonais) à l'expert avec la version japonaise calligraphiée des haïgas.
Ici, je savais encore lire le "no" et traduire "uma" (cheval), "tsuki" (lune) et "cha" (thé).
et le ku
A chaque nouvelle page, je procédais de la même façon :. lol
- Je continuais par la version romanisée. Même si je n'ai jamais été capable de traduire un haïku en intégralité, j'arrivais (presque) toujours à trouver au minimum un mot, voire trois ou quatre.
- Puis je terminais par la version française, prenant plaisir à confirmer mes traductions, mais encore plus à en caresser le sens subtil et la beauté gracile.
Il n'y a pas à dire, j'aime la culture japonaise, si emprunte de simplicité. Mais, dès que l'on gratte un peu, on s'aperçoit que ladite simplicité est beaucoup plus compliquée qu'on ne le croyait de prime abord, beaucoup plus subtile et réfléchie. J'adore !
En résumé, lire ce carnet de voyage a été autant un plaisir pour les yeux, avec ses magnifiques haïgas, qu'avec la délicate subtilité et le sentiment d'éphémère poésie des haïkus de Bashô, emplis d'émotions. J'ai été moins sensible à sa prose, mais tout est une question de goût. Et ça ne m'empêchera pas de me replonger entre ses pages à l'occasion, oh ça non ! ^^
Je n'ai jamais été férue de poésie, je n'y ai même jamais été vraiment sensible, mais j'adhère et j'adore les haïkus.
Si je recommande ce livre ? Absolument ! Tant pour son contenu que pour le contenant : la qualité éditoriale (qualité du papier, format, mise en page, beauté, élastique...) fait que tout est mis en œuvre pour une immersion totale et pleine de plaisir entre les pages de ce nozarashi kikô.
Un second carnet de voyage vient tout juste d'être publié par Synchronique Éditions. Vu qu'il n'est pas disponible sur SimPlement et que j'ai déjà eu deux SP de cette maison d'édition (je ne voudrais pas abuser et passer pour une profiteuse), il y a des chances pour que je le demande à Papa Nowël. Parce que le trouver au pied du sapin me ferait vraiment très plaisir ! :D
- Je commençais d'abord par lire les kanji. Enfin lire... plutôt les regarder vu que je ne sais lire que le no
Mon haïku préféré.
J'ai une nouvelle fois été capable de lire "no" (ouais, je vous avais prévenu lol) et de traduire "tsubasa" (aile).
Pour le dévorer, c'est par ici .
Tombe de Bashô.