Pendant des décennies, ils ont enfoui leurs lourds secrets...

Mars 1960 en Kabylie, le jeune appelé Antoine Berthier achève à l'aube sa dernière garde avant d'être libéré et pouvoir enfin retrouver ses parents et sa soeur jumelle qui l'attendent sur le continent.

Quelques jours plus tard, sans aucune explication, il se donne la mort sur le bateau du retour.

En septembre 2001, on découvre à Marseille, les corps sans vie de plusieurs de ses anciens compagnons d'armes.

Très vite, Aïcha Sadia, jeune femme d'origine kabyle, aujourd'hui commissaire, et Sébastien Touraine, ex-flic à la dérive, désormais détective, vont remonter les traces de l'Histoire...

Entre les errances d'alors et les rancœurs d'aujourd'hui, ils vont découvrir que des deux côtés de la Méditerranée les mémoires saignent encore...

Très belle, pour un polar, elle est superbe et pas du tout déprimante.

"Djebel" fait partie d'une série en cours de l'auteur Gilles Vincent que j'ai eu l'honneur de rencontrer en 2016 lors du salon de la 25ème Heure au Mans. J'avais lu "Hyenae", tome 2, et je lui avais acheté et fait dédicacer "Parjures" le tome 3 qui laisse sur un cliffhanger du tonnerre! J'ai lu la série dans le désordre mais je vous dirais que ce n'est pas grave. J'ai eu un réel plaisir à me plonger dans la rencontre entre Sébastien Touraine, ex commissaire aux stups devenu détective privé, et Aïcha Sadia, commissaire de police à Marseille.

Dès le départ nous faisons un saut dans le temps, mars 1960 en Algérie où une escouade française va se rendre responsable d'un fait plus qu'ignoble. Un de ceux y ayant participé ne le supportera pas, Antoine Berthier.

En 2001, sur son lit de mort, Michaud va demander à sa femme de contacter la sœur d'Antoine pour lui révéler exactement ce qui s'est passé. Cette dernière va donc faire appel à Sébastien Touraine pour qu'il fasse jour de ce qui s'est réellement passé en mars 1960.

L'auteur va plonger notre héros dans plusieurs découvertes de cadavres plus ou moins frais et tués de manière atypique. Sébastien est un détective exceptionnel, son cerveau carbure à 1000 à l'heure, il analyse tout, enregistre les détails, mais a besoin de se concentrer et de dérouler les faits par thématique ou par chronologie. L'action est ici très enlevée, aucun temps mort dans les enchaînements. On suit l'intrigue au fur et à mesure des déductions de Sébastien.

Aïcha, d'origine kabyle se sentira d'autant plus impactée que cette guerre franco algérienne relève de son héritage familial, guerre qui a été très durement vécue par les 2 belligérants, faites d'atrocités et de tortures en tout genres des deux côtés.

Gilles Vincent tient le lecteur sous sa coupe de manière magistrale en scandant la plupart de ses débuts de phrases par un verbe à l'infinitif. Cela donne une rythmicité dans l'action et surtout nous percute de plein fouet sur les détails de la gestuelle et de la pensée de Touraine. Et cette plume là, moi je l'adore!

Un début de rapprochement entre Touraine et Aïcha dans la sphère privée donne à l'ensemble la légèreté nécessaire pour appréhender l'horreur des exécutions qui ont eu lieu. L'auteur a savamment su doser l'indicible, l'incompréhensible avec une relation tout juste naissante pour avoir donné envie de connaitre la suite de leurs relations.